« Ce que femme veut, les Mânes le tolèrent, en fermant les yeux » écrit Jean MALONGA à la page 39 de son roman intitulé : La légende de m’pfoumou ma mazono  (Présence Africaine, Paris 1954 ). L’on imagine toute l’importance que l’auteur accorde à la femme. A la vérité, de par ses gestes, la femme est capable d’unir ou de diviser la société comme de la faire progresser ou de la faire régresser. Le personnage de Hakoula en est une belle illustration dans La légende de m’pfoumou ma mazono.  Ce titre trouve pleinement son sens surtout quand on découvre comment un homme qui est né dans la brousse, loin de la société humaine, a pu créer une communauté que l’on est tenté de qualifier d’idéale et a pu également changer certains faits de la société telle que l’esclavage. Une véritable légende!! La légende de m’pfoumou ma mazono est un zoom sur la société africaine antique avant l’arrivée des blancs. L’auteur de ce roman, Jean MALONGA, naît le 25février 1907 à Brazzaville et meurt le 1er août 1985. Il est également auteur de plusieurs romans et œuvres légendaires qui éduquent sur la culture congolaise. Le roman faisant objet de notre étude a été adapté au cinéma par le congolais Sébastien Kamba dans son film « La rançon d’une alliance« .

RESUME

Les festivités ayant consacré l’union de Hakoula et Bitouala ont transcendé l’ordinaire et ont marqué l’histoire des Lari et des Malingués. De par son charme enivrante, son savoir faire remarquable, Hakoula devient la référence pour les hommes en matières de femmes et l’objet de jalousie de toute les autres femmes. Malheureusement, cette réputation de Hakoula va se salir très tôt. En effet, elle se voit frappée du virus de l’infidélité. Tromper son mari, était devenu une routine, surtout que celui-ci s’absentaient régulièrement à cause de son titre de futur successeur de Mi N’tsembo.  Un peu comme le dit un adage populaire, plusieurs jours pour le voleur et un jour pour le propriétaire, Hakoula fut surprise par Bitouala en flagrant délit d’adultère. Et le comble, c’était que cette fois-ci c’était avec un esclave au service du roi : « La reine est descendue de son trône pour se jeter aux pieds de l’esclave » (p.4)1 Bizenga, l’esclave, fut tué sur le champ par Bitouala qui s’évanouit suite à son geste. L’infidèle, quant à elle, prit le chemin de la brousse en plaine nuit. L’opprobre qu’elle sema et qui entraina sa disparition divisa les deux clans : les Laris et les Malingués. La guerre éclata entre eux et les conséquences furent  lamentables. En exil dans la forêt avec une grossesse de Bitouala qui lui a été révélée par « une lueur étrange » (p69), l’esprit de sa défunte grande mère, Hakoula mit au monde cet enfant et l’éduqua seul dans la forêt. Le petit devint un chasseur hors pair. Dans l’exercice de son métier, il croisa Bileko et Boumpoutou, deux esclaves qui se sont enfuis de chez leur maitre et qui sont devenus ses amis. Choqué par cette catégorisation des hommes dans la société dont ses amis étaient victimes, Ma Mazono, le fils de Hakoula, décida d’éradiquer ce fait social. Avec ces deux amis et d’autres esclaves, il créa une cité ou il n’y a ni esclaves ni maitres. Elle s’appela N’Tsangou. C’était un véritable paradis terrestre .Comme on pouvait s’y attendre, les maitres des esclaves ne pouvaient pas rester les bras croisés. Des délégations ont été envoyés à N’Tsangou pour tenter une médiation entre les deux parties. C’est alors au cours de l’une de ces médiations que Hakoula et Bitouala (chef de délégations ayant succédé à son oncle) se sont croisés. Et malgré ce passé terrible, la flamme d’amour qui existait entre ces deux âmes ne s’était pas éteinte même après dix huit ans. La médiation ayant permis s retrouvailles, s’est aussitôt transformée en une grande fête et l’union des deux camps divisés autrefois fut de nouveau recouvrée. La cité s’agrandit et sa puissance, par ricochet celle de son souverain, était clamée dans tous le pays. Cette puissance fut prouvée par la guerre que les maitres, n’étant pas contents de l’affranchissement de leurs esclaves et la disparition de ce titre, ont déclenchée. p154.Néanmoins l’esclavage a été anéantie, « l’esclavage, grâce aux lois de M’pfoumou Ma Mazono, n’existait plus que sous une forme larvée au moyen d’une fraude possible à travers les réseaux établis par les règlements en vigueur depuis l’arrivée au pouvoir du fils de Hakoula , à l’arrivée de l’Européen » p154.

