« Comment peut-on être multimillionnaire et être entouré de plus d’un million de pauvres? » (Pp. 113-114).

Le développement est communément perçu comme le passage d’un état inférieur, de pauvreté, de mal-être à un état supérieur, de richesse, de bien-être. Et suivant la marche de l’histoire contemporaine, l’un des facteurs déterminants les plus connus pour amorcer et parvenir au véritable développement, c’est la démocratie. La démocratie est étymologiquement le gouvernement du peuple pour le peuple et par le peuple ou par ses représentants qu’il s’est lui-même choisis. Elle se manifeste par l’alternance au pouvoir qui créé la diversité et la richesse dans l’art de gouverner. Mais le constat déplorable du contraire dans nos pays africains dont certains dirigeants cherchent à s’éterniser et pire à imposer leur seule volonté à tous, interroge plus d’un. Dégainant leur écritoire, plusieurs auteurs dont Yédia Augustin TOSSOU ont su dénoncer, donner leur avis sur le problème. Ainsi parut en 2016 la pièce de théâtre « La grippe de la démocratie » que nous vous proposons en « Lu pour vous » cette semaine à travers une bibliographie de l’auteur, le résumé, la structure de l’ouvrage, l’étude des personnages et celle thématique, la portée de l’ouvrage et les critiques.

 

I- Biobliographie

Augustin Yédia TOSSOU est né le 12 juillet 1975 à Agonlin-Houègbo, commune de Zagnanado, dans le Sud du Bénin. Il a fait ses études académiques dans les différents séminaires du Bénin. Après sa formation au Grand Séminaire Saint Gall de Ouidah sanctionné par le Baccalauréat en Théologie, il est incardiné dans l’archidiocèse de Parakou depuis le 14 Août 2010. Il a écrit aussi « Outrages à la Saint-Valentin » ; « Bernardin cardinal Gantin, au service de Dieu et des hommes » publié en 2015.

II- Résumé

« La grippe de la démocratie » (117 pages ) est une pièce théâtrale publiée à Parakou sous les presses de l’imprimerie « Super Edition« . Cet ouvrage relate une histoire politique dans la République de Butobéko. Gomiado, président de la République, dictateur corrompu, se veut avec ses ministres, seul détenteur du pouvoir décisionnel et du droit de vie sur les citoyens tels sur des sujets. D’abord le Père Orémouce, curé de la cathédrale de la capitale Guiségani, taxé de soulever le peuple contre le gouvernement, sera exécuté sur l’ordre de Gomiado qui voit son pouvoir menacé et ne digérant pas l’irrévérence du clerc qui refuse de s’agenouiller devant lui. Ensuite un journaliste est emprisonné pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression en titrant son journal: « Le régime du grand chef Gomiado à la barre?« . Les ministres revenus des différentes missions au palais présidentiel rendent compte de leurs diverses activités. Ce fut à cet ultime conseil que Dorégo, Ministre de l’Information et des Technologiques de la Communication, porte-parole du gouvernement se résolut à dire au président la vérité « Avec vous, nous avions toujours eu une dévotion invincible pour une politique dictatoriale empreinte de jeu politicien aux relents de crime, de musellement et de popularité infondée… Combien de syndicalistes n’avons-nous émasculés, égorgés et immolés ?…vous dire qu’il est temps de savoir danser pour épouser le rythme de notre peuple…je n’ai plus peur de rien et je saisis cette grandissime occasion pour vous dire, que le linceul n’a pas de poche et on ne construit pas un pays sur des buildings mais sur des valeurs…nous devons cesser d’être des jouisseurs mais des bâtisseurs »( pages 32,33). Cette vérité ne plut point au président qui le limogea automatiquement. Dès son départ, un complot est ourdi contre lui pour le diffamer, le médire et l’abattre de peur qu’il ne remporte les élections. Dieu aidant, le peuple derrière lui, le complot échoua dans son exécution et il remporta les élections, ce que Gomiado refusa d’admettre. Mais, en politique, quand le peuple fait un choix, n’est-il pas absolu?

 

III- Structure de l’ouvrage

« La grippe de la démocratie » est un théâtre structuré en trois actes. Chaque acte marque la progression dans l’histoire. L’acte 1 ( page 15 à la page 52) se déroule essentiellement à la présidence. L’acte 2 (page 53 à la page 94) se déroule dans le salon de Dorégo revenu à la maison après son limogeage. L’acte 3 (page 95 à la page 115): les élections organisées, au soir des résultats, l’action se déroule dans la maison de Dorégo.

 

IV- Les personnages

Les personnages de ce théâtre sont au nombre de douze dont voici les principaux:

-Gomiado: Président de la République de Butobéko, Chef de l’État, chef du gouvernement. Dictateur. Il considère les citoyens comme ses sujets ayant le droit de vie sur eux. A l’instar de bon nombre de nos dirigeants africains, il préfère s’éterniser au pouvoir. Pour lui, la démocratie n’est qu’un vil mot. Ce n’est pas un exemple de chef à suivre.

-Dorégo : ministre de l’information et des technologies de la communication. Porte-parole du gouvernement. Véridique et courtois, Il devint président de la République grâce au peuple qui le plébiscita. Il promeut les valeurs démocratiques. Il est un exemple à suivre. -Les ministres Kamel, Compota militants et loyaux serviteurs de Gomiado. Ils vont participer au complot ourdi contre Dorégo.

