Cotonou. Six heures. La lueur matinale quoique hésitante, discutait déjà les derniers coins à l’obscurité de la nuit précédente.

Cette aube-là, la brise matutinale n’avait pas réussi à brasser la température interne dans la chambrette du jeune homme. « “Chaudification“ naturelle » depuis la nuit. Avec les 39°C en aoutage à Cotonou et environs, eh bien,  c’est la preuve qu’il fait bon vivre dans les mégalopoles. Regard brusque jeté à l’horloge, bondissement-ressort du lit, entrée flip dans la salle de bain, toilette de soldat faite à la hâte.

Une fois que la serviette ait absorbé la dernière pépite d’eau sur son corps, le jeune homme se vêtit avec une prestance professionnelle. Débardeur enfoncé dans le sous-pantalon. Ceinture passée dans chacune les courroies du pantalon qu’il enfila  en laissant la braguette ouverte. Il faut attendre que la belle chemise blanche-neige repassée et tri-passée la veille, fût enfoncée dans le pantalon noir pour tirer l’étirette vers le haut. Après quoi, le jeune homme pouvait se mettre devant la glace pour redresser sa chemise afin que sa pique soit sèche. La jeunesse aime les piques sèches parce que tout est sur mesure – tout est sur centimètre et non mètre.

La cravate noire courte, droite et menue en largeur était bien nouée et un peu moins serrée que la laisse autour du cou d’un mouton. Paires noires, pantalon couleur deuil, ceinture couleur ténébreuse, un coloris vestimentaire remarquable et attrayant. Un coup de peigne vint organiser la tignasse qui donnait une impression de broussaille après la douche. Le jeune homme appuya la pression d’un flacon de fragrance pour humecter le coin situé au bas de chaque pavillon. Il en fit de même au creux des veines des poignets ainsi qu’au creux de la jointure où s’accidentaient la fin de l’avant-bras et le début du bras. Il alla chercher son sac semblable à celui des avocats ou ambassadeurs. Il profita pour serrer sa montre-bracelet autour du poignet gauche.

 

 

Démarche alerte, un rythme galant, il faisait grande attention pour que le front de ses souliers brillants – on dirait qu’il les a plongés dans le cirage – ne cogne aucun caillou ou tout autre objet poussiéreux qui puisse rendre sombre et mélancolique l’étincellement desdits souliers. Avec toute cette élégance, ce jeune homme mérite bien un nom. Un si jeune homme instruit, disqualifié de la ligue des diplômés chômeurs, une incarnation de la déontologie vestimentaire, ces titres se résument bien dans un seul : « Akɔwé ». Le sieur Akɔwé ! Cela le fait bien ! Personne n’y perdra son fongbé  : sieur Akɔwé, Monsieur Akɔwé ou frère Akɔwé, peu importe. Le plus notable et agissant est qu’on y retrouve “ Akɔwé “. Akɔwé a pu sortir sa tête du vase du chômage, a pu briguer un poste dans l’administration publique saturée comme la sauce « mãn tin djan ».

06heures 45 minutes de l’aube. L’Alba astrale purifiait le ciel de ses crasses nocturnes. Les vrombissements de moteurs remplaçaient les rares chants de coqs urbains. Les oiseaux n’avaient plus le temps aux gazouillements. Etant en milieu urbain, ils se devaient d’aller à la quête de leur pitance qui se faisait rare dans ce milieu : ils ne cessaient donc de voler…

Akɔwéétait au bord de la voie. Debout sur les caniveaux servant de venelle aux eaux de ruissellement sur le goudron, il ressemblait à un apprenti du Taekwondo voulant saluer son adversaire avant combat. Jambes légèrement écartées en forme de V formant un angle obtus au niveau de son entrejambe, angle pareil à celui de la lettre « V » ; mains en forme de « x » derrière avec une main gardant le sac. Position Akɔwé à la Vx., celle de CR7 prêt à tirer les coups francs.

 

Bruissement de moteurs de tout genre, vitesse-éclair des véhicules qui passaient et laissaient entendre un flip poussant le piéton à regarder l’arrière du véhicule ; klaxons questionneurs des zémidjans qui s’enquéraient de ce que le client voulait solliciter leur service. Les taxis étaient aussi dans la danse, ne laissant personne indifférent par leurs carrosseries républicaines (vert-jaune-rouge).Il ne fallut que quelques secondes pour découvrir ce qu’attendait Akɔwé. Un bus blanc dont les pneus mangeaient l’asphalte du macadam. Son conducteur jouait avec le klaxon qui ne pouvait que retenir l’attention des piétons et même des passagers routiers.Un jeune homme debout dans le bus – à côté d’une portière arrière-chauffeur, avec la tête hors vitre et la main faisant de grands gestes chantait :

  • Tokpa ! Tokpa ! Tokpa ! Tokpa !

 

Bill F. YOCLOUNON

  1. Que va-t-il se passer. Avons-nous affaire avec un playboy de seconde zone?

    • On verra bien ce qui se passera. Suivons simplement Akowé