« Les femmes et les hommes ont chacun leurs différences physiologiques et psychologiques. (…) On peut prétendre avoir les mêmes chances, avoir les mêmes droits dans la société, mais nos différences nous guideront toujours. » MIREILLE DIMIGOU MEDALI

 

BL : Bonjour Mireille. Heureux de vous recevoir sur notre blog. Comment allez-vous?

Je vais très bien.

BL : Veuillez vous présenter à nos amis lecteurs.

MDM : Je me nomme Mireille Dimigou Médali. Je suis Kinésithérapeute diplômée d’Etat  et historienne. Je suis aussi auteure du recueil de poèmes «  Reconnaissance ».

BL : Quand on entend Dimigou Médali, que doit-on comprendre à travers ces noms forts?

MDM : Dimigou est mon patronyme, étymologiquement il signifie «  demi go », la moitié de la bouteille de Sodabi. La famille Dimigou est originaire de Djondji. Médali est le patronyme de mon époux. Les Médali sont originaires de Ouidah.

BL : Vous êtes kinésithérapeute de profession. D’où vous est née cette vocation de vous intéresser à l’histoire.

MDM : Depuis toute petite j’ai toujours aimé l’histoire. En rentrant à la maison après les séances de rééducation avec mes patients j’avais du temps libre. Je me suis alors dit que pour changer un peu et ne pas tomber dans la monotonie quotidienne, je pouvais  faire des recherches approfondies sur les étudiants béninois en URSS. C’est ainsi que je me suis inscrite au Collège Universitaire Français de Saint Pétersbourg en Russie. J’ai ensuite obtenue une bourse du gouvernement français. A l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, j’ai fait un Master en histoire contemporaine.

BL : Et comment en êtes-vous arrivée à la littérature?

MDM : Je me suis toujours intéressée à l’écriture ; et j’attendais juste le bon moment pour réellement finir un livre. Pour mon tout premier livre, un recueil de poèmes, l’inspiration était vraiment au rendez-vous.

BL : Ecrire, était-il devenu pour vous une manière de refouler les souffrances que vous touchez dans votre métier de kinésithérapeute ?

MDM : Dans mon métier de kinésithérapeute, je soulage plutôt mes patients, je me réjouis énormément de l’amélioration de leur bien-être au fil des séances de rééducation. L’écriture pour moi est une façon de partager mes émotions tant positives que négatives.

BL : « Reconnaissance », votre premier livre vous a été inspiré par votre vie conjugale. C’est assez original, n’est-ce pas? Que s’est-il concrètement passé? A qui exprimez-vous votre reconnaissance dans ce livre? Et pour quoi?

MDM : Dans le livre « Reconnaissance » j’invoque surtout mon admiration et ma reconnaissance à mon fils, à mon époux et aux autres membres de ma famille. C’est la naissance de mon fils et la complicité qui prévaut entre mon époux et moi, loin de nos parents, qui m’a fait comprendre que je devais être reconnaissante à toutes les personnes de ma famille chères à mes yeux.

BL : Quels sont les thèmes que vous y abordez?

MDM : J’ai dédié des poèmes à des personnes bien précises. J’ai décidé de subdiviser l’œuvre en trois parties : mes anges gardiens, reconnaissance et pensées. Dans «  Mes anges gardiens » j’ai écrit des poèmes pour mon fils Andrew et mon époux Dallys-Tom. J’y exprime le bonheur de les avoir à mes côtés. Dans la partie « Reconnaissance », j’ai nommé chaque membre de ma famille tel que j’aime tout simplement les appeler et j’ai surtout partagé les souvenirs des moments passés avec eux. Enfin, dans la dernière partie « Pensées », j’ai abordé des thèmes tels que l’amour, la vie conjugale, les moments passés à Léningrad, ma ville natale actuelle Saint-Pétersbourg, et l’été à New-York.

BL : Que vous inspire votre regard de mère et d’historienne sur la famille aujourd’hui, à cette ère de mondialisation et du relativisme culturel où au nom de la liberté, on brandit partout le slogan du « tout est permis » ?

MDM : Tout est relatif. Chacun agit en fonction de son éducation et de ses principes. Il faut savoir tirer les avantages de chaque période. Comme on le dit « c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle », on doit s’adapter aux défis de notre époque, éduquer nos enfants en leur montrant les valeurs immuables  telles que l’effort, le respect de l’autre, la solidarité, l’altruisme, le devoir des enfants envers leurs parents, qu’importe le temps. En ayant conscience de ces valeurs, les enfants ne se laisseront pas influencer par aucun mauvais exemple.

