Dans un dernier geste de désespoir, elle saisit entre ses dents aussi fermement que possible, la joue gauche de Sounoukpo. La douleur fut si terrible qu’il dut desserrer son étreinte. Libérée de son agresseur, Fènou sortit de la chambre à toute vitesse, dévala les escaliers en un éclair et fut hors de la maison. Elle haletait. Mais elle remerciait le Seigneur d’avoir donné à ses dents la puissance des crocs du guépard, ce qui lui permit de sauvegarder sa dignité.

Sur le chemin du retour à la maison, elle se culpabilisa un peu. A cause d’elle, ils se retrouveraient tous, sa famille et elle, sans toit. Elle n’avait juste qu’à se livrer et tous leurs problèmes feraient désormais partie du passé. Mais elle avait promis sa virginité à son Yèï quand ils se marieront. Et elle comptait bien respecter sa promesse. Quand elle rentra, elle constata à sa grande surprise que Yèï l’attendait accompagné de son grand-frère aîné. Elle se dépêcha d’ajuster sa chemise et sa jupe avant de se présenter devant eux. Yèï lui fit savoir qu’il avait posé le problème à son grand frère qui avait accepté l’aider. Ce dernier avait donc amené les soixante mille et avait tenu à s’assurer de la véracité de la situation. C’est ainsi que sans succomber à l’hideux Sounoukpo, Fènou sauva les siens grâce à son âme sœur, Yèï.

Bien plus tard, elle raconta sa mésaventure à Yèï. Ce dernier ne lui en voulut point, ni même à Sounoukpo. Il se contenta de dire que c’était la vie qui voulait éprouver leur amour et la force de caractère de Fènou.

Cette année-là, Sounoukpo échoua naturellement au BEPC mais trouva le moyen de passer en classe de seconde. Une fois en classe de Terminale, comme son argent pouvait tout acheter sauf le diplôme du BAC, il en vint donc à y passer  trois années  essayant de décrocher le fameux sésame. Mais à chaque fois, il disait aux siens à la maison qu’il était admis et qu’il fréquentait même l’université. Son père se plaisait à asséner au détour de chaque conversation : « Mon fils a BAC + 3 ». C’était sa plus grande fierté. Ainsi donc, il maintint ses parents dans le mensonge pendant de longues années.  Il finitpar renoncer au BAC et s’abandonna à l’oisiveté. C’est ainsi qu’il passa 10 années au collège sans aucun diplôme.

Mais tout comme, l’on ne peut cacher les rayons du soleil de ses mains, la vérité finit par parvenir aux oreilles de ses parents, qui sans ménagement l’expulsèrent de la maison. Il était désormais sans le moindre kopeck sans qualification, ni diplôme. Bien qu’il se sache le premier coupable, il en voulait également à ses parents qui n’avaient été là pour le maintenir sur le bon chemin.

Les pas de son insouciance et la volonté de se prendre en charge après son expulsion tragique et sans préavis du nid paternel, le conduisirent chez Aladji. La sentence de ce dernier était sans appel, quoique cocasse: « pour être collecteur d’impôt sous le ciel de la « Cavalerie, » en cette République des Bananiers Joyeux, il faut nécessairement avoir le BAC.Sous cet arbre, il fut envahi par toute la laideur de son passé nauséeux. Il pleurait. Il était sans le moindre parchemin à exhiber, malgré son niveau de « BAC+3 ».Mais ses regrets n’y changeraient rien.

Sounoukpo prit la ferme résolution de se racheter de toutes ses erreurs et de devenir un homme digne, qu’importe le prix. Il eut une pensée pour Fènou, cette fille courageuse et noble qu’il avait tenté de souiller. Il espérait qu’elle lui pardonnerait où qu’elle soit.Il se leva et emporté par ses pensées de culpabilité, il traversa le trottoir sans faire attention. Une voiture 4 x 4 manqua presque de l’écraser. Il s’était juste vu étendu au sol, mais apparemment sans grand dommage. Deux occupants en sortirent prestement et se portèrent à son secours. Quand ils furent près de lui, que ne fut pas l’étonnement de Sounoukpo de reconnaître Fènou et Yèï. Quel drôle de leçon la vie lui donnait-il à travers cette coïncidence plus qu’improbable.

  • Sounoukpo, c’est toi ? S’écrièrent-ils tous deux.
  • C’est bien moi, Fènou, Yèï.

J’aurais bien mérité que vous m’eussiez écrasé…

  • Ne dis pas de bêtise. Se hâta de dire Yèï. Tu n’as rien de brisé dans ton corps ? Continua-t-il.
  • Non, ça peut aller.

Yèï et Fènou le prirent tour à tour en compassion et l’embrassèrent. Ils échangèrent pendant quelques minutes, lui donnèrent leurs numéros. Au moment de se séparer, Yèï lui glissa dans les poches un billet de dix mille et lui demanda de venir leur rendre visite.

Sounoukpo ne s’en revenait… Mais il continuait de se demander ce que vaudra désormais son grand palmarès de « BAC + 3″….

——-FIN——

Théodore Gildas ZINKPE Adanchédéwea

  1. ça c’est une fin et une histoire digne du nom. si seulement nos autorités et les jeunes d’aujourd’hui pouvaient lire des histoires pareilles!

    • Eh oui. Mais la famille doit davantage s’impliquer dans l’éducation des enfants

  2. j’aime ce site et ces histoir.J’admir les mervielle que vous nous fait lire.Merci de nous fait voyagé dans le temps avec vos histoires.

    • Merci, aguessivognon prince de nous préférer. Vos apports et suggestions seront les bienvenus.