Gbèvivi paraissait plus nerveux que jamais. Il ne voulait pas que pendant l’exercice de son rôle de chef traditionnel, l’on gardât qu’un chant de coq avait provoqué un événement inexplicable. Il avait l’air préoccupé et fit part de son inquiétude à Fignonhou qui tombait de sommeil. Il marchait malgré lui et répondait par de brefs « hum » comme s’il suivait vraiment. Gbèvivi se dirigeait déjà vers la maison du muezzin, le très respecté El-Hadj Moussa Waidi. Gbèvivi ne s’attarda pas aux formules d’usage et enchaîna :

-Aladji, vous savez bien qu’un coq qui chante est reconnu de tous comme un porteur de malheur et vous en avez entendu un cette nuit. Je suis venu vous demander de me donner le coq pour que je procède aux cérémonies prescrites en pareille situation.

Aladji acquiesçait chacune des paroles de son interlocuteur et finir par dire :

-Je comprends bien et j’ai aussi entendu le coq chanteur de minuit. Laissez-moi vous aider dans les recherches. Je n’ai aucun coq chez moi. Le seul qui affolait la basse-cour, mon fils Amine l’a tué hier pour la sauce du dîner.

Aladji enfila son boubou blanc, prit son chapelet, mit ses babouches et s’enfonça dans la nuit noire, flanqué d’un Gbèvivi préoccupé et d’un Fignonhou épuisé qui traînait les pas.

Les trois hommes se dirigèrent chez Baba, le commerçant. Gbèvivi n’avait plus espoir de retrouver ce fameux coq. Il toqua quand même à la porte de Baba. Des bruits de pas, lourds et nonchalants,   se firent entendre. Baba lui-même sortit ouvrir. Il les dépassait tous en taille et s’imposait par sa carrure. Il n’était pas bien réveillé mais la préoccupation de Gbèvivi le réveilla totalement et il partit d’un gros rire. Il les introduisit sur la véranda de la demeure et les fit asseoir. Gbèvivi fulminait d’impatience. Il voulait juste la tête du coq mais l’on le fit asseoir pour discuter gaiement. Baba très content de voir son Aladji se rendre chez lui, leur proposa une collation. Gbèvivi coupa alors les échanges :

-Baba, sors nous ce maudit coq qui a chanté chez toi ! Ne pense pas nous amadouer par tes attentions.

Baba, pris d’un rire goguenard, finit par expliquer que c’était sa fille Badona qui, sans le  savoir, avait changé la sonnerie de son téléphone par le chant du coq. Il mit la sonnerie et le cocorico tonna de plus belle. Gbèvivi n’en revenait pas. Il s’était fait toute cette bile pour rien. Pour faire amende honorable, Baba décida de donner un coq à Gbèvivi pour que ce dernier sauvât la face devant les villageois par la cérémonie de sacrifice proprement dite.

J’ai écouté cette histoire derrière la concession  de Baba et ça m’a vraiment fait rire de croassement.

  Myrtille Akofa HAHO

    • Enfin. quand la technologie bouscule les habitudes… Avis à ceux dont les portables ont des sonneries de cocorico

  1. Hyper drôle.. Mais aussi un beau voyage dans les dédales de nos villages où mythes et réalités rythment le quotidien..

  2. Vraiment quand la tradition et la technologie se rencontrent y a problème quoi!!!