Chers amis de Biscottes littéraires, bonjour.  C’est toujours un grand plaisir pour nous de vous savoir de plus en plus nombreux à nous suivre. Vous nous faites vivre et revivre à travers vos commentaires, suggestions et critiques. Nous vous en remercions infiniment. Cette semaine, votre blog fait un saut vers le Septentrion pour vous faire découvrir un grand talent, une belle figure de la littérature béninoise. Qu’il s’agisse de Modeste Gansou Wéwé ou que ce dernier célèbre son anniversaire de naissance en ce jour, il nous sera loisible de le suivre à travers cette interview que nous le remercions de nous avoir gracieusement accordée.

 

« Il est important que les auteurs béninois soient davantage mis en avant dans nos collèges et lycées. »

 

 

 

BL : Bonjour monsieur Modeste Gansou Wéwé. La joie est pour nos lecteurs de mieux vous découvrir à travers cette interview. Que dites-vous de vous-même en guise de présentation ?

MGW : Bonjour à tous vos lecteurs, le plaisir est plutôt mien. Alors en guise de Présentation que dire ?… Modeste GANSOU WEWE à l’Etat civil, Béninois, je suis enseignant de Français dans les Collèges et Lycées, je suis romancier et nouvelliste, diplômé de Sociologie-Anthropologie.

BL : Comment avez-vous découvert l’écriture ? Est-ce une contrainte de vos études ou une passion?

MGW : Ma rencontre avec l’écriture s’est faite avant tout au travers de la lecture. Plus jeune, dès mes années de collèges, j’arpentais toutes les bibliothèques de la ville de Parakou, à la recherche d’un livre à lire. Le temps aidant, j’ai fini par ressentir cette envie d’écrire d’abord en imitant les autres, puis avec le temps, développant mon propre style. Ecrire n’est donc pas une contrainte mais plutôt une passion, j’irai même jusqu’à dire que c’est un vital besoin. Par elle, je me sens vivre, je me sens moi.

BL : Vous êtes diplômé de Sociologie-Anthropologie. Comment mettez-vous toute cette science au service de l’écriture ?

MGW : En effet je suis diplômé de Sociologie-Anthropologie de l’Université d’Abomey Calavi. Et je l’avoue, je suis entré en faculté de Socio-anthropologie avec cette innocente et naïve conviction – peut-être à tort ou à raison – qu’ainsi, je pourrai mettre le savoir acquis au service de mes personnages qui n’en seront que plus réalistes. Et il est vrai que c’est un peu cela, car il n’y a pas de domaine où le sociologue ne s’investisse. Au-delà, cette science me permet d’avoir un regard différent sur les réalités de nos sociétés et donc sert ma plume.

BL : Vous avez remporté en 2010, le prix PLUMES DORÉES avec votre premier roman « LE MAL D’AIMER ». Parlez-nous un peu de cette œuvre.

MGW : Le roman « Le mal d’aimer » n’est pas à proprement parler, mon tout premier; avant, entre 2006 et 2009, j’avais déjà publié un roman, « Le revers du miroir », deux recueils de nouvelles « Amour à vau-l’eau » et « Les nouvelles valses du cœur », et un recueil de poésies « Les cœurs sans cible », dans une maison d’édition française. Au Bénin, pour en revenir à l’ouvrage « Le mal d’aimer », il s’agit d’un roman social, une chronique d’un mariage qui tourne au drame. Le monde de René Dègnon, le personnage principal, bascule quand à deux jours de son mariage, son Docteur et ami l’informe qu’il est séropositif. Cette histoire met en scène une intrigue amoureuse tissée de conspiration, de trahisons et de passion ; c’est une lutte constante entre le bien et le mal, l’amour et la haine, une perpétuelle quête au bout de laquelle l’amour et le bonheur ne sont jamais acquis. Mais au-delà, c’est aussi un roman de sensibilisation et un appel à la tolérance envers les personnes atteintes de ce mal.

BL : Sont-ce les faits observés dans la société qui vous ont inspiré un tel titre?

MGW : L’histoire de cette œuvre est inspirée de la marginalisation quotidienne que subissent les personnes séropositives. Quant au titre, il vient de ce désir, cette volonté de souligner un paradoxe qu’à mes yeux représente ce mal par un même thème : ce mal du siècle mais aussi ce noble sentiment que le mal régulièrement corrompt pour infecter les personnes : l’amour. Cet oxymoron « Le mal d’aimer » me paraissait alors assez expressive de cette dualité.

BL : Qu’est-ce que pour vous l’amour ? Quelle place occupe-t-il dans vos inspirations?

MGW : L’amour, est tout. Ce sentiment est essentiel dans mes écrits ; même si de plus en plus je m’évertue à ne pas écrire des histoires à l’eau de rose, il n’en demeure pas moins que c’est un sentiment qui a toute sa place dans mes écrits, et qui donc m’inspire énormément. Par amour, on est capable du pire, mais aussi du meilleur.

BL : Parlant d’inspiration, combien de temps prenez-vous pour écrire une page, un chapitre un paragraphe?

MGW : Vous savez, l’inspiration est un peu cette femme capricieuse qui sait faire languir son homme, et se faire désirer aussi. Alors certains jours, je peux remplir un paragraphe, une page ou un chapitre en une heure un jour ou une semaine. Parfois même la page blanche reste le travail de la journée. Tout dépend de mère inspiration.

