PRÉSENTATION DE L’OEUVRE

Nous présentons cette semaine un recueil de pièces théâtrales édité aux éditions LAHA en 2017. Il s’agit d’un coffret de trois pièces couvrant 201 pages et intitulé Les confessions du PR. En plus de cette dernière pièce de théâtre, l’œuvre comprend aussi  « Amour en infraction » et « Quand Dieu a faim ». La photo de couverture est celle d’un homme habillé en costume bleu agenouillé sur un prie-Dieu, en face d’un prêtre assis. Ils sont à coup sûr au confessionnal. L’effigie des éditions LAHA vient marquer l’ouvrage totalement en bas comme un sceau spirituel. La préface est signée « Habib DAKPOGAN »et la postface de Flora ABALLOT.

 

RESUME

* Les confessions du PR

La première pièce met en scène deux personnages atypiques. Le prêtre et le Président. Il s’agit d’une confession. Une confession pas comme les autres, à en croire les propos du PR « J’ai besoin de confesser mes crimes futurs à quelqu’un. Mon garde du corps ami et chauffeur a voulu que ce soit un prêtre. Et notre plan est de liquider la personne juste après la confession. Je devais vous tuer de toute façon. Ne pensez pas que c’est votre franchise qui va vous tuer. C’était prévu. » (page 43). Chose inattendue, le prêtre n’est personne d’autre que la cible de son crime futur, M. Lokpo, le Président du parti de l’opposition. Pris à son propre piège le Président devra répondre de ses actes: il est coupable d’avoir enceinté une fille de 12 ans, de corruption, d’abus de pouvoir et de bien d’autres crimes et péchés mignons des hommes d’Etat. Première conséquence, il devra démissionner. Par ailleurs, l’auteur met en lumière un problème crucial du : le manque de culture des Africains. L’exemple des élections en est une preuve palpable car, pour Daté, à travers la voix de son personnage : « le peuple ne lit pas, le peuple ne pense pas donc le peuple n’élit pas » (page 28) Faute de lecture le peuple serait dans l’incapacité d’assumer une telle responsabilité, celle de confier son destin aux bonnes personnes. Il devient donc un peuple pantin. Partant de cela l’auteur’ dénoncera toute forme de vices qui encrasse le fauteuil présidentiel. Le Président aura fait tout cela pour être pris à son propre piège à homme. Tel est pris qui croyait prendre, disait la fontaine.

* Amour en infraction

La deuxième pièce nous emmènera loin de la politique politicienne. Elle nous plonge dans les voies oniriques de Saïd, un jeune collégien instable, perturbé par une puberté intrigante. La luxure portera Saïd vers le corps de la femme de son oncle. Une femme aussi perverse que lui. Tout en ignorant les liens parentaux existant entre eux. Apres la mort de son oncle, Mme Raina lui fera voir de toutes les couleurs pour garder sa place dans son cœur. Place que ce dernier octroyait déjà à Mme Wali sa professeure de mathématique amoureuse de lui. Les amours de cette pièce son d’une couleur particulière. Mme Wali est la voix de ces femmes résignées à accepter l’infidélité de l’homme. En témoigne ce propos : « Il vaut mieux se marier à un loyal pécheur qu’à un saint infidèle. »(Pages 81). L’auteur, au lendemain de ces amours hétérosexuels mal vécus, lève le voile sur une autre manière de vivre l’amour. L’homosexualité.

* Quand Dieu à faim

Quand Dieu à faim. Un titre intriguant ! L’on se demande ce qui se passe quand il a faim. Bien plus, on est curieux de savoir ce qui se cache derrière ce « Dieu » de Daté. Mais est-ce sa faim qui justifie l’union osée entre Chigan et Xonton par Barnabé Atavito-Akayi? Serait-ce le manque de loyauté dans les unions hétérosexuelles qui suscitent celles homosexuelles ? De toute façon, au vu des agissements des personnages, bigarrés et atypiques, que Daté met en scène ici, rien n’arrête Eros quand il crie sa faim. Au total, nous n’oserons pas répondre à ces interrogations. Nous laissons à la curiosité du lecteur le reste de l’aventure.

