Introduction

Quand on lit le titre du recueil de nouvelles « Pour une histoire de virgule… & La femme « Minée », on se demande à quel genre de bagarres peut donner lieu une virgule placée ici où là. En plus de cette première inquiétude, ce qui vient à l’esprit est de savoir comment on peut miner une femme qu’on aime ou, ce qui se passera si quelqu’un s’approche d’une femme minée ou encore, que deviendra cette femme puisqu’elle est minée. Parue aux Editions Nouveautés en 2015 et s’étendant sur 94 pages, l’œuvre est d’une succulence exquise.

Le contenu de l’œuvre

Dès la première nouvelle où l’auteur donne le ton et le rythme de ce qui sera le recueil, l’on réalise que « Pour une histoire de virgule …& la femme « minée » est d’une richesse littéraire où s’imbriquent humour et sarcasme pour la plus grande joie des lecteurs. Enseignant de Français dans les lycées et collèges de Cotonou, l’auteur, kouassi Claude OBOE, est une heureuse victime de sa profession et un vrai amoureux des belles lettres. Il le fait remarquer d’ailleurs dans la cinquième nouvelle : « Pot- pourri« , un vrai régal, fait d’impressionnants jeux de titres d’ouvrages et d’auteurs, qui conduit avec plaisir le lecteur à la découverte des œuvres. Le recueil s’ouvre sur  » La revanche « , un coffret riche en couleurs, en sensations en leçons de vie. Ici, c’est une histoire d’amour propre, d’amour de soi, qui a poussé Kossi, le personnage principal de la nouvelle, à demander conseil auprès de son père pour trouver une femme bonne pour lui après tant d’aventures amoureuses sans lendemain. Trouver une femme n’est chose difficile, mais une femme faite pour le ménage, le foyer, n’est pas chose aisée. C’est ce que le père de Kossi a essayé de peindre dans sa lettre pour aider son fils. Dans bien de contrés, les uns disent que l’amour sans jalousie, est comme une sauce sans sel. Et d’autres vont plus loin, en disant que la jalousie est l’essence qui enflamme l’amour. Nous voici chez dans la nouvelle  » La femme<<Minée >> » où l’auteur présente sous un autre jour un phénomène d’ailleurs dépénalisé au Bénin, « l’adultère ». Noukoumon, très amoureux de sa jeune et belle Ablavi, a recours aux « gris- gris » pour << Miner >> cette dernière. Chose qui a fait beaucoup de morts d’hommes dans le village. Les mâles et la femme d’autrui! Ils ont eu ce qu’ils méritaient. « La femme << Minée >> », c’est un voyage dans le monde de l’amour et de ses déconvenues. Pourvu que Noukoumon lui-même ait l’antidote le jour où ses instincts le conduiront vers l’univers désormais cadenassé de sa femme. C’est la vie dira-t-on! Eh bien, avec  » L’histoire d’une vie« , on voit John attentionné et tout dévoué à sa chère Julie. Si John aime Julie d’un amour sincère, Julie, elle, n’aime par contre que ses présents. Malheureux et malchanceux en amour, John a fini par rendre l’âme, puisqu’il n’a pas su donner le meilleur cadeau que sa dulcinée espérait de lui le jour de son anniversaire. Pour Julie aux ambitions démesurées, une jeune fille en classe de Terminale, donc candidate au Bac, que vaut des heures de Travaux Dirigés préparatoires au Bac devant un portable qu’elle aurait souhaité avoir? De toute façon, si « Pour une histoire de virgule… », un enseignant de français, fâché, administre un soufflet retentissant à son élève, l’histoire retiendra que c’est au nom de l’amour qu’il porte avant tout pour sa profession et ses apprenants qu’il le fait. Monsieur  Paul, jeune enseignant de français, montre à ses apprenants l’importance de la ponctuation dans une phrase. Le directeur l’apprendra à ses dépens, lui qui voulait ridiculiser le jeune professeur de français. Si les hommes sont de vrais insatisfaits, certaines femmes le sont davantage. Afi, dans « Cœur de femme » est la preuve parfaite de l’insatiabilité de certaines femmes. Nonobstant les efforts de René, son époux, de faire d’elle sa reine à lui, cette dernière multipliait tout par zéro. Malheureusement, son insatisfaction eut raison d’elle. Dans le couple, il faut savoir garder sa langue et ne pas laisser les histoires du couple s’envoler vers les oreilles des amies. On ne dit pas tout à tout le monde, voilà la leçon qui se dégage de cette nouvelle. . Relation amoureuse ou intime entre professeur et élève est chose interdite. Et pourtant! « A plaisir, plaisir et demi« , est une nouvelle, qui retrace l’amour entre Julie, élève, et son professeur, une histoire d’amour amère, qui a conduit ledit professeur en prison et signé l’expulsion de Julie de son établissement, avec pour bonus une grossesse que heureusement ou malheureusement ses parents seront les seuls à assumer. Tribulations!  » Les tribulations de Bertin« , voilà une nouvelle qui, au-delà du détournement dont est l’auteur Bertin, met en relief l’absurdité de la vie. Bertin, comptable dans une société, voit sa vie basculer dans le malheur… Il percute un enfant, se fait dévaliser par des braqueurs et finit en prison. Revenu de l’univers carcéral, il se voit abandonné par sa femme et livré à la solitude et au chômage. Désespoir. Suicide. Au même moment, son téléphone sonne. Il venait d’être embauché. Mais le voilà suspendu entre ciel et terre, la corde au cou. Descendra-t-il pour recevoir ce coup de fil qui transformera sa vie? « Pour Une Histoire de Virgule… & La Femme << Minée >>« , comme on peut s’en rendre compte, est un pur régal. Il faut le lire par soi-même pour s’en délecter.

