BL : Bonjour monsieur Joël HOUNKPE. Un véritable plaisir pour nos amis internautes de vous avoir dans le rayon des interviews en cette semaine. D’entrée nous sommes curieux de connaître plus amplement celui qu’on appelle Joël HOUNKPE.

JH : Permettez que je vous dise d’abord mon immense gratitude d’être honoré cette semaine par http://biscotteslitteraires.com/. J’admire votre dévouement pour le rayonnement de l’univers du livre chez nous. Je pense que cela mérite d’être salué.

Je suis un jeune juriste béninois, passionné de lecture et d’écriture. Je suis originaire d’Adromè, un village situé dans la Commune de Houéyogbé. En dehors des occupations inhérentes à ma formation, je dispense aussi des cours de français et de droit dans certains lycées et collèges de notre pays.

BL : Aucun auteur ne passe par ici sans nous conter l’épisode de sa rencontre avec le livre. Dites-nous quand et comment s’est passée votre rencontre avec les merveilles littéraires ?

JH : Cette rencontre remonte à mes études primaires ; donc à mon enfance. Elle a été facilitée par deux personnes importantes de ma vie. D’abord mon grand-père qui me faisait réciter des fables de La fontaine. Il détenait un recueil de fables hérité des prêtres missionnaires qu’il avait fréquentés le clair de sa jeunesse. Ensuite, mon géniteur, un anesthésiste réanimateur qui m’injectait sans répits sa passion pour la littérature. Il m’a fait explorer avant le collège des œuvres comme ‘’Le scribe et le griot’’, ‘’Le pagne noir’’, ‘’Climbié’’ etc. Je dois par ailleurs à sa rigueur la qualité de mes performances scolaires et académiques.

BL : Vous êtes juriste de formation et comme vous le dites, vous enseignez le français par passion. Selon vous, quel est l’impact de la passion sur l’exercice des métiers que vous exercez ?

JH : Je précise que la passion en question est orientée vers la littérature. En acceptant d’enseigner le français dans les écoles qui me sollicitaient, j’étais persuadé que ma passion pour les belles lettres s’en tirerait renforcée. Dans toutes mes activités, cette passion aiguise mon dévouement, me procure enthousiasme et équilibre intérieur. Elle apporte un bonus qualitatif à tout ce que je fais : rédaction d’articles de presse (Pendant les années passées au journal universitaire Le Révélateur), enseignement, rédaction d’actes, consultation etc.

BL : Si l’on doit considérer l’écriture comme un métier d’art que vous exercez désormais, quelle place accorderiez-vous à cette passion ? Détermine-t- elle votre appartenance à l’univers littéraire béninois ? Et pensez-vous qu’un écrivain béninois puisse toujours écrire sous les feux de sa passion pour pouvoir profiter de son métier ?

JH : Cela fait une demande à trois volets. J’irai donc volet par volet par volet:

1°-Il n’ya pas lieu de se soucier de la place à accorder à cette passion, à mon avis. Elle demeure ma première source de motivation dans cette aventure de l’écriture que j’inaugure. Et je pense qu’il serait prétentieux de ma part de me considérer à l’étape actuelle comme un écrivain de profession.

2°- Cette passion détermine bel et bien mon appartenance à l’univers littéraire béninois ; car c’est elle qui nourrit au quotidien mon attachement à la plume qui, à son tour, me révèle.

3°- Je ne saurais le dire. Si l’on prend la passion sous l’angle de l’amour extrême pour quelque chose, je pense qu’au-delà de l’inspiration et du travail, il y a toujours un rayon de passion derrière l’engagement de tout écrivain qui entreprend une œuvre. Maintenant, chercher à savoir si un écrivain béninois pourra profiter de son métier s’il écrit toujours sous la rampe de sa passion relève d’une autre dimension d’analyse que des voix plus autorisées que moi pourraient décrypter avec exactitude.

BL : Dans le cours de votre histoire, pourriez-vous confirmer que c’est votre passion pour le français qui vous a amené vers l’écriture ou le mouvement inverse ?

