Mon conte vole, vole et tombe dans un village, dans ce village un couple, dans ce couple, deux coépouses. Des deux coépouses, l’une est d’une beauté sublime, c’est Vignonivi, l’autre Dokponoussi, relativement laide. Mais contrairement à Vignonivi, Dokponoussi est une excellente cuisinière. Si tout le village se prosterne aux pieds de Vignonivi pour se mirer dans ses yeux et se recueillir à l’ombre de ses sourcils, Loboé, leur mari affectionne particulièrement Dokponoussi. Vignonivi excelle dans l’art de la séduction. Elle peut passer deux à trois heures à se faire belle, se tailler les ongles, se nettoyer le visage, se tresser, s’enduire le corps d’huile de palme, faire briller ses mollets, signaler sa présence à plus d’un kilomètre à la ronde grâce à ses parfums spéciaux. Sa peau est fine et lisse comme la paume d’un nouveau-né. Par contre, Dokponoussi ne consacre par beaucoup de temps à sa toilette. Elle est plutôt préoccupée par ses champs et ses casseroles, gagnant ainsi de plus en plus l’estime et l’attention de son mari. Sa cuisine aidant, bien qu’étant la deuxième épouse, elle est devenue celle que préfèrent les parents de Loboé. La cuisine de Vignonivi n’attire personne. Même ses enfants trouvent leurs délices dans les marmites de sa coépouse.
Ne pouvant supporter plus longtemps que ses propres enfants lui tournent le dos, Vignonivi élabore une stratégie pour se venger de sa coépouse. Elle passe par le plafond et atterrit dans la chambre de Dokponoussi quand cette dernière est aux champs avec ses enfants. Ainsi, après avoir mangé tout le contenu des marmites de sa coépouse, Vignonivi s’y met à l’aise, se torche avec ses pagnes et retourne digérer dans sa chambre. Le soir venu, Dokponoussi, constate les dégâts: repas dévoré, vaisselle éparpillée par terre, marmites remplies d’excréments particulièrement nauséabonds. Elle ne s’en plaint à personne. Elle renouvelle sa vaisselle et cuisine des mets plus appétissants que les précédents. A son retour, elle se retrouve face aux mêmes dégâts.
Dépassée par les événements, elle se rend chez Kpalata, le féticheur. Celui-ci lui remet une pâte, lui demandant d’en enduire le bord des marmites avant de les recouvrir. Il lui remet une autre poudre qu’elle doit répandre dans ses pagnes avant de se rendre aux champs.
Une fois chez elle, elle prépare son repas comme à l’ordinaire. Mais avant de se rendre aux champs le lendemain matin, elle applique la recette de Kpalata, puis couvre les marmites et se rend aux champs. En rentrant à la tombée de la nuit, elle constate la disparition de sa marmite de sauce, la plus grosse marmite dont elle dispose. Or c’est un crime dans le village de voler une marmite, cela est synonyme de meurtre car le voleur empêche le propriétaire de manger. Les dieux ne pardonnent pas un tel forfait.
Dokponoussi informe son mari de la disparition de sa marmite. L’affaire parvient au chef du village. Le crieur public passe l’information à tout le village. La police du chef se met à enquêter. Toutes les cases sont fouillées, mais en vain. Le chef consulte Kpalata. Celui-ci ordonne qu’on passe toutes les fesses en revue. Celles qui saigneront seront coupables. Grand remue-ménage dans le village. Les hommes et les enfants font ausculter chacun son postérieur. Résultat négatif. C’est le tour des femmes de montrer leur derrière. Toutes les femmes sont passées. La marmite n’est pas retrouvée. Le chef se rappelle n’avoir pas vu Vignonivi faire comme les autres. Sur la place du village, quelle agitation! De vieux polissons se moquent des fesses ridées des vieilles tandis que les jeunes filles font la moue en voyant que certains hommes ont un postérieur plus élégant que le leur. Des coépouses découvrent enfin ce qui se cache sous les pagnes de leurs rivales.
Le chef envoie sa recarde à Vignonivi. Elle envoie dire à ce dernier qu’elle vient à peine de se laver, et qu’elle sera là bientôt, le temps de terminer sa toilette. Plus d’une heure après, elle servit la même réponse au deuxième et aux troisièmes émissaires. Fâché, le chef demande à ses gardes de l’accompagner chez elle. Arrivés sur les lieux, ils la voient bien mise, pimpante comme une fée, la mine fraîche, le regard aguichant. Le chef en frémit, mais se rengorge. Il lui demande de se faire ausculter. Elle n’oppose aucune résistance. Un premier pagne est dénoué, puis un deuxième, puis un troisième. Après le quarantième pagne, apparaît un grand bandage tout taché de sang. Le bandage tombe, laissant voir une couche d’argile appliquée aux fesses de Vignonivi. Dans sa chambre, les débris de la marmite de sa coépouse. Elle avoue qu’après avoir mangé le contenu, elle a déféqué dans la marmite comme d’habitude. Mais cette fois-ci, la marmite s’est collée à ses fesses. Elle a réussi à se la faire briser par les soins du forgeron Avounvi qui ne l’a aidé qu’après avoir abusé d’elle. En se brisant, la marmite a emporté une partie de ses fesses.
La sentence prescrite par les dieux est appliquée. On lui coupe la tête et le reste du corps est jeté aux chiens du chef.
Depuis ce jour-là, plus aucune femme n’a osé importuner sa coépouse.
Destin Mahulolo
Je viens de lire ce conte que je penser conter à d’autres personnes car il est gorgé de leçons.
*je pense conter….
C’est édifiant… J’apprécie non seulement le conte, mais aussi l’auteur qui l’a su originariser. Il faut ces contes pour perpétuer l’esprit de l’Afrique et donner une directive à nos sœurs. Merci mon père. Que Dieu nous bénisse.
Ceci montre qu’il faut,en tant que femme,associer la cuisine à la beauté.Car la beauté à elle seule ne peut suffire pour garder un foyer.