L’ŒUVRE DE DATE ATAVITO VUE DANS LE MIROIR DE LA CONFESSION CATHOLIQUE ET LA CONFIDENCE LAÏQUE : RESSEMBLANCES ET DISSEMBLANCES

Qu’est-ce qu’une confession ? Il n’est point superflu de faire un rappel à ce sujet. Le mot confession selon le grand Robert vient du latin confessio. Il désigne une déclaration, un aveu de ses péchés que l’on fait à un prêtre catholique dans le sacrement de la pénitence. Elle peut être sincère, sacrilège ou même hypocrite. Selon l’importance et le degré de croyance de chacun. Bon nombre de personnes non croyantes ont eu par le passé à fustiger la confession. C’est ainsi que HYUSMANS dans En route, page 148 la définit en ces termes « La confession(…) l’acte le plus intolérable que l’Eglise ait imposé à la vanité de l’homme »

De toute évidence, il apparait clairement que la confession est un acte par lequel l’on est appelé à dénuder son âme devant un prêtre. C’est le cas de figure observé dans cette pièce de théâtre. Le Président vient se libérer du poids de ses crimes. La particularité ici est que le président n’est pas dans la dynamique du chrétien qui offre toute confiance au prêtre pour garder ses aveux dans le secret de la confession. Il parle ici de « crimes futurs » page 43. Un acte prémédité. Crimes que le prêtre est appelé à porter dans le secret de la tombe. Ce type de confession entre bien en ligne de compte d’une confession sacrilège. Pas comme les autres. D’emblée, une interrogation bondit de l’esprit et force les lèvres : « Pourquoi a-t-on besoin de confesser ses crimes futurs ? Est-ce là un bémol à la vraie nature de l’esprit criminel ? Ou simplement un affront, une façon de narguer la sensibilité et la morale ? » S’il est vrai que « la confidence noie la douleur », comme a su bien le dire Mariama Bâ dans Une si longue lettre, le Président compte ici trouver en la personne du prêtre l’ami, le confident. Sauf qu’il est trop parano pour faire confiance. ROMAINS dans les Hommes de bonne volonté, p 19 semble établir que Mais on sait que confidence et confession seraient alors synonymes : « La confidence n’est parfois qu’un succédané laïque de la confession » En guise de comparaison entre Les Confessions du PR et Une si longue lettre, l’on peut dire que le prêtre endosse le grand rôle de Aïssatou pendant que le président s’affiche comme Ramatoulaye à quelques nuances près. Aïssatou après lecture de cette si longue lettre ne s’est pas vu agressée. La lettre ne lui a pas explosé au visage. Le prêtre ici écoute tout en sachant qu’il est contraint d’être kamikaze. L’auteur se donne le plaisir de mettre sur la table des discussions ces deux termes à sa manière. N’est-ce pas que Mme Wali noyait sa douleur dans la confidence à son élève Saïd dans Amour en infraction ? C’est là une confidence laïque. Rien à voir avec les aveux suivis de menaces de tout genre comme dans le cas de Mme Raina. Ces genres de confidences sont dites criminels. On se confie sachant que le confident n’aura jamais l’occasion de révéler l’information. Ce serait la dernière que ce dernier entendra de ses oreilles. Comme quoi ce ne sont pas toutes les confidences qu’il faut se risquer d’écouter. C’est valable pour les confessions du genre de celles du PR. A moins que le prêtre déguisé veuille être martyr. Et pour qu’elle cause ? Ecoutons la réponse de Monsieur Lokpo, l’autre visage du prêtre confesseur du PR: « TEL EST PRIS QUI CROYAIT PRENDRE  » Eh oui ! Il est important de le notifier. Le plus fort n’est jamais assez fort pour demeurer le meilleur. Un seul faux pas, une seule erreur et tout se termine comme on était loin de le prévoir. Le président a bien monté son coup. Cependant, il a manqué de vérifier l’identité de sa cible. La cruauté est si poussée qu’il se moquait pas mal de qui pourrait être ce prêtre qu’il s’apprête à condamner par ses révélations. Qui a dit que Dieu dormait dans son Eglise ? On ne peut jouer avec le sens du vent. On ne peut qu’orienter ses voiles. On se croirait dans un film HOLYWOODIEN avec ce dénouement que nous propose l’auteur. Un fast and furious, ou un white collar. Un bon scenario d’arnaque ou dans les magiciens où tous les méchants se font avoir à leur propre jeu. Mme Raina également n’échappe pas à cette règle. Un amour en infraction demeure tel. Une infraction en est une. L’on ne peut ourdir des ruses pour atteindre un idéal malsain sans répercussions. La fin ne justifierait pas les moyens. Du moins pas toujours. En tout cas, pas dans cet amour en infraction. Mme Raina pensait pouvoir vivre son amour avec Saïd en se débarrassant de son époux. Mais le cœur est con. L’amour est imprévisible. Saïd s’est entiché de Mme Wali sa professeure de maths et c’est réciproque. Dommage pour Mme Raina. Telle est prise qui croyait prendre…

