Sous l’orage, Seydou BADIAN

Sous l’orage, Seydou BADIAN

Bonjour chers amis, « Biscottes Littéraires » est ravie de vous savoir intéressés par ses productions. vos remarques et suggestions nous font beaucoup de bien et nous sommes heureux de vous savoir de plus en plus nôtres. Comme nous vous l’avons promis, chaque semaine, nous présenterons, dans la rubrique « Autour d’une œuvre » un livre. Vous avez remarqué que depuis quelques semaines, nous essayons de braquer nos projeteurs sur des œuvres au programme dans les lycées et collèges du Bénin. Cette semaine, nous irons à la découverte d’une oeuvre remarquable dont l’évocation du titre dit tout de l’ouvrage: Sous l’orage. N’ayez pas peur de l’orage. Tout est prévu pour votre sécurité. Les vents vous seront favorables. Bonne aventure à vous, en compagnie de Seydou BADIAN.

 

En guise d’introduction

A la suite de la colonisation, l’école étrangère a été introduite en Afrique. Les jeunes africains instruits sont entrés ainsi en contact avec la culture occidentale. Or les valeurs de cette culture s’opposent sur plusieurs plans à celles des civilisations africaines. De la rencontre des deux cultures est alors né un conflit, un choc culturel et civilisationnel qui n’a pas épargné la génération des anciens pour la plupart conservateurs et celle des jeunes influencés et attirés par l’Occident. C’est ce phénomène social que Seydou Badian présente à travers son ouvrage intitulé Sous l’orage, paru aux Editions Présence Africaine, Paris, 1936. L’édition que nous vous présentons ici, est celle de Présence Africaine, Paris 1972.

 

Bref aperçu de l’auteur

Né à Bamako le 10 avril 1928, Seydou Kouyaté Badian est de nationalité malienne. Il fit ses études primaires et secondaires dans sa ville natale, puis continua celles secondaires à Montpellier en France. Il devint officiellement en 2009 Seydou Badian Noumboïna (le nom d’un village de Macina.

Il est l’auteur, entre autres ouvrages, de Sous l’orage, Les dirigeants africains face au destin de leur peule, publié en 1964 ; Le sang des masques en 1976, Noces sacrées en 1977, La saison des pièges en 2007.

 

Autour du titre et un petit regard sur le paratexte

Au sens propre, l’orage signifie une perturbation atmosphérique par un grand vent suivi de pluie. Au sens figuré, l’orage est une tension ou un problème ou encore un conflit.

L’orage dans le titre nous donne une idée déjà de ce qui nous attend dans le livre.

Sur la première de couverture, la couleur rouge peut signifier les problèmes, les difficultés ou le conflit qu’on peut rencontrer dans le livre. On peut y voir aussi les dangers que constitue pour les traditions africaines, la rencontre avec l’Occident, à travers l’école. Le noir représente dans le continent africain le deuil de certaines pratiques qui n’ont plus droit de cité. Le jaune enfin peut être le soleil de renouveau pour l’humanité entière du fait des brassages culturels, car à y voir de près, ce n’est pas seulement l’Afrique qui gagne dans cette rencontre, mais aussi l’Europe.

 

Bref résumé du livre

Le père Benfa décide de donner en mariage sa fille, Kany à un riche commerçant Famagan, déjà marié. Cette décision crée une vive tension dans la famille, puisque le refus de Kany qui aime secrètement Samou divise la famille en deux partis: le parti des jeunes et celui des anciens. Le père Benfa lit de l’insubordination dans l’attitude de sa fille. Or Kany est soutenue par son jeune frère Birama. Et comme pour punir Kany et Birama de vouloir lui tenir tête, leur père, les renvoie au village chez l’oncle Djigui. Ici, ils découvrent certaines valeurs jusque-là inconnues d’eux. De son côté, le fiancé de Kany, celui qu’elle s’est choisi, Samou, ne se sent pas le courage d’abandonner son amour. Aidé de ses amis, il entend jouer toutes les cartes dont il dispose pour que triomphe leur amour. Si le père Benfa se montre intransigeant et hostile à tout dialgue, Maman Téné, la mère de Kany, est, quant à elle, partagée entre son mari et sa fille; mais ne peut l’exprimer. Sibiri, le grand frère, soutient le père Benfa, car pour lui, la femme doit respect et obéissance aux grands, surtout à la tradition. La lutte est farouche. Mais, à la fin, une porte de sortie s’ouvre grâce à la médiation du père Djigui, frère du père Benfa.