BL : Est-ce que dans l’histoire, les hommes se sont déjà laissé aller à de telles « animalités »?

MDM : Je préfère ne pas juger.

BL : Devons-nous en conclure que le monde post moderne est malade de ses développements et technologies? Ne pensez-vous pas que nous jouons de plus en plus à l’apprenti sorcier?

MDM : Chaque période de l’histoire a ses avantages et ses inconvénients. Chacun doit continuer à agir en fonction des valeurs républicaines et du respect de l’autre. Ce que nos parents n’avaient pas eu hier, nous l’avons aujourd’hui. Nous pouvons être nostalgiques du passé mais nous devons vivre le présent et préparer le futur de nos enfants. Nous devons nous adapter à la période actuelle et innover pour mieux vivre tout simplement. C’est ça être intelligent, savoir s’adapter à de nouvelles situations et en tant qu’êtres humains nous sommes tous intelligents. La mondialisation et le développement technologique sont des opportunités qu’on doit saisir avec certes des pincettes mais en y tirant le meilleur.

BL : Le 23 Août dernier, le Figaro publiait ceci : Un comité des Nations unies chargé de la lutte contre le racisme a émis un «premier avertissement» formel à propos de la situation aux États-Unis, en soulignant les récents événements de Charlottesville. Vous vivez à New York aux Etats-Unis. Sentez-vous que le noir est vraiment respecté dans sa personne et sa dignité humaine?

MDM : Pour se faire respecter, il faut se respecter soi-même. New-York est une ville cosmopolite où vous avez toutes les nationalités du monde. Les gens habitent ensemble en fonction de leur provenance. Et que tu sois noir, blanc, latino ou encore asiatique, il n’y a pas vraiment de différence. Mais il est clair que parfois certaines injustices sont constatées, les gens en fonction de leurs comportements et de leur habillement peuvent être interpellés, mal jugés et contrôlés. Chaque État aux États-Unis a une prédominance raciale plus au moins marquée et pour cela il est préférable de choisir dans quel quartier vivre et où aller.

BL : Quelle est la réaction des gens quand vous leur dites que vous êtes originaire d’un pays appelé le Bénin?

MDM : Lorsque que je parle du Bénin aux gens, je suis obligée de le situer par rapport au Nigéria qui est plus médiatisé, ou de parler d’Angélique Kidjo pour ceux qui s’intéressent à la musique. Mais en se référant au Bénin comme berceau du vodoun et Ouidah comme un des ports de la traite négrière, les gens se retrouvent mieux.

BL : Qu’est-ce qui vous frappe en premier quand vous descendez sur la terre de vos aïeux qu’est le Bénin.

MDM : La chaleur humaine, la quiétude et la liberté.

BL : Comment gérez-vous la nostalgie du pays? Ou bien, il ne vous manque pas du tout?

Je cuisine fréquemment des mets béninois. A New-York, nous avons aussi des similarités avec les cuisines mexicaines et indiennes. Nous  pouvons acheter  à Harlem du gari, de l’huile rouge « Zomi« , de la farine de maïs, de la moutarde « afintin », du haricot blanc, du athiéké, du gombo, de l’aloko, du bissap, de l’igname, etc…. Donc je prépare pour ma famille, du « atassi » avec du poisson frit et de la friture « dja« , du « man tin djan » ou du gombo avec des crevettes, des crabes et du poisson accompagné de la pâte de maïs ou encore du manioc avec du haricot accompagné du « dja« . De même, mon époux et moi, nous parlons le fongbé à la maison et nous écoutons les artistes Béninois comme JJ Vickey. Enfin, nous nous habillons parfois en tenue traditionnelle et nous sommes en contact permanent avec la diaspora béninoise à New-York. Nous essayons d’éduquer notre fils à la culture béninoise. Nous avons même créé le think thank Bénin du Futur : http://benindufutur.org. En étant à l’étranger, nous suivons les nouvelles du Bénin sur le web et travaillons pour son développement.

BL : Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans le féminisme?

