INTRODUCTION

Le pouvoir. Encore le pouvoir. Il y en a qui la recherchent juste pour voir. Mais vous me demanderez pour voir quoi ? Et comment ? C’est simple. A en croire tout ce qu’il engendre je, dirais qu’ils ne cherchent qu’à voir ce que cela fait de dominer les autres. Le pouvoir, c’est pour voir les autres souffrir, flipper, trembler. Avouons que c’est une chose excitante. Cependant, est-ce comme cela que le pouvoir devrait être perçu ? Je ne me permettrai pas de répondre au risque de porter atteinte aux règles de la philosophie. Les questions sont d’autant plus importantes. Les questions, il y en aura davantage si l’amour s’invite à la fête des damnés de la terre. Ça fait un duo de choc, dans un corps à corps au top du top. Ce sont les vicissitudes de la vie, dirait-on ; ou encore le marathon de la nuit des hommes, maitres du monde. C’est le tableau que peint, Laurent Sotchoedo dans Le monde des assoiffés, une œuvre dramaturgique épique et intéressante. Il y expose sans langue de bois et  à sa manière, les revers de l’amour et du pouvoir exercé pour voir les souffrances du peuple affamé, appauvri, sans franc ni secours. Suivons donc pour voir…

 

 

 

PRESENTATION DE L’OEUVRE

« Le monde des assoiffés » est une pièce de théâtre  écrite par Laurent Sotchoedo. Une tragédie de 132 pages subdivisée en 04 quatre actes. Elle est publiée aux éditions du Flamboyant en 2016. La maquette de l’œuvre et les éléments qui la composent se conjuguent  bien pour répondre à la question qui surgit dans l’esprit lorsqu’on prend connaissance du titre : Le monde des assoiffés. Les assoiffés certes, mais assoiffés de quoi ? Le trône royal pas très traditionnel mais cependant royal qui se voit sur la première de couverture en dit long.  Ce trône est supplanté d’une couronne royale comme accessoire. La quatrième de couverture pour sa part porte un bref aperçu sur le contenu du livre et la biographie de l’auteur.

BREF APPERCU DE L’ŒUVRE

Un dictateur est sur le point de trépasser. L’opposition ayant pour ténor le premier ministre de la cité, profite de son état de santé pour le faire partir. Mais il tient bon. Le premier ministre décide alors de sortir le grand jeu. Une union politiquement arrangée entre son fils, Octavio, et Floriane, fille du  Président. La fille résiste aux assauts d’Octavio pour conquérir son cœur déjà promis à Ange. Cependant, Octavio persévère. Il joue sa dernière carte en avouant à Floriane l’auteur du meurtre du père de Ange, le Président lui-même. D’intrigue en intrigue le jeune Octavio se retrouve meurtrier du Président malicieux qui prent le soin de le conduire droit dans les pièges du pouvoir, dans le monde des assoiffés.

Il faut reconnaitre que l’auteur fait preuve d’ingéniosité en mettant aussi suavement en relation l’amour et le pouvoir en relation dans son œuvre. « Le pouvoir est infernal » page 130 dixit le président. Octavio l’a appris à ses dépens maintenant qu’il s’est retrouvé dans le piège sans fin de ce mal infernal.

L’AMOUR DU POUVOIR

Le préfacier de cette œuvre a su le mettre en exergue. L’amour du pouvoir jalonne ces pages de la proue à la poupe. Un président dictateur constitue déjà un premier indice pour s’en convaincre. C’est une république imaginaire mais engluée dans le même mal qui mine certains pays d’Afrique. Tout commence avec un père de famille qui de manigances en manigances conserve le pouvoir pour sa progéniture. On n’en arrive là que si l’on a entretenu un amour malsain pour la domination. Ce qui engendre à coup sûr une addiction au pouvoir. A ce stade l’aspect immoral du pouvoir prend le dessus et tend à étouffer tout ce qu’il y peut avoir de bon dans l’exercice du pouvoir. Il ne sert qu’à voir le monde uniquement de son point de vue unique en se servant de « La manipulation, qui est l’arme offensive la plus efficace » (pref page 12). Octavio se voit recommander l’usage de cette dernière par son père, Premier ministre. Que ce soit le Premier ministre, Octavio ou le Général, tous sont atteints du syndrome « amour dupouvoir »  et en sont bien addictifs. Et même cet amour du pouvoir n’a pu être vaincu par le pouvoir de l’amour paternel. N’est-ce pas que le président n’a pu se réconcilier avec Floriane… ? L’on pourrait, mutatis mutandis,  pousser encore plus loin l’analyse pour faire remarquer jusqu’où le pouvoir peut déployer son arsenal de nuisance. Ici, à la table de ce repas littéraire, on pourrait convoquer toute la clique de dictateurs africains qui se plaisent dans les enlèvements politiques, se complaisent dans les meurtres de tous genres et la torture. C’est une addiction, ce qui justifie le titre de l’ouvrage.