DANS LE JARDIN SECRET DES PERSONNAGES

Dans tous les cas, Daté nous présente des personnages aussi bien moraux qu’immoraux. Le prêtre digne représentant des vertus à ici une double personnalité. En réalité le prêtre n’en est pas un : c’est un homme politique qui revêt ce manteau pour aboutir à un résultat donné. Même si cette fin est justifiée (Circonstances atténuantes) M. Lopko ne reste pas moins un usurpateur. Une question force les lèvres à cet effet et se fait entendre : Si le faux prêtre est M. Lokpo où est alors passé le vrai prêtre ? M. Lokpo s’en est-il occupé ? Ou serait-il de mèche avec le politicien ? Tant de question que Daté nous laisse ruminer. Passer pour un prêtre, avouons que c’est osé. Une autre question s’impose au sujet de ce personnage. Serait-il le modèle parfait du politicien honnête, droit, et respectueux de l’éthique ? Mais nous sommes au théâtre. On peut se permettre ce rêve. Et le dramaturge ne dit pas tout, dit-on. Le président pour sa part est le méchant du ‘’film’’, le chef des bandits. Homme d’Etat corrompu et cupide prêt à tout pour arriver à ses fins. C’est le prototype de ces chefs d’Etats qui font la pluie et le beau temps, narguant les lois de la cité.

Saïd en ce qui le concerne est tout aussi en infraction que son amour, son attirance pour les personnes âgées. Figure emblématique d’une jeunesse en proie à toute sorte de débauche et de perversion ? Nos deux dames Raina et Wali ne sont pas moins coupables. Daté met le lecteur devant un constat au amère que déroutant : la société colporte de plus en plus des tares qu’on ne lui connaissait pas auparavant. Et l’œuvre de l’écrivain se veut ici une fenêtre ouverte sur nos vérités les plus difficiles à dire. Chacun a son démon, le limon humain est le même en tous. Le péché des sodomites est mis en exergue dans Quand Dieu a faim par l’entremise des personnages de Chigan et de Xonton. Chaque personnage de ce recueil est messager et porte-parole d’une couche de notre société. Mariama Bâ disait « L’homme est un : grandeur et animalité confondues. Aucun geste de sa part n’est de pur idéal. Aucun geste de sa part n’est de pure bestialité. » (Une si longue lettre) Mais alors, comment canalisons nous ce côté animal et rebelle ? Pascal a dit  » L’homme n’est ni ange ni bête et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. « .

DU STYLE DE L’AUTEUR

Absolument spécial et unique en son genre Daté Barnabé Akayi heurte et dérange. Il sort des sentiers battus et conventionnels du théâtre et impose un travail de recherches et d’adaptation au metteur en scène. Une pièce de théâtre sans didascalies, voilà de quoi susciter l’indignation des conservateurs de l’art dramatique. L’auteur impose un rythme poétique au théâtre en le présentant en chapitre. Il se dépêtre ainsi de la traditionnelle subdivision en actes. Une courbe dramatique assez achalandée déplaçant le comédien comme le lecteur d’un lieu à un autre. Une véritable révolution que ce recueil de pièces de théâtre. Daté est un dramaturge révolutionnaire. Dans une interview accordée à Marcel KPOGODO et rapporté par Flora ABALLOT dans sa post face, Daté disait : « il faudra essayer d’évoluer avec son temps et, c’est justement dans cette logique que je me suis permis de violer quelques lois classiques du théâtre » p199. Son ironie (qui lui est connue dans ses écrits) transparait également dans ces trois pièces. Pour finir l’auteur laisse au lecteur le soin d’imaginer les points qu’il a volontairement omis. Avouons que c’est stylé…

CONCLUSION

Le théâtre actuel est en proie à des changements profonds et bouleversants. Bon nombre de facteurs entrent en jeu dans ce que l’on pourrait appeler « la dramaturgie du moment ». De la situation géographique de la scène passant par l’effectif des personnages jusqu’aux indications de la mise en scène, tout est laissé aujourd’hui au soin de l’inspiration quoique peu conditionnée des auteurs. Ou vous êtes innovateur ou vous êtes conservateur. A chacun de se frayer un chemin vers la scène professionnelle. Daté Barnabé Akayi est un innovateur. Au plaisir de le lire!

Adebayo I. Cyriaque ADJAHO

 

    • C’est toujours un plaisir de vous lire, cher Mauricius Deum. Chacun de vos passages est source de joie. Soyez toujours des nôtres

    • Salut Roméo. Veuille contacter les +229 63160707/97898242 pour acheter le livre. Merci