L’affaire Bissi, Il y a mieux que la neige…de Daté Atavito Barnabé-Akayi

Ah ! Quelle affaire ! Et qu’y a –t-il de mieux que la neige ? C’est l’interrogation que suscite le titre de ce recueil de nouvelles signé Daté Atavito Barnabé-Akayi. L’auteur ficèle sont chef d’œuvre autour de cinq personnages repartis dans les cinq nouvelles de ce recueil. Que ce soit Fari, Funmi, Kadara, Rissi, ou Tobit, tous ont une histoire fabuleuse à raconter. Par ailleurs, il est on ne peut plus clair que c’est la femme qui sert de point de ralliement aux cinq nouvelles, à en juger par les titres. Qu’est ce qu’il ne faut pas faire pour les femmes ? Parfaite excuse pour que l’auteur s’alloue les services du paranormal, du rocambolesque et de la fiction pour faire peindre en noir-blanc le quotidien des femmes. Le kaléidoscope ici réalisé fait voir en prosaïque la vie des personnages sous le prisme de la tragédie  et de la mort qui étendent leurs tentacules à chaque carrefour du livre. C’est ainsi que Kemi ou l’amnésie d’une bière projette comme sur un écran le film de la vie d’une étudiante ayant perdu la mémoire après avoir vu le corps de sa colocataire morte par suicide: Fari, brillante étudiante à l’avenir prometteuse. Qu’est ce qui a bien pu la conduire au suicide ? Question de la vie, question sans réponse vraiment compréhensible. Fari aura fait son pèlerinage sur terre sans y laisser de progéniture. Pendant que Kadara cherche par tous les moyens à faire valoriser ses entrailles, au point même d’avoir recours à un exile spirituel. Elle y arrivera. Mais le bonheur n’est pas la fin comme le dit bien Don Metok. La négligence et la luxure de M. Paul Kpatin mari de Kadara anéantiront ses efforts. Les efforts et souffrances d’une mère partis en fumé le temps d’une coupure électrique, le moment d’une alimentation érotique. Ebats condamnables, meurtre involontaire. Le père et la nounou célèbrent l’amour pendant que la cire se consume, et avec elle la vie du nouveau-né. Si le feu tue, l’infidélité le fait aussi pareillement. Dans « L’infidélité peut tuer », l’auteur ne ménage pas ses efforts pour mettre sous le feu de la rampe les nombreux maux qui minent l’épanouissement de la gente féminine. Loin des clichés habituels amour-politique-société que l’on connait bien à l’auteur- Daté conduit le lecteur vers les horizons osés et violents de la physique et de la métaphysique avec pour point d’ancrage la contemplation de l’horreur. Une philosophie suavement conduite dans un style à la fois ouvert et fermé.  Et comment ? A travers des intrigues à dénouement tragique un peu comme pour peindre en noir le tableau déjà sombre des déboires. L’une des héroïnes, Funmi prend son lot, parfaite répercussion de ses déviances comportementales. Coup de massue, elle mourra avant de pouvoir vivre la seule idylle qui lui convenait. Mort mystérieuse, rupture de contrat avec la vie, effets fracassant de la guerre des choses dans l’ombre, tout un répertoire de mariages entre la vie et la mort, le bien et le mal, l’obscurité et la lumière. Cette allure manichéiste croise la foi en la rétribution de l’auteur dans ce recueil où le mal est toujours puni. Bientôt vont s’inviter les dieux du plaisir charnel. L’homosexualité précédée de sa sœur prostitution nous font côtoyer Tobit et Rissi dans l’obscurité et les tréfonds de leurs bassesses orgiaques. Le lecteur a tôt fait de s’indigner du dénouement funeste que Daté donne à chaque nouvelle. Une manière certainement pour lui de mettre en relief les faux tabous de notre société. Epatante est cette violence que chaque intrigue fait sur le lecteur qui demeure longtemps plongé dans la trame cherchant un autre dénouement possible. Les mots de Daté vadrouillent longtemps dans l’esprit, caressant ces héroïnes pourtant vouées à un sort malheureux. Ce recueil de nouvelle est un miroir dans lequel toute femme devrait se voir pour se faire une idée de ce qui fait la différence entre son quotidien à elle et celui d’une autre femme. Un cri de cœur, une invite au renouement avec les pratiques ancestrales. Un retour aux sources, ainsi qu’il est crié dans la postface qui emprunte à Césaire ces airs de revendication : « donnez-moi la foi sauvage du sorcier, donnez à mes mains puissance de modeler, donnez à mon âme la trempe de l’épée » page 145(post face). Vivement je recommande la lecture de ce chef d’œuvre. Source d’inspiration pour tout lecteur désireux d’en découdre un temps soit peu d’avec les clichés habituels. C’est l’âme de l’Afrique noire toute entière qui se perçoit dans ces maux. Et les mots de Daté, exagérés et hyperboliques dans leur ensemble, vous portent sans ambages jusqu’à destination, vers des horizons osées, jusqu’au seuil de l’irréel

 

Adébayo ADJAHO

  1. Merci Biscottes Littéraire pour ce beau article… Soyez ! Cette affaire vraiment ! L’auteur tue vos personnages aimés sans raison…et il ne vous explique rien…et puis vlan ! On baisse le rideau. Ce n’est pas trop gentil. Tout ce qu’on peut faire pour se libérer de cette déception,c’est écrire une note…c’est ce que vous faites…c’est pourquoi je dis soyez ! Encore et encore.
    Cyr ? Force à toi.

    • Franchement, quelle affaire où on tue tous les personnages, Hkr Belkis. Soyons, encore et toujours.