Certains philosophes ont soutenu que l’imagination donne un grand pouvoir à l’esprit humain. Les écrivains s’en servent à merveille pour voltiger entre les mondes visible et invisible. A l’origine de toute œuvre fictionnelle, il y a toujours l’imagination, véritable force pour les écrivains qui peuvent alors forger des courbes dramatiques jamais inexistantes à leurs récits, ou créer un personnage unique, ou encore donner une autre couleur à telle histoire et non suivre le courant populaire, etc. L’imagination est très vive chez Flore HAZOUME, une écrivaine originaire du Bénin vivant actuellement en Côte d’Ivoire.

Elle nous livre un recueil de neuf (09) nouvelles sous le titre de « CAUCHEMARS« . Publié dans la collection « Découvertes » de EDILIS en 1994, à Abidjan en Côte d’Ivoire, l’œuvre traîne le lecteur sur une piste fantastique, frissonnante, affreuse, effrayante de 146 pages cauchemardesques. Que vous soyez amateurs de frissons ou non, ne vous-y méprenez pas, « CAUCHEMARS » parle vraiment de cauchemars. Ouvrez la première page et vous tombez dans un film de cinéma frisson ou un film d’horreur interdit aux moins de 18 ans. De la première phrase à la dernière phrase de chaque nouvelle, vous ressentez une frayeur étrangement curieuse. Elle tend à vous faire abandonner la lecture, mais la curiosité qu’elle fait naître vous pousse à aller découvrir ce qui se cache au point final. Et là, vous avez envie de lire dans les non-dits, l’au-delà du point final. Désenchantés, parce que n’ayant pas trouvé un au-delà du point final, vous attaquez une autre nouvelle instinctivement et passionnément pour espérer lire une suite de l’histoire précédente. Vous continuez et vous vous rendez compte que l’intrigue suivante est chaque fois plus intrigante que la précédente et ainsi de suite. L’auteur trempe sa plume dans le sang des sacrifices animaux et humains, dans la réalité du fétichisme, de l’ésotérisme et de la magie noire, pour retracer des histoires peut-être vraies, mais sûrement bâties sur fond de fiction. Flore traverse avec ses neuf nouvelles, neuf tranches de vie remplies de cauchemars divers. Etrange réalité, ces tranches de vie sont mêlées aux réalités des forces surnaturelles, magiques et spirituelles.

Dans « CAUCHEMARS« , tout se fait sous l’œil des dieux, par l’entremise des dieux, pour le bonheur des dieux, moins que pour le bonheur des individus. Si dans une tranche de vie, un mari s’échine à demander à coût de sacrifices des enfants aux forces mystiques, (1ère nouvelle, « OBSESSION« ), c’est la jalousie d’une femme qui la conduit à rendre, par un envoûtement, niais et mouton, son mari auparavant insoumis. A travers cette lecture, l’auteure vient insister sur le caractère irréversible du pacte fait avec les dieux et les forces surnaturelles : la troisième nouvelle, « LE PACTE EST UN PACTE » en dit assez. Dans ce recueil, les hommes qui adulent les belles de nuit ont clairement une leçon à tirer : toutes les belles de nuit peuvent cacher leur identité de femmes de nuit, prophétesses diaboliques qui ne révèlent que leur identité dans le lit. (Cf. la 5eme nouvelle, « NUIT D’AILLEURS« ). Il en est de même pour Gonzague qui s’offre une belle statue qu’il adore mais qui devient, une fois sous son toit, une « BEAUTE FATALE« . Et dans « AMOUR ETERNEL« , c’est un amoureux qui transperce le coeur de sa femme et emprisonne l’âme de cette dernière dans une statuette qu’il lui a offerte ! Cela prouve combien les hommes se surpassent et transcendent leur nature pour pactiser avec le surnaturel sans pour autant l’appréhender. On ne maîtrise pas non plus par quel phénomène des humains se transforment en chats (« LES CHATS« ) pour se régler des comptes. Outre ces nouvelles, la 2ème et la 4ème, intitulées respectivement « À MALIN, MALIGNE ET DEMIE » et « MÉNOPAUSE » feignent être moins frissonnantes bien qu’ayant leur pointe de mystère. Dans ce recueil, Flore attire l’attention du lecteur sur l’omniprésence des forces mystiques, même dans les objets futiles. « CAUCHEMARS » est un recueil contemporain qui décrit mieux les situations actuelles que vivent les sociétés dans lesquelles les hommes font feu de tout bois pour s’enrichir, connaitre la gloire en vendant leur âme ou en pactisant avec les esprits et forces surnaturelles. Chacun connait la suite : la fin est tragique, comme dans « L’ELDORADO PERDU« , la dernière nouvelle du recueil. Les Hommes ne respectent pas leurs engagements envers les dieux : cauchemars. La fin est toujours tragique comme décrite par l’écrivaine.

Ce recueil de nouvelles est un manoir hanté que vous aurez certainement du plaisir aventurier à visiter avec une peur du noir estompée par la clarté stylistique de l’auteure et sa manière de faire simple. Prenez ce recueil, traversez ces pages et goûtez aux frissons avec les personnages puis ressortez du manoir, vainqueur ! « CAUCHEMARS« , est un mini thriller qui vaut la peine d’être découvert et lu. Soyez curieux !

Fabroni Bill YOCLOUNON