En ces temps-là, quand entre deux voyages entre Pékin et Dubaï, Sounoukpo croisait son père à la maison, ce dernier se contentait toujours de lui lancer la même phrase « Alors jeune homme, tu t’en sors ? Bosse bien hein. Tu vois tout ce qu’on dépense pour toi ? C’est pour te mettre dans les meilleures conditions. Donc ne me déçois pas. » Deux semaines pouvaient alors passer avant qu’il ne le recroise et aie droit à ce sermon négligé.

Pour attirer l’attention des siens, dans sa petite tête, il se mit à imaginer tout un tas de stratagèmes. Ses premiers souffre-douleurs furent les geeks de sa classe. C’étaient des gamins plutôt brillants mais qui restaient à l’écart du groupe, préférant squatter le laboratoire informatique et la bibliothèque. Sounoukpo profitait de la moindre occasion pour les passer à tabac, aidé des cancres de la classe. Les convocations successives du Surveillant Général adressées à ses parents n’ont pas réussi à leur ouvrir les yeux. Les rares fois que son père parvenait à honorer furtivement l’une des convocations,  il se contentait de dire devant le surveillant :  » Sounoukpo,  la prochaine fois que tu lèveras encore la main sur un de tes camarades, tu auras affaire à moi« . Ces mots dits, il tendait une liasse de billets au plaignant et une autre au Surveillant pour sa bière. Mais ce que Sounoukpo voulait, ce n’était pas qu’on camoufle ses méfaits mais qu’on l’écoute. Qu’on écoute sa solitude.

Comme tabasser les geeks ne l’aidait pas à parvenir à ces fins, il monta d’un cran: les professeurs. Là,  il était sûr qu’il ferait mouche. Retards, propos déplacés envers les professeurs, jets de morceaux de craie pendant que les professeurs écrivaient au tableau, super glue sur leur siège, tout y passait. Le Surveillant Général entreprit à nouveau de convoquer les parents de Sounoukpo. Après quelques remontrances vite faites et quelques billets clinquants en guise de baume à l’orgueil des professeurs offensés, son père noyait ces scandales.

Sounoukpo prit donc goût à l’impunité. Il multipliait les méfaits et redoublait d’ingéniosité. C’est ainsi qu’il passa toute l’année scolaire. Mais les largesses de son père aidant, il eut miraculeusement 10,01 de moyenne pour passer en classe supérieure. Son comportement empirait. Mais la main généreuse de son père dissuadait les autorités de l’expulser du collège.

Le jeune garçon qui commettait de petits forfaits pour attirer l’attention de ses parents se mua quatre ans plus tard en un vrai chef de gang. Le BEPC qu’il se devait de passer en fin d’année ne le préoccupait guère. Il n’y avait pas de bastonnade dans le quartier ou dans le collège qui n’était commandité que par Sounoukpo. Bientôt, l’évocation de son nom inspirait la terreur dans toute la ville.

A côté de cela, il était un vraiment tombeur. Il multipliait les conquêtes féminines. C’était un Don Juan toujours élégant avec un portefeuille toujours rempli. Quasiment toutes les filles lui succombaient sauf une : Fènou. Fènou était le modèle de fille bien éduquée. Elle était issue d’une famille bien modeste. Mais les offensives amoureuses de Sounoukpo à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes ne lui faisaient aucun effet. Elle refusait systématiquement ses cadeaux et ses invitations, préférant la compagnie de Yèï. Sounoukpo ne savait ce que Fènou pouvait bien trouver à cet abruti de Yèï. C’est vrai qu’il était super intelligent, premier de la promotion depuis 04 ans. Mais Yèï s’habillait comme un vrai clown, avec des fausses marques pendant que lui Sounoukpo se pavanait avec des chaussures Nike, And1, Fubu, Kevin Garnet, Cortès. De plus ses parents étaient de condition bien modeste. Sounoukpo s’évertuait constamment à vouloir l’humilier quand il sentait Fènou à proximité. Mais le calme olympien de Yèï le déroutait à chaque fois, si bien qu’il lâcha prise. Néanmoins il savait que l’heure de sa revanche sonnerait un jour.

Et cette occasion finit par se présenter un vendredi soir. Ce soir-là alors que tout le monde était rentré, Fènou resta seule en classe. Elle avait la tête entre les deux mains et avait la mine toute défaite. Comme à son habitude, Sounoukpo faisait sa ronde du soir pour voir s’il n’y avait pas une proie féminine facile qui trainait dans les environs. Quand il aperçut Fènou, il voulait poursuivre son chemin mais un esprit malicieux lui suggéra de tenter une nouvelle fois sa chance. Et contrairement au ton hautain qu’il adoptait autrefois, il fut d’une tendresse déconcertante :

  • Qu’as-tu, petite fleur ? Une fleur aussi belle que toi ne devrait laisser les chagrins de la vie cacher son charme.
  • Depuis quand t’es-tu mis à la poésie ? En sourit presque Fènou.
  • C’est toi qui m’inspires, belle dame. Mais là n’est pas l’objet de ma présence. Dis-moi plutôt pourquoi tu sembles si triste.

Désarmée par cette gentillesse inhabituelle de Sounoukpo, Fènou s’ouvrit à lui :

  • Mes parents ont reçu un préavis de notre propriétaire pour libérer notre chambre avant demain matin. Cela fait plus de six mois que nous n’avions plus payé le loyer. Cette nuit, nous devons nous trouver un autre toit.
  • Combien lui deviez-vous?
  • Soixante mille?
  • C’est tout ? Demanda Sounoukpo.
  • Je te les donne.
  • Ne me donne pas de faux espoirs, Sounoukpo. Tu as déjà été assez gentil de m’écouter. Et Yèï a aussi promis faire ce qu’il pourra. Mais je connais sa condition, je sais qu’une aide venant de sa part relèverait presque de l’impossible.
  • Je suis sérieux, Fènou. Suis-moi à la maison et je te donne les soixante mille. Allons-y. Il se fait tard.

Fènou ne s’en revenait pas. Venant de Sounoukpo, elle n’aurait jamais espéré une telle compassion. Il lui sauvait la vie. Elle le suivit donc et ensemble ils se rendirent à la demeure de Sounoukpo. C’était une belle bâtisse digne d’un palace présidentielle. Fènou en resta bouche bée.Il lui demanda de l’accompagner dans sa chambre pour raison de discrétion. Un peu hésitante au prime abord, elle se convainquit de sa bonne foi et monta dans la chambre…

 

A suivre…..

 

Théodore Gildas ZINKPE Adanchédéwea

  1. Un vicieux le demeure même dans ses générosités. Sonnoukpo est vicieux.

    • Ne tuons pas le coq, Bill, sans lui avoir donné à boire d’abord. L’histoire continue sous la plume de Gildas

  2. Je voudrais bien attendre comme mon aïeul à Goho; mais je brule d’impatience. Vivement demain!