Les griots des rues chantent à tambour battant ce refrain : « Partout où il y a d’Hommes, il y a d’hommerie » et l’on pourrait aussi ajouter comme couplet : « Partout il y a de femmes, il y a d’inspiration ». Et les mauvaises langues diront que la femme est une source intarissable de palabres, de conférences, de discours, de querelles, de ce que le fon[1] appelle “Atchakpodji“ – racontars. D’autres, sur fon de préjugé, affirmeront que  « La bouche des femmes n’a pas de vacances ». Imaginez la cour commune d’une maison où se croisent des regards de femmes de tout genre, de tout type d’inspiration et où se font entendre diverses bouches de femmes aux différents problèmes. Cette imagination est matérialisée et scénarisée ici dans le livre « Trop de diables sous leurs jupes » (110pages). Une pièce de théâtre en onze (11) scènes animées par cinq personnages. Le livre est  publié chez Les Editions Plurielles, Cotonou-Bénin en Mars 2016. Nathalie HOUNVO YEKPE et Michel BERETTI sont les deux auteurs de cette œuvre : une Noire et un Blanc qui ont écrit une histoire de femmes.

Trop de diables sous leurs jupes est un grand tableau sur lequel se lisent les différentes affres et béquilles que traînent les femmes, que l’on fait trainer aux femmes ou que les femmes acceptent elles-mêmes trainer. Chaque personnage de l’œuvre représente une image de femme. Les diables se trouvent ici sous les jupes des jeunes filles, des mères et des vieilles. Les diables parlent sous les jupes des femmes qui acceptent la polygamie de leur mari, celles qui se résignent à chanter les mérites de leurs maris pourtant infidèles, celles qui se montrent résilientes dans leur déception ou dans leur perte d’enfant, celles qui se disent autoritaires en contrôlant leurs maris en tout temps et finalement celles qui se disent jeunes et rêvent de changer les choses pour ne pas échouer comme leurs ainées.

Les cinq personnages, tous des femmes, sont dans l’œuvre, l’incarnation d’un poids que porte la femme comme joug dans une société où l’homme – le mari ou le conjoint – est un mal/mâle nécessaire dont elle a besoin pour se vanter dans la cour devant ses paires, et cela jusqu’à cacher les problèmes auxquels elle fait face dans son foyer pour ne pas se faire ridiculiser. Cependant, les diables sous les jupes finissent par se faire exorciser par les indiscrétions ou par la lumière de la vérité et ces diables se font voir au grand jour sur la cour commune. Et là, Sourou (la folle que la nature a gratifié de sagesse, qui parle toujours en proverbes) se rendra compte que le mari de Akpé (la femme qui vante toujours les mérites de son mari malgré les bavures de celui-ci) n’a rien de vendable. Floris et Ifèdé se rencontreront et comprendront que l’homme qu’elles partagent n’appartient à chacune d’elle qu’à moitié, ou peut-être au quart, au un huitième si la liste de coépouses s’allongeait. Agossi – fille de Akpé –, l’image de la fille adolescente, rêvant de sa vie comme les actrices de films, se voit confuse après les scènes qu’elle a vécues dans la cour et se convainc que le mari idéal se cherche dans un ailleurs qu’elle ne peut encore nommer avec certitude :

« Va dire à ma mère que je suis partie. (…) Je m’en vais pour chercher le bonheur ailleurs, parce qu’une femme ne peut pas le trouver chez nous. Je ne veux pas être comme Floris (…) Pardonne-moi, maman, je ne veux pas non plus vivre comme toi (…) Je ne veux pas non plus ressembler à Ifèdé (…) Alors, je vais chercher ailleurs ce que je ne trouve par ici : l’amour d’un homme qui dure toute une vie. » p103-104.

Comment se nomme-t-il cet ailleurs où se trouve le bonheur de la femme en quête d’un mari fidèle, idéal, parfait et sur mesure ?

Cette œuvre de Nathalie et Michel représente entièrement la réponse à cette question. Vous aurez le plaisir d’aller la découvrir en lisant ce livre qui peut se vanter de son style aussi comique par endroits qu’instructif, par l’utilisation des proverbes et des chants populaires en fon. Les auteurs ont le mérite d’avoir bien tracé et respecté les courbes dramatique et thématique de l’histoire, les objectifs dramatique et thématique de chaque personnage. Cela permet au lecteur de maitriser chaque personnage et de le suivre avec autant de facilité et compréhension comme dans une scène réelle de la vie quotidienne.Trop de diables sous leurs jupes est une révélation de l’écriture béninoise mixée aux réalités de la plume européenne. Cela prouve : l’écriture est ouverte et tendue vers l’autre. Ainsi, cette pièce théâtrale vous est tendue. Arrachez-la d’une main et lisez-la d’un seul trait.

 

Fabroni Bill YOCLOUNON

 

 

[1] Langue locale du Sud-Bénin