LE POUVOIR DE L’AMOUR

Eh oui ! Ça n’a jamais changé. L’amour peut déplacer des montagnes aux sens figuré et défiguré du terme. Le sentiment le plus abordé du monde fait encore une démonstration de force dans Le monde des assoiffés à travers les personnages de Floriane et de Ange.  Malgré les contraintes, leur amour a su trouver la force nécessaire pour tirer son épingle du jeu. « Seul l’amour suffit » dira le poète. Il peut être utilisé pour les services du pouvoir. Mais le vrai triomphe toujours. Laurent Sotchoedo le montre une fois encore. Mais si l’amour liant deux êtres de sexe opposé dans l’optique de fonder une famille est vainqueur, il n’est pas faux de constater qu’ici, l’amour entre le père et la fille est une bombe étatique. Cet état de chose fait me poser des questions. Est-ce uniquement l’amour qui ne cohabite pas avec le pouvoir qui est fort ? Car il faut le constater, le Président aime bien sa fille. Cependant, son amour du pouvoir semble prendre le dessus sur le pouvoir de l’amour. « Tu ne mérites plus d’être ma fille. Je te renie. » Page 109. Cette phrase sonne le glas de la communion entre le père et la fille qui quitte désormais l’amour du Père pour l’amour de l’amant. On en conclut que, malgré sa force, l’amour du pouvoir ne fait pas bon ménage avec le pouvoir de l’amour. De toutes les façons, le pourvoir est au rendez-vous des deux côtés. Dans vos vies pour savoir lequel est plus fort, attendez pour voir…

 

 

PERSONNAGES A LA LOUPE

« Le monde des assoiffés« , pièce de théâtre de facture politique, met en scène des personnages évocateurs. L’on pourrait s’amuser à trouver dans l’un ou l’autre d’eux des ressemblances avec des personnages politiques dans la vie réelle. Mais là n’est pas le plus important. En ce qui nous concerne, nous voulons toucher du doigt à travers nos analyses ce qui fait la personnalité ou la particularité de chaque personnage évocateur. La scène sociopolitique de l’ouvrage se joue autour d’individus important de la classe politique à l’exemple du Président de la république qui se retrouve dos au mur, incapable de tromper le temps devenu maitre de son corps. Un parfait prototype du dictateur africain. On en a connus. Il ne me plait pas de faire un clin d’œil  au grand Robert Mugabe qui subit également les affres du temps, maitre de l’homme. Comme le dirait Expedit OLOGOUN « ça finit par finir ». Et comment ? Demandons aux dictateurs africains. La situation  semblait critique et préoccupante pour les pourfendeurs, les frondeurs du régime en place. Il a fallu tenter le tout pour le tout. D’où l’idéede l’union politique. Le Premier ministre, géniteur de cette idée tentera de la mettre en exécution. Il fallait unir Floriane, fille du dictateur à Octavio fils du Premier ministre. Entre temps le Général trouvera une manière pareille de rentrer dans l’alliance. On peut parier que ce schéma rappelle certainement dans certains pays, le commerce triangulaire politique Chef de l’Etat-. Premier Ministre-Ministre de l’Argent ou autre homme fort du régime. C’est le troc des intérêts. Le Patron prend la fille ou la femme de son ministre, le ministre s’arroge celle du Patron. Voilà un pacte de sens et de sexe qui l’emporte sur toutes les alliances politiques. Avouons que c’est ingénieux de solidifier les alliances par le lien du mariage.  Pas de risque de trahison, dirait-on. Mais alors, face au pouvoir de l’amour que ne peut l’amour du pouvoir ? Octavio l’apprendra de fort belle manière lorsque le duo de choc, Floriane et Ange, surpassera les vicissitudes et les aléas de ce monde pour vivre leur amour. C’est là un message fort qui doit faire comprendre que l’amour et le pouvoir ne font pas forcement  bon ménage. Première leçon pour le jeune Octavio. La deuxième, il la recevra des mains du président dictateur, à qui, lui, Octavio, a voulu apprendre à faire la grimace. «  Quelques soient leur grandeur, les oreilles ne dépassent jamais la tête ». Octavio s’est fait avoir comme la perle par le lion de Wolé Soyinka. « Non…tu étais bien averti : le pouvoir est infernal. Il méprise le cœur qui finit toujours par l’engloutir » page 130 Le président parlait en connaissance de cause. N’est-ce pas que lui, il maîtrise les rouages tortueux des assassinats politiques, des magouilles de tout genre… ?

 

 

Conclusion 

Comme on peut le constater, « Le monde des Assoiffés » est une peinture de quelques revers des pouvoirs sur le Continent noir. A différents égards, il secoue les instincts. Mais il n’a d’autre dessein que de raisonner les aspirations des jeunes au gouvernement. Nous avons parcouru l’ouvrage avec joie et plaisir, et nous nous sommes rendu compte qu’il nous parle, qu’il nous concerne, qu’il nous indexe même. Car de l’amour du pouvoir au pouvoir de l’amour, la cloison n’est pas très étanche, et à un moment où à un autre, ces deux démons rôdent autour de la citadelle intérieure qu’est notre conscience. Là, sont sollicitées notre volonté, notre intelligence et notre mémoire. A chacun de voir et de savoir à qui il veut s’identifier :  à Octavio? à Floriane? ou aux autres dinosaures? De toute façon, là où la manipulation, les coups bas et la corruption fleurissent, la vertu se sent menacée. La politique est cruelle, mais il faut bien des hommes pour la faire. La question ultime est : « Comment faire la politique et demeurer intègre et fidèle à ses valeurs et principes personnels? »

Adebayo Adjaho