-Fignonhou, es-tu en éveil ? Ouvre- moi.

Fignonhou lui répondit par l’affirmatif et ouvrit. Sans préambule, Gbèvivi enchaîna :

-Tu sais bien qu’un coq qui chante la nuit doit être tué sinon, malheur à tout le village. Tu as entendu comme moi le chant de ton coq. Où le caches-tu ?

-Un coq ? répondit Fignonhou. J’ai bien entendu un cocorico au loin mais ça ne venait pas de mon poulailler. Mon unique coq, trop vieux d »ailleurs, est mort il y a quatre jours et mon poulailler est maintenant sans mâle chanteur.

-Ne me tourne pas en ridicule, Fignonhou. Je peux devenir vert sans autre forme de procès.  Avec un poulailler pareil tu ne diras pas que tu ne disposais que d’un seul coq, celui qui est mort. Il doit y en avoir un second.

Gbèvivi marmonnait des mots en coin de lèvres sous formes d’incantations tout en faisant le tour de la concession de Fignonhou. Mais il ne trouva rien. La femme de Fignonhou avait la même version, les enfants aussi.

 

Fervent gardien de la tradition, Gbèvivi ne s’avoua pas vaincu. Il demanda à Fignonhou de l’accompagner chez Atankpato pour vérifier si le coq chanteur ne logeait pas chez lui. Les deux amis marchèrent très vite pour atteindre la demeure d’Atankpato. Un grand palmier suintait un liquide juteux couvert par un sac de jute au pas du grand portail de la ferme de ce dernier. Gbèvivi entra prestement et frappa.  Le fils d’Atankpato, Doubogan, un garçon rond comme une femme enceinte, ouvrit et salua les visiteurs :

-Il y a bien un coq chanteur nocturne par ici, n’est-ce pas ? demanda Gbèvivi à Doubogan

Ce dernier l’air penaud, réfléchissait à quoi dire à son interlocuteur. Il vérifiait dans la chambre si personne n’écoutait le dialogue et dit :

-Euh… Chef Gbèvivi, revenez demain, s’il vous plait. Si vous avez besoin d’un coq pour vos cérémonies, on pourra toujours trouver une solution.

 

En effet, Doubogan avait vendu les trois coqs de leur basse-cour le jour même à un voyageur de passage dans le village. Gbèvivi, furieux de cette insolence asséna :

-Doubogan, sors le coq ou ton père saura comment tu nous as traités à l’instant même.

Doubogan, étonné baissa encore le ton pour dire :

-Parlez-moins fort, j’ai vendu les trois animaux aujourd’hui à un étranger qui partait pour la ville. Je vous promets un bon coq demain à la première heure.

Fignonhou et Gbèvivi comprirent qu’aucun coq ne logeait chez Atankpato cette nuit-là et rebroussèrent chemin.

 

Dans la rue, Gbèvivi ordonna qu’ils aillent chez Goudounon, l’instituteur, même si ce dernier vivait absolument seul. Il paraissait très inquiet du sort qui les attendait si ce coq passait cette nuit de malheur. Il leva les yeux au ciel et vit des nuages noirs couvrir petit à petit le quartier de lune qui peinait à se frayer un chemin dans le firmament. Minuit approchait.

Goudounon ouvrit donc à l’appel de Gbèvivi. Fignonhou très admirateur du savoir de Goudounon, versa en mièvreries.

-Excusez notre intrusion à pareille heure chez vous. Nous ne pensions même pas vous voir en éveil.

Gbèvivi très mécontent à vue d’œil, demanda promptement :

-Vous avez  bel et bien entendu un coq chanter cette nuit, n’est-ce-pas ?

-Oui j’ai entendu un chant de coq mais pas très distinct. Je me demandais bien si c’était un coq réel.

Gbèvivi s’empressa de dire :

  • Tossissa non saagoaaaa. Koklo non kannoubo awanlin non kannou an. Awanlinafo toué whouété. Il cracha au sol et continua… Qui voulez-vous que ça soit ? un sorcier peut-être ?
  • Je n’ai jamais dit ça, fit Goudounon, l’instituteur.

Fignonhou, très embarrassé rebroussait déjà chemin quand Gbèvivi redit avec un regard menaçant :

-Avez-vous un coq par hasard qui aurait chanté ?

Il roulait de grands yeux partout. Avec un large sourire, Goudounon répon dit que non et referma sa porte.

 

 

Akofa M HAHO

  1. Les superstitions ont la vie dure dans nos contrées…..
    Vindicte populaire en perspective sur coq chanteur nocturne…..mais il est où ?