désolé madame j'épouse mon portableDésolé madame, j’épouse mon portable ne se raconte pas. Elle se déguste. C’est un portefeuille d’histoires contemporaines que prétexte un ouvrage aux couleurs aussi rafraichissantes que la plume de son auteur Ezin Pierre Dognon, pour se mettre sous nos yeux. Paru en 2017 au Monde Global éditions Nouvelles, ce recueil de récits relate des faits de société poignants où se frotte le quotidien de tout lecteur. Chaque ligne dessine le regard que l’on porte sur nos semblables ou l’attitude que nous cultivons au fil des jours, oubliant leur impact.

Dans la première nouvelle qui donne son titre au livre, deux genres se chevauchent aisément. La nouvelle devient le contenant, la forme que prend le drame conté sur scène où tout un monde vient suivre -que dis-je?- vient se mirer. Cette pièce contenue dans le récit retrace une dispute de couple amenée devant un parterre d’invités et de juges qui devra donner raison à l’une ou à l’autre partie. Seulement, la cause de l’éloignement, de la tromperie n’est rien d’autre qu’un téléphone portable. Le narrateur réussit à nous faire contempler comment nous vivons cet outil de communication sensé nous servir mais qui nous asservit. Fait-on bien d’être esclave d’un objet utile ? Ou qui sommes-nous pour juger l’attitude des autres quand elle ne nous arrange pas?

Cette interrogation nous plonge dans la deuxième nouvelle qui, au fil des pages, peint de façon magistale la désillusion, le désarroi vécus dans les amours, dans la vie de couple. Chacun tente alors de chercher l’issue ou d’être complice du silence par ses actes. C’est toute une série de remises en question, de frottements au monde actuel qui ne donnent pas beaucoup de chance aux couples et aux familles. Cette chance a effectivement manqué à Yolande qui, pour ses dernières heures, voulait écrire son histoire, celle que nous rapporte Ezin Pierre Dognon dans « Lettre à un inconnu ». Elle voulait cette action pour s’extirper plus librement de ce monde où elle n’a été que par obligation. Yolande avait côtoyé le soir, la nuit, la vie des autres où tout n’était qu’intérêts, cupidité et mœurs légères. Elle s’était laissée emporter, passive dans cet univers, comme un duvet au gré du vent. Il ne lui restait que cette histoire où ici encore c’étaient les écrans, les vidéos, la technologie mis au service du plaisir qui dénaturent chaque parcelle de dignité que porte l’univers.

C’est aux frais de ces carcans de la civilisation que « Maintenant je vais boire » prend corps. Tout défile dans le contournement des désirs du monde, de la foi transformée en Djihad, de l’enrôlement et des départs.

Cet ouvrage est profond de réflexions et de choix. Il offre une vue panoramique de nos sociétés et nous ouvre à nous-mêmes. Ce serait rater un travail passionnant que de le raconter. Il vaudrait mieux le lire dans ce style enjoué et lyrique qui se veut jouissif. Facile à transporter, Désolé madame, j’épouse mon portable épouse, notre aspiration au meilleur. Même si chaque texte porte un goût d’inachevé et/ou d’inattendu, on en demeure pas moins repu par tant de maestria.

 

Myrtille A. HAHO

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