« Les frasques d’Ebinto« , de Amadou Koné, une fresque livresque et tragique de la vie pacifique d’un jeune homme mythique aux rêves gigantesques; une vie paisible bousculée par l’interférence de deux êtres adorables, l’un éblouissant, source de passions brûlantes, Murielle, l’autre discret, source de tranquillité, Monique. C’est alors que notre jeune homme, Ebinto, comprendra après mille et une frasques qu' »il est des femmes qui sont faites pour éblouir, pour allumer les passions et qui sont sources de souffrance, puis il en est d’autre qui bien que discrètes, assurent à l’homme une vie tranquille avec non moins de plaisir. » Il comprendra aussi que le vrai bonheur est celui qui s’acquiert par la faculté d’adaptation aux situations que les circonstances fortuites nous réservent  » (Page 108). « Les frasques d’Ebinto« , c’est le récit d’un jeune homme intelligent, affable mais aussi sensible qui porte sur son dos d’adolescent l’espoir d’une famille dont le père a tiré très tôt sa référence, la colonne vertébrale d’une famille dont il est le fils aîné et dont la mère, chaque jour, se fatigue davantage de ses travaux, et marche lentement vers l’Achéron. Ebinto, rêvait grand, rêvait beau, rêvait l’idéal mais vit ses espoirs très tôt se dissiper à la suite d’une nuit d’amour…. Revenu des vacances pour entamer la classe de troisième, il est saisi d’admiration à la vue de Monique, la fille de son tuteur, sa compagne de jeu d’enfance qui s’était métamorphosée, était devenue une belle jeune fille.  Pourtant il ne voyait en elle qu’une amie, qu’une sœur, que « sa petite femme » contrairement à la jeune fille qui s’était éprise d’amour pour lui. Mais Ebinto n’avait d’amour que Murielle, une jeune fille désinvolte, issue d’une famille bourgeoise, une jeune fille insouciante que, à leur première rencontre, il a voulu d’abord défendre de la brimade faite aux nouveaux venus du collège. Alors il s’attachera coeur et âme à elle au point où ses aptitudes en classe en recevront un énorme coup. Pourtant, dans l’ombre, Monique veillait, priait, aimait, consolait.

Puis un jour, une nuit, Ebinto la désira, elle Monique, alors qu’elle était venue fermer la porte de celui-ci au retour de ciné, nuit d’amour, nuit fatale, nuit de gémissements doucereux, prélude des malheurs à venir. A la fin de l’année scolaire, Ebinto et ses compagnons réussirent leur examen de BEPC. Au village où il s’est rendu, deux lettres lui parvinrent. L’une de Murielle, faisant état de ce qu’elle se rendait en France poursuivre ses études, lettre d’adieu, l’autre de Monique, faisant montre de ce qu’elle était enceinte et demandait conseil, maltraitée par son père. Ce dernier sera contraint alors d’abandonner ses études, de se résoudre à être contremaître dans une ferme perdue au fin fond d’une forêt, et enfin d’épouser Monique.

Son monde s’était effondré, ses rêves ruinés. Il se montrera alors implacable, inhumain envers Monique et tout son entourage jusqu’à la mort de leur enfant, mort-né. Mais sur les conseils de son employeur et de M.L…, son professeur avec qui il a jadis passé d’agréables moments riches en échange, il redevint doux et attentionné. Mais en Monique la vie était morte. Elle lui fera parvenir une lettre d’adieu où elle rappellera tous les moments passés à ses côtés, ses espérances, ses regrets, son amour… Prise de conscience tardive d’Ebinto qui essayera des mois durant de lui redonner le sourire mais elle, Monique, portait déjà le masque du clone qui n’avait à l’intérieur que d’amères larmes. Ce n’est qu’à la mort de la jeune fille, à la suite d’un orage, sur les eaux les conduisant au village d’Ebinto, lors d’une nuit opaque, dans la barque d’un vieux passeur, après une chute brutale ou voulu de Monique( le mystère demeure), après une lutte acharnée d’Ebinto contre les eaux pour la ramener à la rive, qu’il se rendra compte qu’il venait de perdre l’amour, le vrai, celui que personne ne peut compenser.

Signature de l’écrivain ivoirien Amadou Koné, « Les frasques d’Ebinto » est un roman pour adolescent paru en 1978 aux éditions Hatier et Ceda. Commencé en 1967 au collège moderne de Grand Bassam par l’auteur, l’oeuvre est achevé pendant que ce dernier terminait le lycée classique d’Abidjan à l’âge de 18 ans. S’étendant sur 128 pages, l’oeuvre recouvre trois parties chacune constitué de trois chapitres. Le style d’écriture est simple. L’auteur d’une grande culture intellectuelle a su insérer des pensées de grands auteurs comme Hugo, Fromentin, Gide… Les thématiques abordées sont d’actualité et touchent notamment la couche juvénile qui en nôtre ère, presque livrée à elle-même, découvre très tôt la sexualité sans pour autant s’y préparer… De l’amour à la haine et de la haine à l’amour… Triste cycle de la vie que dépeint Amadou KONE.  « Les frasques d’Ebinto » est un chef-d’œuvre qui doit être lu par tous, la jeunesse en premier, puisqu’il est un miroir que nous tend Koné.

 

Par Roméo S. DEKA

 

Roméo Sèssi DEKA est étudiant en Lettres Modernes à la Flash de l’Université de Parakou. Passionné de lecture et d’écriture, il est aussi journaliste de la presse écrite « Akôwé » de ladite université.

 

Œuvre : Les frasques d’Ebinto

Auteur: Amadou Koné

Gennre : Roman

Éditions: Hatier , 1978