« A qui la faute?« , c’est le titre du premier ouvrage publié Aubain FELIGBE. Il s’agit d’un de recueil de deux nouvelles ( »A qui la faute » et  »La toilette »), paru aux Editions Savanes en 2018.

Titre interrogatoire « À qui la faute ? » de la première nouvelle, renvoie le narrataire à une réalité sociale séculaire longtemps auscultée sous divers angles par plusieurs auteurs et spécialistes de la question : l’éducation des enfants. Comlan, le personnage principal de la nouvelle devient la risée de la vie suite à son forfait commis lentement mais sûrement sous l’œil proche et si absent de ses parents occupés à d’autres « priorités ». « Maintenant, me voici contraint au suicide par le poids de mon forfait. On ne pouvait pas dire que j’avais le choix. » pp 40. Mais à qui la faute ? La faute d’une descente aux enfers d’un « fils parfait que tout parent aurait souhaité avoir » (p.11), la faute d’un enfant qui vécu l’enfer par le simple regard des autres, la faute d’un enfant qui pense qu’il devrait se donner la mort ?. Il arrive qu’on pose des actes que l’on regrette tout au long de son séjour terrestre, des actes qu’on aurait peut-être pas posé si à un moment donné. Et on se convainc que « l’enfer, c’est les autres« . On commet d’autres forfaits qui nous amènent à comprendre que cet enfer est également l’absence des autres. À qui donc la faute ? La faute d’une existence cruelle? La faute d’une lutte intemporelle? La faute d’un duel perpétuel? L’on ne le sait. Mais tout compte fait, l’écrivain Aubin Fèligbé, a certainement quelques approches à travers sa production. Comlan ! Quels ont été les motifs de son agissement. Qu’aurait il faire d’autres à ce qu’il fût si éventuellement il a eu l’apport parental nécessaire. Les différentes lignes qui s’enchaînent sous sa plume y renseignent mieux.

D’une focalisation majoritairement interne, le narrateur se positionne en homodiégétique intra-diégétique par une distance diégétique pour entremêler des figures de comparaison et d’opposition dans un registre soutenu à la hauteur du lecteur moyen. Surprenant comme l’exige le genre auquel il s’est conformé, le narrateur entraîne de part un dénouement confondu au nœud le narrataire dans les profondeurs mystérieuses de l’intrigue. Mais plus mystérieuse intrigue reste et demeure la seconde nouvelle « La toilette« .

 

La seconde nouvelle « La toilette » est faite de mystères et de rebondissements. L’Afrique, c’est déjà plus d’un demi-siècle d’indépendance même si le mot n’est qu’une contradiction de la réalité. Récit héroïque d’armature historique, « La toilette« , mieux qu’une métaphore, relate une aventure plus réaliste que fictive. Enchainée avec une promptitude aiguë l’intrigue met en action le roi Kpossou, le sanguinaire, qui « régnait sans partage sur le royaume de Midon » (Midon du dialecte fon qui voudra dire à peu près  » nous parions »). Sa femme expédiée du royaume, son enfant, Imayo, né au coeur de la jungle après le rapatriement de sa mère, bénéficiera des rituels propres à cette essence. De lignée royale, d’ailleurs prince héritier, le trône devrait lui revenir après le décès de son père… Mais cela se réalisera-t-il? De toute façon, sacré « chasseur » par son initiation au rite du « lamba » il accomplira la divination : « S’il est un garçon, mon seigneur, il devra vous manger comme jadis, vous le fîtes à votre père pour vous assurer de ses pouvoirs avant de prendre le trône » (p.55) mais comment ? On sait seulement qu’un chasseur doté de la puissance du « lamba » était vraiment à même de mettre à terre un « roi dont on dit qu’il tua un léopard à coups de poing » (p.45)  Le fils, roi à la place de son père’, cela était inscrit dans son destin. Mais une surprise désagréable l’attendait dans l’exercice de sa nouvelle mission royale. Les ministres de son père, qui devint les siens « se consultèrent discrètement pour ourdir un complot contre lui » (p.77.). Saura-t-il à lui seul son plan pour déjouer cette manœuvre d’hommes corrompus et cupides? Une toilette s’impose. Nettoyer les écuries royales. Faire souffler un vent nouveau sur le royaume. Œuvre colossale et exigeante. C’est certainement ce qu’il faut pour nos pays africain: une toilette générale, un toilettage complet, où seront frottées et adoucies les rugosités qui depuis des lustres empêchent l’Afrique de décoller, des contre-valeurs qui l’amènent souvent à pactiser avec la corruption, la trahison et les coups d’Etats.

                                                                                                                                 Aubin FELIGBE

Ce livre de Aubin FELIGBE vient à point nommé en ces heures où les divers blocs politiques dans nos pays sont rangés en bataille et lorgnent avidement le pouvoir.

 

Gervais Dassi