MDM : Avec le mouvement féministe, les femmes ont obtenu de nombreux droits et nous tendons vers l’égalité des sexes. Or si cela devrait arriver sur le domaine professionnel, le plan familial pourrait en souffrir un peu. En dehors de l’Afrique, il est actuellement difficile à une femme qui travaille de s’occuper seule de la maison, du mari des enfants si elle n’a personne de sa famille à ses côtés. Elle est obligée de confier l’enfant à une nounou ou le déposer à la crèche. Elle a parfois besoin de l’aide de son mari. La femme peut tendre vers la liberté ou être émancipée sans pour autant briser les valeurs familiales.

BL : Vous vivez dans une société ou le “gender” a atteint des proportions non négligeables. Cette nouvelle « éthique », selon vous, est-ce une chance ou un nid de menace pour la société?

MDM : Eh oui, le concept genre est vraiment présent en Occident. Il y a différentes idées qui sont soutenues comme le fait de montrer qu’entre un garçon et une fille, il n’y a pas de différence. A mon avis, ceci va à l’encontre de la loi naturelle. Il en est de même du mariage homosexuel qui est désormais légalisé dans certains pays. Toutefois, nous devons être ouvert d’esprit et éviter dans la mesure du possible de porter des jugements de valeurs sur ces options d’organisation sociétale, mais essayer d’éduquer nos enfants à respecter l’être humain et éviter, puisqu’il le faut, quelques dérapages dans la société. Les femmes et les hommes ont chacun leurs différences physiologiques et psychologiques. Les hommes sont censés être forts et s’occuper du bien-être matériel de la famille et les femmes sont tendres, plus créatives et dotées de l’instinct maternel. On peut prétendre avoir les mêmes chances, avoir les mêmes droits dans la société mais nos différences nous guideront toujours.

BL : Que faire pour que les femmes réalisent que pour vivre heureuse, il n’est pas nécessaire de rivaliser avec les hommes au point de préconiser une substitution des rôles?

MDM : Il faut éduquer la fille en lui montrant progressivement son rôle dans la famille, dans la société. Dans une famille les garçons autant que les filles doivent faire leurs travaux domestiques : balayer, faire la cuisine, laver la vaisselle, faire la lessive. Et nos sociétés africaines sont bien structurées pour cela. C’est l’exemple, à l’école, des listes de balayage où figurent les noms des filles et des garçons. Aux hommes étudiants ou  célibataires cela servira beaucoup de savoir faire les travaux domestiques et plus tard ils pourront aider leur femme. Mais la femme, qu’elle travaille ou non, doit savoir que pour l’harmonie du couple c’est de son devoir de pouvoir prendre soin de son époux et de ses enfants. Sur le plan professionnel, la femme peut faire le choix d’avoir une carrière soit en étant employée, soit en s’auto-employant. Elle peut intervenir dans toutes les filières des hommes mais le plus important dépendra de celui qu’elle a comme compagnon de vie, (s’il accepte de l’aider) et elle, en retour, ne doit pas lui manquer de respect, mais plutôt le soutenir et surtout communiquer.

BL : Dans certaines régions du Bénin, se pratique encore le mariage des enfants. Que feriez-vous si vous étiez Ministre de la famille? Et en tant que mère de famille et écrivaine, que pensez-vous faire pour remédier à une telle pratique?

MDM : En tant que Ministre de la Famille, j’aurai mis l’accent sur la sensibilisation des parents, l’éducation des filles et encourager des projets tels que le concert réalisé il y a quelques semaines par Angélique Kidjo et d’autres artistes. De tels événements doivent être de plus en plus organisés dans les villes, villages et hameaux reculés de notre pays, puisque c’est là-bas que ces pratiques sont encore en cours. Je saisis l’occasion pour  rendre un grand hommage à Madame Ida Tokpo Médali, ma belle-mère, qui a beaucoup œuvré au niveau de la structure AIDE ET ACTION pour l’éducation des enfants, mais aussi fondatrice de l’ONG AIMER et AGIR et actuellement Présidente de FAWE pour l’éducation et l’épanouissement des filles.

BL : Dans le recueil « Reconnaissance », quel est le poème qui vous émeut le plus?

MDM : Tous les poèmes me sont chers mais j’aime lire et relire le poème dédié à mon fils « Miraldo ».

BL : Comment le public a-t-il reçu « Reconnaissance »? Qu’en dit la critique?

MDM : La majorité de mes proches ont apprécié mais de réelles critiques n’ont pas été encore faites. Je suis ouverte aux critiques pour améliorer mon travail à l’avenir.