– Gladys: femme de monsieur Dorégo. Infirmière d’État.

– Père Orémouce: Curé de la cathédrale de Guiségani, exécuté sur l’ordre de Gomiado.

– Les autres personnages: chef Kannon, Roberto, Radamel, Kélia, Kodjo, Maroga.

 

V- Étude thématique

Cet ouvrage met en relief plusieurs thèmes au nombre desquels nous pouvons citer la dictature, la démocratie, la bonne gouvernance.

* La dictature

La dictature est une autocratie, l’autorité absolue. Elle peut être un régime politique. En tant que régime politique, la dictature se manifeste par la centralisation du pouvoir dans la main d’une seule personne qui décide au nom de tous. On note une dictature dans « La grippe de la démocratie » à travers la gouvernance de Gomiado qui croit avoir un droit de vie sur les citoyens. C’est ainsi qu’il donna l’ordre à ses gardes d’exécuter le Père Orémouce et fit arrêter un journaliste. Dans un régime dictatorial, les libertés publiques sont restreintes. Les jugements négatifs de la gouvernance peuvent coûter la privation des droits ou le silence éternel. Ce régime est considéré comme un frein au développement contrairement à la démocratie qui est le régime le plus participatif au développement.

* La démocratie

La démocratie est un « régime politique dans lequel l’ensemble du peuple dispose du pouvoir souverain. État organisé selon des principes démocratiques ». L’État démocratique est celui donc préconisé par Dorégo dans ce théâtre quand il demande au président d’être transparent dans la gestion et de respecter le peuple. Les principes démocratiques sont entre autres : l’alternance au pouvoir, l’organisation des élections libres et transparentes, le principe de responsabilité et de transparence, l’État de droit qui implique la séparation des pouvoirs et la soumission des pouvoirs au droit, et le respect des libertés publiques. Il faut noter que d’aucuns pensent que la démocratie est le régime le plus favorable au développement d’un pays et ainsi suppose la bonne gouvernance.

 

* La bonne gouvernance

Différente de la mauvaise gouvernance, la bonne gouvernance est l’action de bien gouverner. Mieux, l’art de faire participer toutes les structures sociales au développement d’un pays. Si l’on peut assimiler ou qualifier la gouvernance de Gomiado de mauvaise, l’on peut oser dire que celle que propose Dorégo dans ce livre est celle bonne ( lire les pages 112, 113, 114, le discours de Dorégo devenu président à la fin de l’acte 3).

VI- Portée de l’ouvrage

L’auteur de l’ouvrage dans l’avant-propos (page 3) a largement évoqué la portée de « La grippe de la démocratie« . En effet, cet ouvrage doit être traduit dans les différentes langues officielles en Afrique. Il est d’actualité et pose un problème qui perdure dans les Etats jusqu’à nos jours. Des leçons très importantes peuvent être tirées des dialogues entre les personnages. On comprend à travers cette œuvre que la démocratie est le meilleur régime politique contrairement à la dictature qui brime les citoyens dans leurs prérogatives. Cet ouvrage pourrait éduquer les peuples sur leur droit de suffrage comme pouvoir de sanction politique des dirigeants et à impacter nos dirigeants sur leur manière de gouverner.
VII- Critiques.

Critiques positives

*Sur le style

L’expression est heureuse, la trame, dynamique; et l’action dramatique, passionne et captive. Avec des proverbes et de l’humour, l’auteur vous plonge dans son monde où les mots et expressions font sourire et rire. A chaque page, vous vous sentez plus installé dans l’histoire et chaque ligne vous pousse à lire la suite. C’est une histoire bien écrite qui passionne et instruit tout lecteur quel que soit son niveau d’instruction.

 

* Sur le fond

Ce théâtre est un véritable délice littéraire. Il doit être le vade-mecum de tous citoyens et surtout celui de nos dirigeants africains.

Critiques négatives

L’on pourrait reprocher à l’auteur cependant le fait que les relations du président et ses loyaux serviteurs, (kodjo et Gomiado par exemple, page 16) soient assimilables presque trait pour trait aux relations d’un roi avec les hommes de sa cour royale. Or le système n’est pas le même.

Quelques belles phrases fortes :

– celui qui est impatient d’avoir un enfant épouse une femme enceinte. P40

-On ne prend pas un nain pour mesurer la profondeur de l’eau. P41

– On ne commande à l’histoire qu’en lui obéissant. P 68

-Quiconque taquine un nid de guêpes doit savoir courir. P 40.

-Qui veut du miel a le courage d’affronter les abeilles. P 41.

 

Conclusion

« Comment peut-on être multimillionnaire et être entouré de plus d’un million de pauvres? » (page 39) La grippe de la démocratie est un ouvrage d’actualité écrit par Augustin TOSSOU dans un style alerte. Avec des proverbes et des expressions humoristiques susceptibles de vous tordre de rire, l’auteur tel un politologue dévoile la dictature de Gomiado, figure-exemple de bon nombre de nos dirigeants africains. Il convie à la démocratie à travers la figure de Dorégo qui finit par rompre avec les mauvaises habitudes et à travers son discours très incitateur : « Nous procéderons petit à petit, à un changement des conditions de vie et de mentalités en gardant toujours à l’esprit qu’il faut une esthétique à l’action publique…C’est ensemble que nous allons construire l’avenir de notre cher pays » (Pp. 113-114).

 

Amoni Bachola