’Bonjour Vigblégblé,

Trop tenir à une personne comme la tache d’huile rouge sur un linge blanc,  peut conduire à la fatalité dit-on. Et c’est vrai !

Cher chéri Vigblégblé,

Quand tu liras ceci, sache que je ne vis plus. J’ose te pardonner pour tout le mal enduré et tous les coups encaissés. Quand je me rappelle tous ces moments passés ensemble, j’en viens à me demander si un seul instant cela avait valu la peine.

C’est vrai que je ne suis pas de la caste de ces filles qui subjuguent les hommes par leur forme, qui les rendent esclaves par le coup de grâce au lit. En rien, je ne puis me vanter d’avoir été meilleure que d’autres. J’ai cru que l’amour tendre qui me liait à toi suffirait pour nous coudre le modèle de couple parfait au monde. J’ai eu tort de penser cela. Je m’en excuse…

J’ai cru pouvoir endurer plus que cela pour l’honneur de cet amour qu’on s’est promis au cours de nos premiers ébats amoureux. Je me rappelle comme jamais ces premiers mots qui nous firent en un temps amis.

Tu devrais savoir qu’il n’y a rien de plus douloureux pour une fille  que de se voir sous-estimée, de se voir traiter comme un rien qui n’importe donc en rien. D’ailleurs c’est le propre de tout homme. Et pourtant je me suis laissée aller à tous tes invectives, à tes caprices et défauts. Tu as volé ce que j’étais, tu as volé ma dignité, tu m’as massacrée. Dommage, que pour toi je suis devenue faible.

Je pense qu’un jour, tu devras comprendre que tu as raté la chance de ta vie. Je suis la chance de ta vie. Du moins c’est ce que je me suis dit. Car tant je t’ai aimé, tant j’aurais donné mes orteils aux chiens pour toi, mon talon au serpent, mes mains à toute difficulté, mon corps, mon cœur, mon âme à battre le pire quand il serait à côté de toi. J’aurais soulevé le malheur pour toi, l’envoyer paître. Car chéri, le bonheur n’est rien que d’autre que l’absence de malheur.

Et quand tous ces derniers temps, je ne fais que penser au passé, c’est en ce moment même que je réalise que je n’ai plus un avenir, un idéal à chercher à atteindre. Tu m’as tout pris… Dès le premier jour, j’étais devenue ton esclave. J’ai adoré tes qualités, admis tes défauts ; après Dieu, pour moi, c’était toi. Tu étais mon idole. Tu étais mon centre. Que m’as-tu fait ? Pourquoi dois-je autant souffrir pour toi ? Comment as-tu pu changer? Tu étais si simple, tout brillant, tout merveilleux aux premiers jours. J’ai rêvé en couleur rose avec toi. Que s’est-il passé pour que tu deviennes l’homme qui me fait tant souffrir?  T’aurais-je fait quelque chose de mal ?

J’ose ressasser les belles images des instants passés ensemble. C’est la moindre chose et le plus grand cadeau que je puisse m’offrir en ces derniers moments où plus jamais je ne verrais ton visage. On était si bien ensemble, à mon humble avis. On aurait pu être la version plus récente de Roméo et Juliette, de Jacques et Rose. Le monde parlerait de nous, Viglégblé et Yabo. Hélas !

Le premier jour qu’on s’est connus, tout portait à croire que tu étais l’homme de ma vie, mon prédestiné !

 

C’était ce mercredi 23 août 2013 après les cours du soir. T’en souviens-tu ? Le ciel entier était dans un noir-bleu, sur terre le vent soufflait violemment, le sable se laissait tranquillement guider par le vent et nous encombrait la vue. Les éclairs fusaient de partout, le tonnerre grondait, la foudre alertait qu’elle interviendrait dans peu de temps. Tout tendait à faire peur à une jeune fille de 17 ans comme moi. La pluie allait s’enchaîner avec toute cette furie de la nuit et l’orage déferlerait également. Les gens couraient dans tous les sens. Autant vite courir pour se rendre sur la couchette, à l’abri de ce fort vent qui pourrait emporter toute personne frêle.

Les camarades avec qui je rentrais m’avaient abandonnée à cause de mon état de santé, mon asthme et mes troubles cardiaques qui pourraient me faire faire une crise fatale. L’aspect de la nature ne prêtait pas grâce à un valétudinaire et ne permettait non plus que l’on secourût d’autres.