BL : Comment peut-on se procurer ce livre?

MDM : Le recueil de poèmes « Reconnaissance » est disponible en deux versions actuellement : la version électronique et la version papier. Bientôt nous publierons  la version audio. En version papier, il est disponible sur les sites amazon.com, lulu.com; et bientôt dans les librairies de Cotonou. En version électronique, sur smashword.com et fnac.fr. Et vous pouvez aussi le découvrir sur mon site web mireille.dimigou.com où vous trouverez aussi les livres écrits par mon époux.

BL : La littérature béninoise est-elle connue aux USA?

MDM : Pas vraiment.

BL : Quel regard portez-vous sur cette littérature? Vos craintes? Vos certitudes d’espérance?…

MDM : La littérature béninoise n’est pas vraiment connue aux Etats Unis mais la littérature béninoise est très diversifiée. Les auteurs tels Jean Pliya, Félix Couchoro, Adélaïde Fassinou, Carmen Todonou sont des exemples parmi tant d’autres qui inspirent les jeunes auteurs et montrent que le Bénin restera toujours le quartier latin de l’Afrique.

BL : Vous avez certainement des projets en littérature. Le prochain roman ou tout autre livre, c’est pour quand?

MDM : Espérons que l’année 2018, sera riche en inspiration et vous verrez. (sourire)

BL : Votre mot de la fin

MDM : Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’avez offerte de m’exprimer et je souhaite longue vie à votre blog. Je tiens à remercier Ekatérina Kazeykina, illustratrice, qui a dessiné mon portrait,  sur la première page de couverture de mon livre.

 

  1. Bravo, pour oser dire au monde ton amour à tes proches et pour ton ouverture d’esprit. Encore plus d’inspiration pour les prochains écrits

    • Merci Lorinda Gnacadja, pour le commentaire et les encouragements. La vie ne tient parfois qu’à ces petits clins d’œil aux proches et ceux qui nous motivent et nous font aller de l’avant. La vie est simplement « Reconnaissance ».

  2. Félicitations à toi Miss. Tu as fait du beau travail et vraiment, beaucoup de courage à toi pour la suite et encore beaucoup de nouvelles inspirations.

    • Bonsoir ATTONDE Myriam. Merci à vous aussi pour nous avoir pris au sérieux en lisant cette interview où l’auteure dit son attachement à la terre béninoise et aux valeurs familiales traditionnelles.

  3. A te lire, je suis à l’aise. Je sens que le temps a fait un travail formidable sur toi. J’ai parcouru avec émotion les différentes lignes et là je peux être fire d’avoir lu la femme en toi, à travers ses droits et devoirs tant dans la société qu’au niveau de son foyer. Je suis rassuré désormais qu’aucun conflit d’intérêt, de personnalité, ne doit prévaloir dans le foyer puisque tu l’as dit en peignant très clairement le fauteuil de l’homme (Marie) et de la femme (épouse) sans oublier l’éducation au format #made in Bénin que le couple doit inculquer à sa progéniture.
    J’ai lu quelque les listes de balayage et çà m’a rappelé rapidement Notre terminale. Je pense et tu me donneras certainement raison que nos éducateurs ont semé de la bonne grains et tu en es une. Vivement que plusieurs graines germent pour plus d’impact dans la société.
    Je n’ai pas encore lu le recueil mais je promets le faire vu que toutes les références existent.
    Belle, l’initiative
    Puisque ceux qui ont pensé que pour cacher quelque chose à l’africain qu’il faut le mettre dans un livre ont désormais tord.
    L’africain lit désormais
    L’africain exprime désormais ses émotions, ses pensées, ses rêves, ses ambitions, de plusieurs manières dont l’écrit. Tu es devenue pionnière dans le domaine si je ne m’abuse et je pense très modestement que nous devons aller à cette école.
    Lire n’est-pas une manière de voyager?
    Merci pour le voyage

    • Merci Noudomessi, pour votre commentaire très édifiant. Continuez de voyager sur ce blog.

  4. « Les femmes et les hommes ont chacun leurs différences physiologiques et psychologiques[…..] On peut prétendre avoir les mêmes chances, avoir les mêmes droits dans la société mais nos différences nous guideront toujours » absolument vrai.
    Nos différences nous guideront TOUJOURS en effet