Bonsoir chers amis. Aujourd’hui, j’ai envie de partager avec vous ce que m’a inspiré ma lecture de Numéro matricule, un roman de TOSSOU Okri Pascal. L’œuvre est parue aux Éditions Plumes Soleil à Cotonou. Ce qui frappe dans cette œuvre, c’est le nombre réduit de personnages. En effet, deux narrateurs dominent l’ouvrage. Kolé et Aicha, un couple assez atypique dont chacun des membres a un passé tumultueux, unique, pas très gai, qu’il essaie de ressusciter pour en exorciser la douleur. Ceci donne à l’ouvrage par endroit des traits autobiographiques et les souffrances que racontent les Kolé et Caro amènent le lecteur à penser que l’intrigue de Numéro matricule est cousue du fil de la pauvreté. En effet, l’œuvre nous plonge dans les tréfonds des sociétés Africaines. Issu d’une famille polygame, Kolé, le personnage phare de l’œuvre, a passé toute sa vie dans la débrouillardise. C’est ainsi qu’il a réussi à s’assurer une éducation formelle malgré son cursus scolaire riche en épreuves de toutes sortes. C’est d’ailleurs sur les bancs que, par une grâce divine, Kolé a fait la rencontre de la jeune Caro. Altruisme, tendresse, amour seront les traits caractéristiques de la relation qui unit désormais ces deux êtres. Caro, éprise de Kolé sera la bonne étoile qui, de sa lumière illuminera son existence pendant sa vie estudiantine. Oui, il faut le reconnaître, Kolé laissé à lui-même ne trouvera de sens à sa vie qu’après sa rencontre avec Caro. C’est cette dernière qui lui donna une identité « numéro matricule » d’où le titre de l’ouvrage. Et loin de sombrer dans l’alcoolisme en se chauffant le boyau, kolé trouvera le salut dans une idylle qui malheureusement sera de courte durée. Cette belle aventure n’aboutira pas cependant au mariage. Mais comme on le dit « un de perdu, dix de retrouvé». Kolé ira trouver bonne grâce dans le cœur de Aicha une fille de même condition à la seule différence qu’elle n’est pas instruite, qui aura la chance d’épouser le pauvre Kolé. Cette fois fut la bonne. Ils se marièrent. Dès lors Pascal Okri TOSSOU instaure un genre de dialogue entre les deux amants qui, couchés sur une natte, invoquent le passé. Il s’agit pour eux de remonter le cours du temps pour mieux se faire découvrir l’un à l’autre. Qui eût cru qu’un jour le misérable Kolé s’en sortirait ? Qui aurait eu la préscience de deviner que la pauvre Aicha trouverait grâce dans un cœur déjà amoché par les turpitudes de la vie, et que les deux ensembles auraient encore bon cœur ? « Tout me paraissait fade, dit Kolé, fermenté, bête, vide. J’ai eu parfois envie de m’en aller. Comme ça. De prendre la longue route,  sans même savoir où je me rendrais. Mais partir.  Partir très loin des miens. Partir. Toutefois,  dans le même temps,  je redoutais l’inconnu qui me tentait. » ( p. 22) Comme on le voit aisément dans le livre, manque d’amour paternel, exil, abandon, sont le lot de l’enfance de Kolé. Peut-être que les choses eussent pu être différentes si le père de Kolé n’avait été polygame.

Ce roman met en exergue les relents les plus sombres de la polygamie. Un fléau social qui emporte dans ses ravages tant de familles. Dans cet ouvrage c’est une pratique africaine on ne peut plus proéminente qui est touché du doigt par Pascal Okri TOSSOU. Gloutonnerie matrimoniale, ainsi pourrait-on désigner ce phénomène qui continue de faire ses preuves et de démontrer sa puissance de nuisance. Dans Numéro matricule,  le père de Kolé en est le parfait prototype. Qui a dit qu’un père polygame pouvait aimer tous ses enfants ? Kolé n’était pas très aimé de ses parents en occurrence son père. L’auteur invite ici à voir en face cette triste réalité. Bon nombre de familles sont polygames sans toutefois avoir les moyens nécessaires pour s’assurer le strict minimum. Avec Numéro matricule, Pascal Okri TOSSOU dissipe tout préjugé, tout jugement hâtif. La vie est pleine de surprise. Avec un peu de cran on peut soulever des montagnes. Avec l’amour on peut prétendre au même projet. Et le pardon ? Que peut-on en faire ? Kolé le découvrira avec son père. La fin est heureuse. Okri TOSSOU n’enferme pas la vie et l’avenir dans les ressentiments ni les rancœurs du passé. Le père et le fils qui se pardonnent, c’est toute éternité de souffrance et de séparation qui cède à réconciliation. J’ai aimé ce roman pour son originalité. Très peu de personnages, et pourtant l’on est tenu en haleine par les surprises et les suspenses dont regorge le livre. L’œuvre est aussi remarquable par la profondeur des pensées qui la meublent. Je vous invite à parcourir les pages de ce roman. Vous y retrouverez certainement votre Numéro matricule.

 Cyriaque ADJAHO