L’amour a ses raisons que la religion ignore. La religion entre en guerre avec l’amour. Comment comprendre que la religion qui est amour s’oppose à l’amour ? Comment comprendre que le matérialisme prime sur l’amour ? Comment comprendre qu’une femme au foyer demeure amoureuse d’un autre Homme ? Telles demeurent les pensées et interrogations que suscite l’esprit du lecteur à la fermeture du roman ‘’ SOUPIRS DES AMOURS EDENTEES’’ de l’écrivain béninois ABDOUL-HAMED Tangah. Ce roman est l’histoire pathétique d’IYINDA ayant goutté à l’amer du doux de l’amour et vécu la cruauté et férocité des liens affectifs ; il est construit dans une succession globalement chronologique de chapitres de vies qui mêlent les réflexions du narrateur au pur récit, aux anecdotes.
Après avoir été victime de plusieurs déceptions amoureuses, IYINDA rencontra YEMI EWA qui le combla de ses attentes et devint sa femme. En effet, la première fut une déception car Latifatou reprochait et condamnait IYINDA de lui avoir voué un amour naïf et sans réserve : « tu m’indisposes parce que tu m’aimes de trop et trop bien ». IYINDA fut réduit à zéro par la douleur. Le temps lui fit subir ses affres quand un jour, il rencontra MARAKATOU. Cette relation flairant d’odeur agréable fut par la suite victime de protestations verbales ; celles des parents de MARAKATOU qui consignaient et refusaient que leur fille soit mariée à IYINDA, car il n’est pas musulman mais chrétien. Toutes les démarches de MARAKATOU pour convertir IYINDA furent vaines. Et quand MARAKATOU décida de renoncer à ses convictions religieuses pour celles d’Iyinda, la mort pris le dessus sur elle. Cette mort de sa bien-aimée le plongea, l’embourba et l’enlisa dans une spirale déchéance comme une danse macabre. Et ce fut le même cas avec TAÏBATOU sauf que celle-ci, condamnée à la stricte observance traditionnelle, surtout paternaliste subjuguée par l’éclat du matérialisme, malgré son amour pour IYINDA, a préféré se séparer d’IYINDA pour se mettre avec son ex ALIOU dans l’optique de bénéficier de la bénédiction parentale en évoquant toutes les raisons, qu’elle savait morbides, et qui portaient atteintes à leur accointance. Le temps guérit IYINDA par la suite en lui comblant de l’amour de YEMI.
La vie ne manque pas l’occasion pour nous suspendre pleinement. ABDOUL nous montre les contraintes auxquelles les vraies relations sont confrontées. Confirmant donc de par les parents de MARAKATOU et surtout de TAÏBATOU que dans ce siècle, l’amour seul ne suffit pas pour avoir la bénédiction parentale pour un hyménée. Mais le bord religieux est une quintessence pour les amoureux et pire l’argent. «Aimez si vous en avez l’occasion, à vos dépens. Le risque est parfois la véritable porte de sortie. Mais en plus de cela, assurez-vous d’avoir le nécessaire pour faire grandir cet amour. Autrement, il vous échappe et s’envole sans adieu. L’un sans l’autre est imparfait. Surtout l’amour orphelin de biens. Par contre, l’argent, de par sa force et son pouvoir, est capable d’attirer l’amour et de l’obliger à la soumission », Page 64.
Il ne sert à rien de le chanter, la religion en tant qu’amour et de ne pas l’être. Les efforts bienfaisants d’une religion ne prouvent rien pour sa vérité dans ce siècle. La raison cesse d’être pour le cœur, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière comme la connaissance cesse d’être un miroir mental de l’univers. Le cœur humain, sein et azur de l’amour pur, se laisse submerger pas les faits sociaux surtout par les observances parentales et religieuses. Qu’aimons-nous dans la religion si nous n’en connaissons ou reconnaissons pas qu’elle est amour ? Et que les relations sincères ne doivent pas se plier à ses observances ?
ABDOUL se cache derrière IYINDA pour dépeindre une société aveuglée à causes des vicieuses manœuvres et manigances de la religion ; il met en exergue cette réalité qui se dissimule au fond de notre société et qui, aujourd’hui, semble être un mal qui pulvérise tout sur son chemin surtout les relations. Usant des figures de style, l’auteur met à nu les maux qui minent la société africaine et contemporaine, et qui les enlisent dans la léthargie comme l’amour, la déception, l’obsession de l’argent et du matérialisme, l’hypocrisie, le mariage forcé, la religion et la dictature ou domination parentale. Ces thèmes se veulent incitateurs dans la mesure où ils attaquent indirectement ses parents obsédés par les règles et lois de la religion, et aussi qui imposent à leurs enfants un amour et qui aiment s’imposer dans les relations.
Malgré le registre soutenu, le style d’écriture est fluide, directe et exempt de toute grandiloquence. Le mérite de l’auteur est d’avoir rédigé une œuvre qui relate de long en large les réalités auxquelles est confrontée la société africaine. Un livre qui nous certifie que le but ultime de toutes les religions est que l’Homme atteigne l’élévation la plus haute sur terre ou dans le monde spirituel en passant par l’amour, et que si tout est amour, alors pourquoi la religion est un vecteur de désamour entre les êtres humains qui aspirent à l’élévation que l’on obtient que par amour ?
Corneille ANOUMON
Triste réalité… L’amour (religion) qui s’oppose à l’amour en mot propre…