 

 

Etude de quelques personnages

Les personnages dans Sous l’orage, peuvent être classés en deux groupe. Il y a d’un côté, les « modernistes » ou « les hommes de la rupture« , ces jeunes qui sont allés à l’école étrangère et qui ne veulent pas que les vieux leur imposent des choix à faire. Ils veulent s’affirmer et se battent ainsi pour que chacun décide de sa destinée, et aussi pour un nouveau monde. De l’autre côté, les traditionalistes avec le père Benfa en tête de liste, défendent vivement la coutume, la sagesse ancestrale. Eux, ils parlent de continuité.

 

Le groupe des modernistes ou « les hommes de la rupture« ,

 

Kany : Héroïne du roman, c’est autour d’elle et de son projet de mariage avec Samou,que s’organise l’intrigue du livre. Ayant été à l’école, et beaucoup plus longtemps que le font habituellement les filles de son âge et de son temps, Kany rêve d’un destin moderne : une vie à l’occidentale. En effet, elle voulait poursuivre ses études afin d’avoir un bon métier et épouser celui qu’elle aime. C’est d’ailleurs ce désir qui l’oppose à son père. Elle n’accepte pas que son père lui impose un mari, de surcroit, un polygame. Bravant tout danger, elle a affronté son père.

 

Birama : « L’insolent de la famille » selon les mots de son grand-frère Sibiri. C’est un personnage caractéristique de sa génération. Il est le jeune frère de Kany et est plus proche de celle-ci par les circonstances puisqu’il est son compagnon d’exil au village. Ayant été à l’école, il représente les jeunes hommes en qui les anciens mettent à juste titre tout leur espoir. Mais l’école lui « a tourné la tête » et il ne se cache pas à s’opposer ouvertement aux décisions de son père et de tous ces anciens attachés à la tradition.

 

Samou : Jeune collégien, il est l’ami de Kany; son fiancé. Il manifeste pour elle à la fois tendresse et fermeté sachant la consoler et la rassurer lorsqu’elle faiblit. Il est très raisonnable et plein de bon sens. Il est un défenseur farouche de la modernité et un opposant de certaines valeurs traditionnelles.

 

Maman Téné : elle est partagée entre l’amour pour sa fille et le respect de son mari. Vivant dans une famille polygamique et sachant bien ce qui lui arrive, elle ne souhaite pas que sa fille aussi vive les mêmes tribulations qu’elle : « Oui, maman Téné avait été délaissée par le père Benfa dès que ce dernier avait épousé ses deux jeunes femmes. Il avait transporté ses affaires chez ses nouvelles épouses et était devenu étranger pour maman Téné. Elle ne plaisantait plus avec elle, ne se confiait plus à elle. » (Pp. 73-74)Mais n’ayant pas la voix au chapitre, elle subit. Entre la tradition et la modernité, elle est indécise. La seule choses qu’elle veut, c’est que la paix règne dans sa famille. Elle aime bien sa fille, et pour elle a cessé d’être l’autorité pour devenir l’amie, la confidente. L’auteur écrit: « Maman Téné avait les larmes aux yeux. Sa voix n’était plus celle de l’autorité, mais de l’amitié et de l’amour. On eût dit qu’elle comprenait Kany, qu’elle savait que ce mariage était une épreuve pour elle » (P.73)

 

Le père Djigui : « Sage parmi les sages » P.158), il est la pièce maîtresse du dénouement du différend qui oppose Kany et son père. Frère aîné du père Benfa, le père Djigui est resté au village. Moulu dans les pratiques ancestrales, il a pourtant convaincu son frère pour que ce dernier laisse le choix aux jeunes de s’exprimer.

Le groupe des traditionalistes

 

Le père Benfa : Il se considère comme le maître absolu, comme le conseiller suprême. Bon époux et bon père de famille, il assure la responsabilité matérielle de sa famille. Mais, il est un vrai défenseur de la tradition. Son fanatisme et son orgueil vont l’amener à se faire mal voir de Kany et Birama. Pour lui, la femme n’a pas le droit à la parole, mais doit obéir sans réfléchir à ce qu’on lui dit. On pourrait le définir comme étant un homme qui se bat pour que la tradition garde toujours ses jours de noblesse. Il est donc en un mot, un conservateur. Ses paroles sont sans appel : « – Que je ne vous voie plus ensemble, avait ordonné le père de Kany, tu auras le mari que je voudrai » (P.22)

 

Sibiri : Fils ainé du père Benfa et grand-frère de Kany et Birama entre autres, il est un vrai défenseur de la tradition. Le respect des ainés pour lui est sacré. Ayant été élevé dans la plus stricte tradition, il est l’héritier des coutumes défendues par son père. Il a une dent aiguisée contre l’école étrangère, qui selon lui, détruit les valeurs culturelles.