JH : Je constate que vous tenez beaucoup à ce mot « passion ». Même un peu trop, à mon avis. Retenez simplement que c’est ma découverte des merveilles littéraires à travers mes lectures qui a suscité en moi la volonté d’écrire. Et à force de traduire par écrit des faits sociaux qui touchent ma sensibilité, j’ai commencé par y prendre goût. A ce propos, il me plaît de rappeler que mon tout premier manuscrit date de l’année scolaire 1999-2000. De la classe de 5ème pour être plus précis. C’était l’histoire de ma famille telle que je la connaissais que j’ai racontée dans un cahier de 100pages sous le titre ‘’ Recueil d’histoires familiales’’. Ce texte que je garde toujours avec moi me rappelle à chaque relecture les progrès que j’ai réalisés depuis ce premier projet.

BL : L’an 2012 est l’année qui vous a officiellement conféré votre statut de jeune écrivain à travers votre apparition parmi les finalistes du Prix Plumes Dorées 2012. Notre curiosité nous pousse à vous demander de nous révéler ici, le fond de ce projet d’écriture que vous avez porté jusqu’en finale de ce concours.

JH : Il s’agit d’une nouvelle intitulée « L’étincelle dans l’œil du chagrin ». Elle raconte l’histoire de deux tourtereaux : Christophe et Denise. Le premier est un diplômé aux cursus scolaire et universitaire excellents mais sans emploi. La seconde, une veinarde qui intègre, juste après sa licence, une entreprise familiale. Denise pourvoit aux besoins de l’élu de son cœur jusqu’à un matin, un 1er avril où elle adresse une babillarde très amère à Christophe. Celui-ci n’entrera dans l’économie de ce ‘’poisson d’avril’’ au goût de poison que tard, après avoir détruit tous les souvenirs de leur idylle.

BL : Cet épisode avec Plumes Dorées en 2012 a-t-il récompensé votre passion ou vous a-t-il donné des ailes pour mieux voler dans l’univers littéraire ?

JH : Les deux. D’un côté, cet épisode a couronné ma passion pour l’écriture. Il est venu donner du sens à ce que j’entreprenais tout seul depuis des années. C’était une prime à mon attachement pour la littérature. Un encouragement que j’ai accueilli avec joie. De l’autre, il m’a outillé pour mieux naviguer dans l’univers littéraire. C’est indiscutable.

BL : 2012-2017, cinq après, vous revenez encore dans la dixième édition du concours Plumes Dorées  et vous êtes cette fois-ci sacré Prix Plumes Dorées avec votre pièce de théâtre intitulée «  Au nom de tous ces cons ».

Déshabillez-nous ce texte.

JH : « Au nom de tous ces cons » est une caricature de la qualité des alternances au sommet de l’Etat que les dirigeants africains offrent à leurs peuples qu’ils traitent comme des sots timbrés. C’est aussi un appel à la responsabilité, à la prise de conscience du changement des temps et mœurs, adressé aux acteurs politiques de tous bords. En effet, l’histoire se déroule aux lendemains du scrutin présidentiel dans la République des Pendules en Bois. Le retard dans la proclamation des résultats par  Fidélia, présidente de l’institution en charge de l’organisation des élections, nourrit une tension sociale, et des suspicions de fraude à l’endroit du président sortant, candidat à sa propre succession. Obnubilé par son désir de rempiler pour un second mandat, le Président reste sourd à la pression sociale et aux appels au bon sens de la première dame. Il limoge dans la foulée le Général Sourou, responsable des armées et allié de taille, qu’il juge de connivence avec ses adversaires. Avec une mallette bourrée d’argent, il appâte Fidélia, sa vieille conquête, qui proclame les résultats en sa faveur. Mais, cette victoire sous fond de trucage flagrant, cette énième connerie d’un chef d’Etat avide de pouvoir ne passera pas à l’histoire.

BL : Votre appartenance à l’univers littéraire béninois est désormais indiscutable. Quelle appréciation faites-vous de ce Concours National ? Quel regard portez-vous sur l’arène littéraire béninoise ?