Je sentais mes membres trembler de peur, j’avais compris que ce soir-là aurait pu être le dernier. Je ne voyais plus rien. Tout était devenu si sombre. Malgré ce grand vent, je transpirais à fond. Je ne pouvais que prier pour qu’un miracle s’opère.

Rien n’est autant dur et pire dans une situation dangereuse que de se sentir abandonné. Par ricochet, tout est bien quand l’on voit des gens qui nous soutiennent même quand ça va mal et qui n’y a plus d’espoir. Tu as été mon messie ce jour-là. Je ne saurais l’oublier.

En effet, recroquevillée sous un hangar que le vent menaçait à tue-tête de décoiffer, tu étais l’un des derniers venant de l’école mais apparemment le seul à moto. De ce fait, j’ai réuni toutes mes forces pour te héler. Malheureusement, c’était comme un cri au désert. Il n’y a que l’écho qui me soit revenu. C’était quand même évident qu’avec ton allure, il serait impossible que tu m’eusses entendue. Mais il fallait s’y lancer tout au moins pour ne pas regretter de n’avoir pas essayé.

Et s’il est opportuniste qu’on dise qu’il y a un Dieu pour les faibles et pauvres, j’en fus convaincue ce jour-là. Tu t’étais retourné. Je ne m’en revenais pas. Je ne te connaissais même pas mais je ne pus m’attarder à avoir plus peur d’un inconnu que d’un vent à force herculéenne. Dans les moments difficiles, il est souvent préférable de faire taire certains instincts et de voir le bon côté des choses.

Je ne pourrais être assez reconnaissante pour cette marque de bonté à ma personne, tout inconnue que j’étais. Serait-ce pour te remercier que je tombai amoureuse de toi? Peut-être oui…de toute façon cette soirée comme tu peux le constater a eu un impact sur moi. Tu es devenu mon idéal. Un idéal que j’imaginais responsable de ces actes, un idéal qui secourut les vulnérables, un homme, un vrai qui est différent de ces imbéciles de jeunes garçons pour qui les femmes sont des passe-temps et des usines de plaisir auxquelles il faut juste recourir quand on en est en manque, quand on en désire. Aaah, le désir du plaisir ! Tu m’as semblé tout différent.

 

Je n’ai pas eu assez de temps pour te dire combien de fois je te trouvais beau. Tu étais magnifique. Tu l’es. Tout était modéré sur toi. Il faut absolument remercier Dieu pour avoir su empléter pour cuisiner un homme comme toi. Tu as tout ce que l’on peut désirer chez un homme. Sur l’heure, je me demande bien si ce n’est pas plutôt Dieu que je devrais incriminer pour ces manquements à mon égard tout ce temps où j’ai porté un autre toi en moi. Cet Être Suprême t’a presque parfait au point où l’on se tromperait sur ta nature, ta vraie nature. J’ai cru connaitre un saint au départ. Malheureusement…>>

Je levai les yeux et poussai un soupir. Mille questions venaient à moi. Je voulais les sortir mais, il fallait continuer à lire pour comprendre.

<<Je n’ai jamais assez compris ce qui manquait chez moi tant pour que tu ne m’aimasses pas réciproquement. J’aimerais bien que tu me dises ce que tu trouvais approprié chez Rose et qui faisait défaut chez moi. Au début, je vous croyais juste amis, rien de plus. Voilà où encore ma naïveté de la méchanceté de l’homme m’a conduite. Elle, ma copine de table, mon amie, ma  »secret-taire », elle qui savait toute l’ampleur et le grand amour que je nourrissais pour toi. Elle m’a poignardée dans le dos ; elle a pris ce que j’ai cru saisir, elle t’a arraché à moi, ou est-ce toi qui lui as fait l’offre ? Nulle importance maintenant cette réponse…

Tes petites promenades dans ma salle lors des pauses me faisant croire que tu venais te quérir de mon état de santé étaient juste des occasions pour te rincer les yeux, la voir, elle ; revoir son sourire. Ton départ en fredonnant ou en souriant m’a toujours paru une évidence de l’effet que je te faisais. Vois-tu à quel point j’ai été bête. L’amour rend-il si bête ?

 

BACHOLA Amoni

  1. Le voile se lève sur le drame…..une profonde déception amoureuse…..terrible de se faire hara kiri…….
    J’aime cette interrogation qui termine cet épisode: l’amour rend il bête?…sans doute….