 

Maman Coumba : mère de Samou.  C’est une veuve. Elle souhaite que son fils épouse la fille de son oncle. La tradition existe pour être respectée, selon elle.

 

Famagan : riche commerçant, il est le prototype de la polygamie. C’est lui qui voudrait épouser Kany pour en faire sa énième femme. Il pense que son argent peut tout acheter, surtout l’amour de Kany.

 

Fadiga le muezzin : Opposant de la modernité, il n’entend pas faire bon accueil à l’école occidentale. Ce passage illustre à merveille sa position. Il « (…) disait à qui voulait l’entendre que l’école était l’ennemi de la famille… Le muezzin ajoutait que les filles qui fréquentent ce milieu cherchent à tout résoudre par d’elles-mêmes et que certaines vont jusqu’à vouloir se choisir leur mari ! Ma fille à moi ne verra jamais les portes de ce lieu », concluait le muezzin en crachant sa cola et en se tapant les cuisses ». (P.22)

 

Etude de quelques thèmes

 

Le mariage : Ce n’est pas seulement trouver deux personnes à mettre ensemble pour une vie commune qu’est le mariage. C’est un choix qui se fait. Dans la tradition, la femme n’a pas à décider de son mari. La famille s’en charge pour elle. Elle obéit. D’ailleurs, son rôle consiste seulement à procréer et non autre chose. Le mariage dans ce contexte relève de la libre initiative du père de famille qui n’a cure de la volonté des enfants et de leur mère, encore moins des sentiments de la fille. A cet effet, le dialogue entre Kany et sa mère est assez saisissant :

– Kany, ton père et tes frères se sont réunis. Ils ont décidé que tu épouseras Famagan. (…)

– Je n’aime pas Famagan, je n’aime pas Famagan, cria Kany au milieu des sanglots.

– Il n’est pas question d’aimer, fit Maman Téné. Tu dois obéir; tu ne t’appartiens pas et tu ne dois rien vouloir. C’est ton père qui est le maître et ton devoir est d’obéir. Les choses sont ainsi depuis toujours. (Pp. 71-72)

L’obéissance ici devrait conduire Kany à accepter d’épouser Famagan, un polygame. Elle aura ainsi le même statut que sa mère : épouse de polygame. La polygamie s’oppose au mariage entre un homme et une femme exclusivement. L’homme ici s’entoure d’autant de femmes qu’il désire, la tradition le lui permet. Chaque épouse se débrouille pour veiller sur ses enfants. Les coépouses se livrent à des querelles intestines. L’homme étend la puissance de son moi dominateur sur ses épouses. Dans ce cas, le mariage se réduit à une union pour la procréation. L’amour importe peu. La richesse du polygame et sa notoriété servent de paravent pour les épouses, et de motif d’orgueil pour le mâle qui se plastronne étalant ses femmes et enfants comme des trophées de guerre. Et le thème du mariage relance en même temps le statut de la femme qui n’est considérée que la chose qui obéit.

Si parler de mariage, c’est aussi évoquer « en principe » l’amour, Seydou BADIAN remet en cause les définitions plurielles qui se propagent à peu de sous sur l’amour.

 

L’amour: Certes, c’est au nom de son amour pour Samou que Kany refuse d’épouser Famagan. Elle est prête à tout pour défendre ce qui lui revient. Mais est-ce pour autant vrai que Famagan cherche l’amour en voulant épouser Kany, cette fille moderne en qui il découvre une beauté rarissime, une chair fraîche ? On sait que c’est par amour fraternel pour sa Kany que Birama refuse de se faire dominer par les exigences de la tradition. Mais est-ce vraiment par amour filial que le père Benfa se fait sourd aux cris de détresse de sa fille qu’il est décidé à envoyer dans les pattes du polygame repu et réputé qu’est Famagan? C’est certainement par amour pour la tradition que les anciens refusent de fléchir et de laisser ces jeunes les « regarder dans le visage » au point de les défier. On ne saurait douter des liens d’amour vrai et sincère entre Samou et Kany. Et c’est justement pour la cause de cette idylle que Samou a dû se battre. Mais Maman Tété, pourquoi n’est-elle pas partie de cher le père Benfa quand elle a découvert que ce dernier l’avait abandonnée, négligée? Par amour pour ses enfants, assurément. Mais alors, quelle est finalement la place de l’amour dans son mariage avec son mari? Pour l’amour des enfants, elle est donc prête à se sacrifier et à boire jusqu’à la lie la coupe de la soumission voire de l’humiliation. Pour elle, le vrai amour sera peut-être d’obéir. Ce qu’elle a toujours fait. C’est là le secret pour échapper aux orages qu’elle prévoyait dans le projet de mariage de sa fille. Mais, on ne peut le nier, « Le père Benfa aimait bien Kany. Il parlait de son savoir à tous les vieux du quartier. Il disait comment elle savait manier l’écriture du blanc et avec quelle facilité elle savait lire les lettres d’où elles vinssent. De temps en temps, il la faisait appeler devant la mosquée, et là, au milieu de ses compagnons, lui faisait lire et traduire tout ce qui lui passait par la main. Alors, d’un ton mystérieux, il disait : elle sait lire ce qui est écrit par la machine ». Et c’est là que surgit la question: quel est en fin de compte le vrai visage du Père BEnfa? S’il a accepté par amour que sa fille aille à l’école du Blanc au point d’en être fière, d’om vient-il alors qu’il en arrive à prendre en aversion cette même Kany?