Actualité de l’œuvre

Toute œuvre de l’esprit est toujours fille de son temps. Et ce n’est jamais par hasard qu’un écrivain empoigne sa plume pour accoucher des textes. De la lecture de « Pour Une Histoire de Virgule… & La Femme << Minée >>« , l’on ressent de la part de l’auteur un pressant besoin stigmatiser les tares de la société, plus fondamentalement celles de la famille, et de se moquer de la vie dont l’absurdité est mise en valeur dans la nouvelle titrée  » Les tribulations de Bertin« . Les comédies que la vie nous joue, la fatalité à laquelle elle nous soumet parfois, quand on se réfère à Monsieur Mersault dans « L’étranger » de Camus, à Ahouna dans « Un piège sans fin« , à Jacques dans « Jacques le fataliste » de Diderot ou encore à Ebinto dans « Les frasques d’Ebinto« , les divers crocs en jambes qu’elle nous fait, tout cela contribue à nous faire comprendre que vivre c’est bien plus que se nourrir et se vêtir. Afi et Julie en sont la parfaite illustration dans le livre. Mais à reconsidérer l’histoire de Bertin, l’on a comme l’impression que tout est tracé d’avance et que l’on n’a qu’à suivre son destin. L’histoire de Bertin nous semble familière, car nous avons vu des vies se détruire de la même manière et nous nous sommes demandé: « comment cela a-t-il pu se passer ainsi? Pourquoi la chance ne lui a-t-elle pas souri un peu plus tôt? Comment une vie si belle peut-elle s’éteindre si tragiquement?

 

Quand on sait que la vie se reçoit d’abor en famille, l’on comprend mieux l’allure didactique et pratique que l’auteur a donnée à la première nouvelle du recueil,  » La revanche « , où il donne la parole au père de Kossi, un vieux sage et avenant, pétri d’expérience et de connaissance des choses de la vie. L’auteur loge alors l’avenir de la société dans l’éducation que reçoit l’enfant à la maison. Et la problématique de l’éducation familiale est tellement cruciale au père de Kossi qu’il demande à son fils de choisir une femme qui saura de dévouer corps et âme à cette tâche. Ici, il importe de jeter un regard panoramique sur nos sociétés actuelles tournées vers l’accumulation des biens matériels et où le boulot occupe toute la place dans la vie des citoyens. Pullulent alors çà-et-là des garderies d’enfants, parce que madame doit aller au boulot et l’enfant ne passe plus avec sa mère le temps requis avant de commencer l’école. L’autre face de la réalité familiale que l’auteur met en exergue, est relatives aux qualités et vertus que doit avoir une femme au foyer. Ce rappel est important dans la société contemporaine tournée vers l’Occident qui clame l’émancipation de la femme à tout prix: certes, il faut que la femme soit libre et émancipée, respectée, mais qu’on n’oublie pas qu’elle est avant tout mère de famille. Par ailleurs, la course derrière les biens matériels constitue aussi un obstacle à l’acquisition par certaines femmes des qualités d’une bonne mère de famille. Car comme dit l’auteur, « Le plus difficile n’est pas tant de fonder une famille, mais avec qui la fonder« (P.11). Voilà Julie qui préfère un téléphone portable à des cours de Travaux Dirigés préparatoires au Baccalauréat. Et il y a beaucoup de jeunes filles aujourd’hui qui s’accrochent à la bourse la plus luxuriante au lieu de s’accrocher à leurs cahiers et livres. Et cette boutade du père de Kossi est assez intéressante : « Un poisson qui provient d’une eau empoisonnée, n’est pas bon à manger » (P.15).

Conclusion

Le livre se laisse dévorer d’un trait. Facile à transporter, facile à lire. Prenez du plaisir en vous jetant dans l’univers créé par Claude Kouassi OBOE. Les thématiques sont actuelles et la manière dont l’auteur les a abordées est séduisante. Il ne se lance pas dans une dénonciation violente, mais à travers un humour noir, mets à nu quelques-unes de nos tares. L’œuvre est belle par la qualité du style et la taille des nouvelles que l’auteur a voulues brève et poignantes. On s’y promène allègrement, avalant les pages avec appétit, et puis on est surpris par la fin et on en redemande encore. Le livre n’est pas du tout volumineux. Si j’ai un dernier mot, ce sera ceci: « Lisez celivre. Vous ne serez pas déçus. Mais avant, prenez vos mouchoirs. C’est une partie de pleurer-rire!  »

 

Camelle ADONON

 

Camelle ADONON est étudiante. Elle passe en deuxième année de droit à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques d’Abomey calavi . Elle aime la lecture et l’écriture.