Autant la guerre est violente, vilaine, méchante et incongrue,  autant il est difficile et pénible d’en parler. Mais quand on décide de le faire, on peut choisir deux armes pour se tirer d’affaire: l’humour ou la crudité. E. B. DONGALA a choisi la seconde arme. Et se servant d’un titre métaphorique pour désigner son œuvre, Emmanuel DONGALA, auteur de « Johnny Chien Méchant » nous plonge dans la barbarie des hommes ainsi que dans les manifestations de la guerre civile.  Déjà dans le titre, transparaît la violence. Si Johnny, né de la chair et du sang humains est un chien méchant, l’on imagine ce dont il est capable. Cette cruauté à peine voilée qui heurte dès qu’on lit le titre, est assez révélatrice du ton que l’auteur donne à son œuvre? où sans fard ni exotisme, mais avec la précision qu’on lui connait, il dénonce les horreurs de la guerre civile au Congo vers la fin des années 90.

BIOBIBLIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Emmanuel Boundzéki DONGALA est né, le 16 juillet 1941 à Alindao en République du Congo, d’un père congolais et d’une mère centrafricaine. Il y fait les premières études et poursuit ses études scientifiques aux Etats-Unis puis en France .Enseignant de Chimie à l’université de Brazzaville, il fut contraint à l’exil en 1997 suite à la guerre civile et se réfugia aux Etats-Unis où il enseigne la littérature africaine francophone à Bard College at Simon’s Rock ; un exil qui aurait certainement  influencé ses inspirations  quant  à écrire. De sa belle plume, il écrit une masse d’œuvre dont « Un fusil dans la main, un poème  dans la poche  » , en 1974 ; « Jazz et vin de palme » en 1982, « Le feu des origines », en 1987 ; « Les petits garçons naissent aussi des étoiles », en 2000 ; «La femme et le Colonel » en 2006 ; « Photo de groupe au bord du fleuve », en 2010 et «  Johnny Chien Méchant » paru en 2002 qui fait l’objet du présent travail.

RESUME

L’œuvre met en scène deux jeunes adolescents. L’un, Johnny, un enfant soldat dont le train de vie se résume au viol, au meurtre, au pillage. Et l’autre, Laokolé, jeune lycéenne, courageuse. Suite à l’autorisation accordée par le général Giap, chef d’une bande de miliciens, toute la population prend la fuite. Dans cette migration vers les camps de réfugiés, plusieurs rendront l’âme, à cause de la fatigue, de la faim et de la soif. Lao de son côté y perd sa mère ainsi que Fofo, son frère. Devant l’incapacité des organisations telles que l’ONU et le HCR, la population fut livrée  aux griffes des miliciens. L’histoire, bien que désespérante, se verra marquée par une fin que l’auteur, en tant qu’omniscient de l’œuvre, se réserve de sortir de l’ordinaire en responsabilisant la belle gazelle, Laokolé à en finir avec le tout puissant Johnny, semeur de trouble de son état, avec une arme loin d’être imaginée : une simple bible.

LES PRINCIPAUX PERSONNAGES

Johnny : Adolescent de 16 ans, il est un milicien de la troupe des « Mata-mata ».Enfant soldat, Johnny conçoit la réalité à sa manière et trouve son plaisir dans la souffrance de son peuple. Cet homme est une brute, un sauvage qui trouve normale la violence et naturelle la cruauté. Son cerveau ne fonctionne que pour préparer le mal et l’accomplir avec perfection. Il prend à chaque moment « important » pour lui, un nom de guerre pour montrer sa suprématie et se glorifier de sa vie qui, d’ailleurs se limite au meurtre, au pillage, au viol. Il incarne dans l’œuvre, le mal injecté dans le cerveau de jeunes enfants qui deviennent obsédés du meurtre lors des guerres civiles.

Laokolé : Elle est une jeune de 16 ans, préoccupée par son avenir, celui de son frère ainsi que celui de leur mère. Obsédée par son examen de baccalauréat, elle nourrissait plein de rêves pour le futur. Hélas, elle fut contrainte de toujours fuir pour préserver ce qu’elle a de plus chère : sa vie ! Lao perdra son unique frère dans la fuite occasionnée par un pillage autorisé par le Général Giap, dirigeant des troupes miliciennes. Elle incarne l’amour, le courage. Autrement dit, l’auteur a fait d’elle l’opposée de Johnny pour créer ce contraste qui sera la lueur d’espoir au cœur du désespoir.