 

Le conflit de générations: la tradition aux prises avec la modernité. La tradition! Voilà un thème qui occupe une place importante du livre, et qui rime avec traditionalisme et conservatisme. Les anciens ne veulent pas laisser les valeurs culturelles et traditionnelles disparaitre ainsi à cause de ces jeunes qui ne sont plus reconnaissants, et qui aspirent à d’autres univers et modes de vie. Le mariage forcé, le respect des ainés et d’autres valeurs traditionnelles sont défendus par ces « anciens » qui s’accrochent désespérément à ce qui leur reste de la vie. En face, la modernité incarnée par ces jeunes qui ont été à l’école. Ces derniers, à travers leur prise de position, se mettent opposition aux valeurs traditionnelles. C’est en cela Birama affirmait : « le monde change et nous devons vivre avec notre ». Chaque camp essaie alors de défendre ses intérêts. L’école a su mettre dans la tête de ces jeunes qu’il y a une autre manière de vivre, un monde scientifique.

Il est bonde remarquer que la nouvelle conception que Kany a du mariage, lui vient de l’école. C’est là qu’elle a appris que le mariage est un acte libre et responsable. Et en revendiquant ce droit de décider et de choisir par elle-même et pour elle-même, elle entendait vivre en conformité avec les idées qui la « font » désormais. Au même moment, le père Benfa ne se voit pas en train de bafouer la tradition en laissant sa fille faire ce qu’elle veut. Dans le même sens, les anciens ne sauraient accepter que leurs propres enfants, leurs héritiers, crachent sur l’héritage culturel et le diabolisent à tous points de vue. Elle est d’ailleurs claire cette maxime énoncée sur fond de reproche pleine d’ironie: « Le séjour dans l’eau ne transforme pas un tronc d’arbre en crocodile. » (P.56).

Le conflit de génération, conflit aussi culturel, tient au fait que les jeunes inscrits à l’école occidentale ont comme subi un lavage de cerveau qui ne leur fait voir leur culture que sous des aspects négatifs. Et quand ils sont en face de cette dernière, ils ne la perçoivent justement que sous le prisme parfois hautain de l’homme blanc. Et c’est avec beaucoup de joie que nous lisons cette confession de Samou qui, après avoir bu à la source occidentale, en est arrivé à la conclusion qu’il est vraiment un acculturé : « Notre drame, c’est d’avoir été l’enjeu d’une bataille, d’avoir pris le chemin le plus facile. Nous n’avons pas été élevés dans les valeurs de notre pays. On nous a éblouis et nous n’avons pas pu résister. Les Européens ont tout brisé en nous; oui toutes les valeurs qui auraient pu faire de nous les continuateurs de nos pères et les pionniers d’une Afrique qui sans se renier, s’assimilerait l’enseignement européen. L’école, avouons-le, nous a orientés vers le monde européen. Le résultat a été que nous avons voulu transporté l’Europe dans nos villages, dans nos familles. On e nous a rien dit sur notre monde, sinon qu’il est arriéré. » (P.156). L’école étrangère a comme semé du désordre dans les cultures africaines dont les tenants et les garants se disent prêts à tout pour sauvegarder leur patrimoine culturel. Le choc est violent entre ces deux mondes, c’est un drame que vivent les jeunes et les vieux, incapables de se comprendre mutuellement. Les premiers traitent les jeunes de déracinés, de perdus, ces derniers pensent que les anciens sont des arriérés, des gens non civilisés, totalement englués dans les ténèbres. Et quand a éclaté cet orage, il répand la complainte suivante: « Les vieux ont-ils tort d’accepter que leurs enfants, filles et garçons, aillent tous à l’école du Blanc? » Y répond ce dilemme de La grande Royale : « Je n’aime pas l’école étrangère. Je la déteste. Mon avis est qu’il faut y envoyer nos enfants cependant ». Et telle un prophète de malheur, elle conclut : «L’école où je pousse nos enfants tuera en eux ce qu’aujourd’hui nous aimons et conservons avec soin, à juste titre. Peut-être notre souvenir mourra-t-il en eux. Quand ils nous reviendrons de l’école, il y en est qui ne nous reconnaîtront pas. Ce que je propose c’est que nous acceptions de mourir en nos enfants et que les étrangers qui nous ont défaits prennent en eux toute la place que nous aurons laissée libre ».