PERSONNAGES

Hakoula: Fille ainée de M’polo et de Bidounga, elle est admirée  dans le village par sa grande beauté et ses atouts ménagers surtout culinaires. Elle se rendit coupable d’adultère et s’enfuit dans la forêt.

Bidounga: Chef traditionnel de Kadi-kadi, grand dignitaire de M’pou.  C’est le père de Hakoula, Il est le vainqueur de la guerre qui opposa entre son clan et celui de son beau père .

Mi N’tsembo: Il est le beau-père de Bidounga. Hakoula lui était destinée, mais il accorda cette dernière à son neveu. Il décéda, chagriné par les conséquences désastreuses et déshonorantes de la guerre qui a eu lieu entre son clan et celui de son beau fils.

Bitouala: Neveux de  Mi N’tsembo, il est le mari de Hakoula. Il succéda par la suite à son oncle.

M’polo : Mère de Hakoula, et fille de Mi N’tsembo. Elle a donné fièrement sa fille en mariage à son cousin.

Ma Mazono : Il est le fruit de l’amour de Hakoula et de Bitouala. Il fut élevé par sa mère seule dans la brousse. Farouche à cette catégorisation de la société dont ses amis étaient victimes,  il créa une cité où tous les hommes sont égaux. Il est le héros de la deuxième partie du roman.  Il est aussi celui par qui les deux clans se sont réconciliés.

STRUCTURE

Le roman est structuré en deux parties. La première est intitulée : « la rançon d’une alliance » Elle nous renseigne sur l’illustre mariage de Hakoula et son entrée triomphale à Kadi-Kadi ainsi que sa trahison. La seconde partie, quant à elle, intitulée « le rachat ou le pardon d’une erreur », retrace l’histoire de la fugue de Hakoula, la naissance de Ma Mazono, la création de la nouvelle cité et la réconciliation des parents de Ma Mazono ainsi que des deux clans divisés autrefois par une guerre causée par l’infidélité de Hakoula.

THEMES DEVELOPPES

L’amour : Cette thématique a été abordée dans plusieurs sens à travers ce roman. Ce sentiment est si puissant qu’il inonde le cœur de Bitouala; ce qui fait que malgré tout ce qu’on lui rapportait sur l’infidélité de sa femme, son amour pour Hakoula n’a jamais pris un coup. La rendre heureuse était au contraire sa préoccupation. L’amour rend aveugle à ce qu’il parait ! Mieux, malgré tout le mal que l’attitude de Hakoula a causé, malgré qu’il soit devenu chef par la suite, il n’a pas pu se remarier à une autre personne car son cœur ne battait que pour l’infidèle. Il en est de même  pour Hakoula qui s’est toujours permis d’espérer une réunion avec Bitouala. A leur rencontre dix huit ans après, Bitouala ne s’est pas fait prié pour pardonner Hakoula. Voyons donc comment l’amour pardonne  même le pire!

L’infidélité :« le crime de Bizenga est pire que les méfaits du soucier » (p46). L’infidélité de la femme fait partie des plus grands totems de la société africaine. Cela est d’autant plus normal quand on voit l’importance qu’on accorde au mariage en Afrique. C’est un événement sur lequel on fait beaucoup d’investissement. Beaucoup de soins et assez d’honneurs se donnent rendez-vous à cette occasion. Ces moments font ressortir la valeur que l’on accorde à la femme. L’infidélité qui s’ensuivra alors est une faute gravissime et déshonorante. A travers le roman, on constate qu’elle a causé de nombreux dégâts. Si le mariage de Hakoula et de Bitouala a renoué les liens existants entre les deux clans, l’infidélité de Hakoula les a divisés avec plusieurs autres conséquences désolantes.

Le mariage précoce : « ce fut là la réponse de M’Polo, qui de par son éducation, admettait et encourageait, et défendait même le mariage précoce de la jeune fille » Hakoula fut victime d’un mariage précoce. C’est seulement à l’âge de onze ans que ses parents l’envoyèrent en mariage. Aussi vertueuse et enviée qu’elle était pendant son enfance, elle est devenue la risée de toute la contré. Elle avait fais fi de l’éducation reçue, et s’est laissée emporter par ses désirs. Cela s’explique, parce que immature qu’elle était, elle ne mesurait pas l’importance du pacte qu’elle venait de signer avec Bitouala. Hakoula n’était pas mûre psychologiquement pour supporter le poids qui venait d’être posé sur sa tête.