JH : « Plumes Dorées » est aujourd’hui le seul concours littéraire qui ait pu résister aux péripéties du temps (dix ans déjà que dure cette belle aventure), le seul qui continue de donner de l’espoir aux jeunes béninois qui embrassent l’écriture. C’est à mon humble avis, l’unique creuset crédible de détection, de formation, de publication et de promotion de jeunes talents littéraires au Bénin de nos jours.

En ce qui concerne l’arène littéraire béninoise, je pense qu’elle regorge maintenant de jeunes talents qui méritent accompagnement et encouragement. Il urge que nos gouvernants instaurent une politique claire de promotion du livre ; non pas une politique qui relègue à un rang insignifiant les initiatives littéraires tandis que le charme physique est quotidiennement célébrée avec éclats.

BL : Quelle place est réservée aux jeunes écrivains béninois ? Ont-ils raison de choisir la plume comme un outil principal de leur vie quand bien même on affirme quelques fois que le livre ne nourrit pas son homme au Bénin ?

JH : Qu’ils ne s’attendent pas à ce qu’on leur réserve une place. Il n’existe pas à ma connaissance un cadre formel qui accueille les jeunes écrivains à leur entrée dans l’univers littéraire béninois. Ils doivent donc batailler en permanence, en saisissant chaque fois les opportunités qui se présentent à eux, afin de s’assurer une place dans ce domaine. S’agissant du second volet de la question, je n’ose pas croire que nombre de jeunes écrivains prennent la plume comme leur gagne-pain. Ils ont souvent à côté une activité qui leur assure la couverture des besoins vitaux. Justement parce qu’ils comprennent tous que l’écriture ne leur procure pour l’heure que l’équilibre morale, la nourriture de l’esprit. La rentabilité financière reste encore un vœu pieu.

BL : Votre profession vous ouvre certainement les yeux sur l’absence de lecture dans le quotidien des jeunes élèves. En tant qu’enseignant de français, quelle politique mettez-vous en place ou pensez-vous mettre en place pour mieux amener ces apprenants vers votre univers, nous voulons signifier le monde des livres ?

JH : Mes élèves peuvent témoigner de mes efforts constants pour semer dans leurs habitudes l’amour du livre. Même si ces semences germent avec enthousiasme dans certains établissements, je considère que mes actions dans ce sens doivent désormais se déployer dans le cadre d’une organisation bien structurée pour mieux impacter mes cibles. Et c’est à ça que je compte m’employer sous peu avec quelques collègues et apprenants, tous amoureux du livre.

BL : Quels sont vos projets littéraires à court, moyen et long termes ?

JH : A court terme, je dois m’atteler à la réécriture d’une quinzaine de nouvelles qui trainent depuis près de cinq ans dans mes affaires, en vue de leur publication. A moyen terme, je pense finaliser et faire éditer mon premier roman. Et pour le long terme, je compte travailler davantage ma plume et surtout organiser ma vie de manière à me consacrer entièrement à l’écriture.

BL : Un mot à l’endroit de tous les jeunes qui voudront faire comme vous.

JH : Je leur suggère plutôt de viser, avec espérance, plus haut que moi. Je suis moi aussi un apprenant qui nourrit l’ambition de marcher dans les pas des grands maîtres. A nous jeunes, je recommande ceci: ne baissons jamais notre plume.

BL : Votre mot de fin.   

JH : Je voudrais emprunter cette tribune pour dire toute ma gratitude à Biscottes Littéraires pour tout ce qui se fait. Merci aussi pour la pertinence et la minutie de votre compte rendu de lecture sur le recueil de pièces de théâtre « Au nom de tous ces cons » sur http://biscotteslitteraires.com/nom-de-cons-plumes-dorees-2017/

  1. vraiment, j’ai adoré l’interview.
    Que Dieu aide Mr Hounpke Joël à atteindre ses objectifs. je pense et je crois que je serai à son image un beau jour.

  2. Dans l’interview, j’ai été sensible à l’humilité de cette plume prodigieuse et séduisante. Je réalise de plus en plus que les grands sont avant tout des personnes très simples. Merci Monsieur Joël HOUNKPE