 

Porté de l’œuvre

 

 Sous l’orage demeure encore un livre d’actualité. Il suffit simplement de voir les thèmes abordés pour s’en convaincre : la femme, le mariage, la tradition, la modernité, le conflit de génération, le conflit de civilisation…

Aujourd’hui encore, il y a des parents qui soumettent leurs enfants au mariage forcé. Aujourd’hui encore, au nom du respect de la tradition, nombre de femmes se soumettent et subissent de plein fouet les affres de la polygamie. Aujourd’hui encore, beaucoup d’intellectuels africains diabolisent leur propre culture et ne veulent rien avoir de comme avec les anciens qu’ils traitent de sorciers. La rupture et la continuité se combattent encore de nos jours, et les Birama et Kany des temps nouveaux essaient de secouer le joug oppressif des « père Benfa » qui n’entendent pas démordre, ni céder d’un seul pouce. En même temps, deux conceptions du rôle et de la place de la femme au sein de la société africaine en mutation s’affrontent, un choix entre deux types de société s’impose. Les traditionalistes n’entendent pas renoncer à leurs privilèges, à un type de société qui les avantage singulièrement. Pour eux, la femme constitue un signe de richesse, un bien matériel dont l’acquisition rehausse la stature sociale de l’homme. Au sein de la société traditionnelle, on ne lui reconnait que deux finalités : le service et la procréation.

La problématique du rôle et la place de la femme dans la société traverse d’autres romans africains tels que Doguicimi, Tante Bella, Le Mandat, Xala… Le traitement cruel dont la femme se trouve souvent être l’objet procède d’une relative déshumanisation de celle qu’on a appelée « le sexe faible« . L’écrivain s’insurge contre cet état de chose. Et plaide pour une émancipation éclairée et équilibrée de la femme. Et telle Ramatoulaye e dans Une si longue lettre de Mariama BA, Seydou BADIAN, à travers le personnage remarquable de Kany, pense que le moment est venu pour que le monde reconnaisse enfin en la femme, un être qui ne doit plus se taire, mais une pièce maîtresse indispensable pour la construction et la préservation de la société africaine. Et on le voit aujour’hui, se lèvent ça et là des femmes qui osent et défient la fatalité en se présentant aux élections présidentielles. On peut citer la Présidente du Libéria, Marie Elise GBEDO eu Bénin, et plein d’autres femmes qui ont occupé de hautes fonctions sur des échiquiers jadis considérés comme la chasse gardée des mâles.

En ce XXIè siècle où elles sont encore malheureusement nombreuses, ces femmes qui subissent encore le poids de la tradition, à qui on impose de mari ou on refuse la scolarité, il est temps pour que l’Afrique s’ouvre intensifie la lutte pour que la femme continue d’être plus visible et entreprenante dans les arènes politiques où sont votées et décidées les lois qui engagent l’avenir des nations.

 

En guise de cconclusion

Seydou BADIAN a laissé une œuvre remarquable et mémorable. Il a eu le mérite de sortir de révéler l’Afrique sous un autre angle différent de celui des luttes et des revendications où se sont affirmés plusieurs auteurs africains. En choisissant de parler de l’amour dans un contexte de mariage forcé et de conflit de générations, il a réussi à faire comprendre que la plus grande liberté à conquérir est celle culturelle et le pouvoir de pouvoir décider soi-même. Les conflits de générations, de cultures et de civilisations subsistent toujours et demeurent une impasse. Mais Olympe Bhêly-Quenum semble trouver la solution avec le personnage Jean Marc Tingo de son roman L’initié.

 

Kouassi Claude OBOE

 

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