Maman Laokolé : Elle est mère de deux enfants : Laokolé et son frère. Elle devient handicapée des suites d’un pillage pendant qu’elle essayait de cacher de quoi nourrir sa petite famille. Ne pouvant donc pas s’échapper, elle fut obligée d’être transportée en brouette par sa fille. Mais elle mourut lors de l’attaque, par les miliciens, de la ville de Kandahar ou elle s’était réfugiée. Elle est une femme courageuse et battante.

Général Giap : Il est le dirigeant des miliciens. Il est craint de tous à cause des nombreux « gris-gris » dont il dispose. Nul n’incarne mieux que lui, la terreur, ou encore l’horreur dans cette œuvre.

Ecrite dans un style simple mais cru, sans gant ni recours à l’humour noir comme c’est le cas dans « Allah n’est pas obligé » de Ahmadou Kourouma, l’œuvre « Johnny Chient Méchant » fait ressortir divers thèmes aux nombres desquels on peut retenir : la guerre civile, les enfants soldats, l’impuissance des organisations (ONG) et institutions internationales en charge de la paix.

LES GRANDES LIGNES

La guerre civile : Elle est la situation qui existe lorsqu’une lutte armée oppose les Forces Armées d’un Etat à des groupes armés identifiables comme des milices, des armées irrégulières, au sein du même Etat. Elle se manifeste par des actes de violence. L’origine peut être de nature ethnique, économique, ou politique. L’auteur de l’œuvre fait ressortir dans son ouvrage, la nature politique quand le Général Giap s’entretenait avec Johnny : « Le président qui est au pouvoir est Mayi-dogo. C’est un pouvoir corrompu et tribaliste qui ne sert que l’intérêt des ressortissants de sa région » (P .80 ). Ceci constitue aisément une raison pour se déclarer la guerre au sein des l’Etat. La guerre civile (destruction des biens de la population, viol, meurtre), loin d’être une solution pour les divergences politiques au sein de l’Etat est un moyen de destruction de la population. La situation ne peut donc être résolue mais au contraire se dégénère et laisse de nombreuses conséquences aussi sur le plan humain que sur le plan matériel.

Les enfants soldats : Un enfant soldat est un enfant combattant, fille ou garçon, âgé de moins de 18 ans, et parfois dès 6 ans. Ce phénomène constitue un viol des droits de l’enfant. Le principe 9 de la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 dispose que : « L’enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté, et d’exploitation, il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit … ».Ce principe n’est malheureusement respecté à la lettre : ce qui explique l’existence des enfants dans les camps armés  et leur exploitation lors des guerres. Le rôle de protection dont l’humanité doit faire montre à l’égard des enfants n’est pas assuré. L’exemple dans l’œuvre est le « terrible » Johnny, l’enfant dont la présence déstabilise la population et sème la crainte en leur sein.

L’impuissance des ambassades et ONG de paix : les Organisations Non Gouvernementales ou ambassades telles que le HCR, l’ONU sont normalement créées pour assurer la paix et la sécurité des populations à l’International. Mais, force fut de constater qu’elles ne sont pas toujours à la hauteur de cette fonction. Elles cèdent quand les pressions des « troubleurs »  deviennent intenses en abandonnant leurs « protégés » à leur sort. Un déni de responsabilités serait de résister aux miliciens pour assurer la protection des réfugiés.

L’œuvre « Johnny Chien Méchant » nous met au cœur des moments les plus douloureux de la guerre civile. Suite à des raisons qui sont de plusieurs ordres, la déclaration de la guerre civile plonge toute une communauté dans la misère, le désespoir, la crainte. L’auteur de l’œuvre montre que les guerres civiles, loin d’être un moyen pour régler des conflits qui sont souvent d’ordre politique, sont plutôt des situations qui laissent des séquelles graves non pas au niveau des gouvernants mais  de la population ; la pauvre population qui a commis le crime d’être victime.

Mon coup de cœur pour l’œuvre réside dans l’audace mêlée de rage déguisée par lequel l’auteur dénonce vertement, mieux condamne les pièces maîtresses des guerres civiles en Afrique. L’auteur a le mérite de dénoncer les insuffisances de protection observées dans les ambassades de réfugiés qui se retirent face aux menaces des miliciens. Il faut donc une prise de conscience de la part des dirigeants pour la régularisation des guerres en Afrique à défaut de les éviter.

Etonam Denise GBEKE
Etonam Denise GBEKE est née le 12 juin 2000 à Tététou dans la préfecture de Haho au Togo. Elle a fait ses études primaires à Cotonou (Djidjè). Après l’obtention du BEPC au CEG La Verdure, elle termine ses études secondaires au CEG 1 Abomey Calavi. Elle est actuellement à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature à l’Université d’Abomey Calavi où elle poursuit sa formation en Administration Générale. Outre sa passion pour la littérature, elle adore les matchs de football et la musique.