La guerre : Quand les négociations, les médiations, n’aboutissent pas, la guerre apparaît comme l’ultime recours pour régler des problèmes. Par la guerre, Mi N’Tsembo a voulu venger le déshonneur que son clan a subi par Hakoula. Malheureusement les conséquences furent catastrophiques pour lui. C’est aussi par la guerre que Ma Mazono a vengé l’enlèvement de la femme de son ami et a par la même occasion imposé définitivement son idéologie. Si la guerre paraît une arme très efficace, ces terribles conséquences dramatiques font penser qu’il est toujours bénéfique de régler pacifiquement nos différends que de le faire  manu  militari.

La présence des forces surnaturelles : « après l’arrivée de Bidounga, se produisit l’inexplicable phénomène qui démontra, d’une manière plus éclatante, l’intention des esprits ». Dans toutes sociétés Africaine, certaines personnes possèdent des pouvoirs magiques et mystérieuses . Même l’auteur, compte tenu de son éblouissement lord du passage de Hakoula à la Madzia pouvait dire « crédule ou sceptique, nous lui décrirons intégralement ce qui nous a confié la Tradition » (p31). En effet, ces pouvoirs restent et demeurent le soubassement de nos religions endogènes, de nos rituels et traditions et constituent un témoignage vivant de nos aïeux, des mânes de nos ancêtres « c’est pourquoi une cité, un clan ne peut se concevoir sans N’ganga lequel dépends des dieux (…) » (p112). Ils sont transmis de génération en génération, et représentent une « suprématie fondé sur l’hérédité spirituelle et familiale » (p108). L’auteur a donc vénéré ces pouvoirs de Bidounga lors de la guerre interclanique, et aussi à l’occasion de la traversée de la rivière aux hippopotames par Hakoula….

L’esclavage : L’esclavage en Afrique est une vieille pratique. En Afrique traditionnelle, la société était catégorisée 😮 n distinguait les privilégiés que sont les maîtres et les esclaves. Mais avec l’évolution de la société, la promotion des droits de l’homme mettant en premier plan la liberté et l’égalité de tous, ce phénomène ne peut plus perdurer. « Si la richesse, morale ou matérielle, qui ne sait partager avec ses frères est une vile lâcheté, celle qui s’assied sur la pauvreté d’autrui pour s’enrichir est un grand crime » (p91).Très tôt l’on a vu le combat de Ma Mazono, le héros de l’histoire. Ce jeune homme s’était indigné contre l’esclavage dont ses amis étaient victimes. Il décida alors de créer une société, « loin des préjugés et de la méchanceté » où « l’esclave serait l’égal du maître ». Ce nouvel ordre s’est donc imposé dans toutes les cités mettant ainsi fin a l’esclavage.

COUP DE CŒUR

« si elle semble le faire croire à l’orgueil de l’homme trop égoïste , c’est qu’elle se sent très supérieure à lui, et, comme le Tout-Puissant qui  tolère les insolences de ses créatures, elle attend son heure pour prouver sa suprématie indiscutable. Par la complexité physiologique de tout son être, par la délicatesse biologique de sa nature, la femme est le jardin de la vie». (p.97-98 ).Ces mots si majestueusement employés, me vont tout droit au cœur ! L’auteur, de par la finesse de sa plume, exalte la femme et la place sur un piédestal de gloire. Elle est la main dirigeante de toutes sociétés, dira-t-on. La culture étant le centre de toutes sociétés, l’auteur ne laisse pas sa plume indifférente à celle-ci , qu’il magnifie par la tradition congolaise, la puissance des forces surnaturelles, les passages purement en langue africaine et les prénoms endogènes. En lisant ce roman j’avais le sourire aux lèvres car j’ai compris que l’amour pardonne tout, l’amour rachète et est d’ailleurs au dessus de tout. Malgré la fange, le déshonneur dans lequel Hakoula s’est embourbée, Bitouala lui a pardonné et l’a acceptée de nouveau allant contre la coutume qui  « veut que l’épouse infidèle paie son forfait de sa liberté ou de sa vie« ( p82).

Marie Christelle Grâce AKOMEDI

Née le 04 avril 2000 à Lougba (Bantè), Marie Christelle Grâce AKOMEDI a eu son CEP à l’EEP/Serou à Djougou en 2010 , son BEPC au Collège Catholique Jean-Paul 2 de Djougou et le BAC en 2017 au Complexe Scolaire La Grande Académie de Calavi. Actuellement elle est en 2eme année de Diplomatie et Relations Internationales à l’ENAM. A part la lecture, elle est passionnée de la mode