« Il était une fois, au pays des chenilles du coeur, Saniath« . C’est ainsi qu’il m’a plu de commencer cette chronique, pour la situer dans le registre « du racontar » que Daté a voulu pour son premier roman  » Errance chenille de mon cœur« , qu’on peut qualifier de « Récits autofictionnels aux allures de bavardage sans fin ». Sortir de cette lecture de longue haleine est un vrai parcours de combattant. Paru pour la première fois aux Editions plumes soleil, Errance chenille de mon cœur fait peau neuve avec les Editions LAHA. L’auteur, Daté Atavito Barnabé Akayi, sort du placard avec un personnage mythique : Saniath. Saniath, l’omnisciente, l’omniprésente nous fait voyager dans son univers à travers des récits et des tranches de sa vie. Emouvant. Pathétique. L’héroïne ici, « raconte sa vie ». Dans tous les sens du terme. Elle se livre à un exercice psychanalytique que lui aurait prescrit son psychologue. Elle tient dès lors un journal dans lequel elle écrit tout ce qui se trame dans sa vie. Un véritable réservoir de pensées inavouées, un gisement de pensées aussi perverses que tordues. Très friande des aventures érotiques, Saniath mène une vie de papillon de la vallée. A chaque année suffit son amour: «(…) En terminale John, Jérémie, lui mon professeur, et Léon. Chaque année avec son mec ou chaque année avec ses mecs, dois-je dire (…) avec chacun de ces garçons je suis sortie et j’ai ressenti une fois quelque chose que je nomme amour. » (Page 97). Conséquence : le rendement scolaire reçoit un coup de massue. Saniath n’est des plus brillantes de sa classe. Pour avoir passé deux fois le BEPC et le BAC, elle n’est toujours pas sortie de l’auberge. Daté donne toute liberté à son personnage. Une logorrhée verbale derrière laquelle l’héroïne se cache pour dégurgiter toutes sortes de vérités qu’une personne normale réfléchirait par deux fois avant de lâcher. Elle livre les différents clichés de notre monde d’aujourd’hui sans réserve et avec une pointe d’humour décapante. Parents, amis, fonctionnaires, enseignants vacataires, jeunes et vieux s’y retrouvent à loisir. Certains s’y retrouvent à moisir dans les cachots de la vie. Pour exemple, la violence faite aux femmes est ici abordée dans un contexte beaucoup plus juvénile. Bella, élève en classe de terminale, se fait souffleter par son petit copain de mécanicien. Un acte que condamne Saniath. D’autant plus que la victime n’a rien à envier au mécanicien sur le plan intellectuel. «(…) Le gars vaut même pas le millième de Bella » dixit Saniath (Page 139). Par ailleurs, Daté décide de s’infiltrer dans son propre roman en s’interrogeant lui-même, en y devenant personnage. Le monde du livre est ainsi approché dans sa définition du roman : « Le roman est un truc pour ceux qui, la plupart du temps ne peuvent pas s’élever(…) C’est un genre dédié aux tarés qui ne peuvent pas déguster les poèmes. Le roman, ça n’a presque rien de relevant » (Page 180). L’auteur profite de son personnage pour livrer ses vérités sur le livre et son monde. Le monde du livre et de surcroît celui de l’écrivain ne doit pas être un landerneau. Les écrivains, « les gens les prennent pour des génies, eux-mêmes se prennent pour des immortels. Ça ne me réjouit pas. » (Page 181) Sans doute l’écrivain devra incarner autre chose. « Mon pari et je l’ai tenu, c’est de montrer qu’un écrivain est un être simple » Pour qui connait l’auteur, il aura vraiment tenu son pari. Ce qui justifie sans aucun doute le choix du style que Daté applique à ce roman. Style léger, sinon débridé, du moins trop familier. Il a su s’abaisser, abaisser son âme de poète pour se mettre au niveau de tout lecteur. Sans grandiloquence, Daté se définit sa ligne romanesque tout en dénonçant à sa manière. Il montre ses capacités à voyager entre le soutenu et le familier de manière à pouvoir contenter aussi bien les esprits capables d’ascension (somnambules de poèmes) que ceux qu’il qualifie de tarés (funambules de romans). Eh oui ! Osons le dire, Daté a avant tout écrit pour un lectorat de tarés… (Kanflan !) Comme lui-même le dit. Mais le grand problème c’est celui de Saniath qu’il faut nécessairement soigner. C’est une âme en danger. La thérapie par l’écriture, que l’auteur essaie de mettre en relief, a-t-elle réussi? Saniath a-telle pu guérir de ses maux? Et que lui a valu le fait de brasser dans un même mouvement de souvenir et de projection, des noms de personnes réelles comme Florent Mensahn, Habib Dakpogan, Adélaïde Fassinou, etc?… Sa vie ne sera-t-elle qu’errance? Quand cette chenille quittera-t-elle son cœur? Pour trouver des réponses à ces questions, faites comme moi: prenez le livre, et lisez-le.

 

Adébayo ADJAHO

  1. Daté, encore du Daté et toujours du Daté, en tout cas, chapeau mon grand pour cette merveilleuse plume qui comme les autres nous enivre. Merci pour ce travail de conscientisation consciente que tu mènes et des Saniath, Dieu sait que nous en comptons beaucoup par ici.