BL : Sur votre premier roman, « Plumes dorées » vous a beaucoup apporté. Que pensez-vous de ce concours et de ses promoteurs?

MGW : Il faut dire que « Plumes Dorées » a été pour moi un exutoire, un tremplin, une occasion de me révéler et de révéler ma plume aux lecteurs béninois. Et c’est le lieu de remercier M. Koffi ATTEDE, Directeur des éditions Plurielles et initiateur de ce concours. Incontestablement, « Plumes Dorées » une aubaine pour nous jeunes auteurs. S’il n’avait pas existé, il aurait fallu le créer.

BL : Avez-vous aussi pensé vous mettre au pied des jeunes écrivains béninois en promouvant un concours? Ou le faites-vous déjà? Si oui, dites-nous-en plus.

MGW : Bien entendu, quand on a eu la chance de bénéficier d’une vitrine comme celle qu’offre « Plumes Dorées », on a forcément envie de faire preuve de la même générosité pour les jeunes auteurs qui attendent de se faire connaître. C’est ainsi que depuis 2014, avec un certain nombre de jeunes auteurs et amoureux de l’écriture, nous avons mis en place le Concours dénommé « Plumes Scolaires ». C’est un concours de nouvelle initié à l’intention des élèves et étudiants de notre pays. Les participants sont invités à proposer des textes dans le genre de la nouvelle, les vingt (20) meilleurs candidats suivent un atelier de renforcement de capacités, réécrivent ensuite leur texte avant de les renvoyer au comité du concours. Celui-ci sélectionne les dix (10) finalistes qui voient leurs textes édités et publiés par la maison d’édition Safari. Ils reçoivent également des prix lors d’une cérémonie officielle. Nous sommes actuellement à la troisième édition de ce concours.

BL : De quel meurtre avez-vous été témoin à la Pendjari dans votre deuxième roman MEURTRE À LA PENDJARI ? Plongez-nous dans les lignes de cette œuvre.

MGW : (Rire) Témoin ? Non ! Disons juste qu’après avoir visité ce parc fabuleux, j’ai ressenti ce besoin irrépressible de parler de ce lieu. Sans que ne je puis expliquer pourquoi, cette intrigue s’est tout naturellement imposée. L’œuvre est une incursion dans les arcanes politicienne et judicaire de notre pays. Un couple se rend dans la Pendjari pour leurs dix ans de mariage. La nuit de leur arrivée, la femme est retrouvée morte, calcinée. Tout et tous accusent le mari qui, à la demande de son beau-père, par ailleurs ministre au gouvernement, est écroué. Commence pour lui une descente aux enfers : tentative d’assassinat, coma et un jugement, en somme un palpitant polar qui réserve biens de surprises au lecteur jusqu’à la dernière page.

BL : Quel lien faites-vous entre l’engagement de l’écriture et la situation sociopolitique de notre pays?

MGW : Aujourd’hui la situation sociopolitique de notre pays est telle qu’un écrivain, quel qu’il soit, se doit de mettre sa plume au service du peuple. Cet engagement est un impératif, y déroger serait trahir l’impératif pour tout auteur aujourd’hui d’être au service des autres.

BL : Qui dit Modeste G.W dit quel courant de pensée?

MGW : A l’image de Maupassant qui s’inspire souvent de faits divers qui servent ses évocations, je me sers des faits de notre société, du vécu de nos populations, pour nourrir l’imaginaire de mes œuvres. Tant qu’à se revendiquer d’un courant de pensée littéraire, je dirais que je suis réaliste, ma plume à cette la volonté de rendre par les mots, la réalité. C’est d’ailleurs cet ancrage de la fiction dans le terreau réel que décèlent certains lecteurs qui compare ma plume à celle de Gorki…Même s’il est évident que j’ai encore à apprendre pour prétendre me mesurer à son talent.

BL : Pourquoi écrivez-vous? Quel rôle vous assignez-vous dans notre société où la vérité et le mensonge portent le même manteau ?

MGW : C’est vrai que notre société, aujourd’hui, est confrontée à cette triste réalité qui fait qu’on a du mal à distinguer le vrai du faux. A ce propos, écrire pour moi, c’est permettre au lecteur de toucher cette vérité qui lui échappe. Stendhal ne dit-il pas que le roman est un miroir que l’on prenne le long de la rue ?

BL : L’idée vous est-elle déjà venue d’abandonner la plume? Si oui pourquoi?

MGW : L’écriture est une partie intégrante de ma personne, l’idée ne me viendrait jamais de l’abandonner.

BL : La littérature béninoise est-elle, selon vous, suffisamment enseignée dans nos collèges et universités?

MGW : Pas assez ! Nous avons certes quelques auteurs au programme dans les différentes classes, mais au-delà il faut que les différents Professeurs de français surtout, fassent leurs, les différents ouvrages d’auteurs béninois afin de les enseigner ou tout au moins d’en étudier des extraits. Il est important que les auteurs béninois soient davantage mis en avant dans nos collèges et lycées.

BL : Vos impressions sur Le LIVRE au Bénin.

MGW : Au Bénin le livre est entrain de retrouver toute sa place. Grâce à l’effort de personnes qui croient encore au devenir du livre au Bénin. De jeunes auteurs pleins de talents naissent ; dans les différents établissements scolaires, et contrairement à ce qu’on a l’habitude d’entendre, des jeunes lisent, énormément ! Le livre est devenu un indispensable. Il suffit d’un accompagnement adéquat pour que fleurissent encore plus d’événements littéraires, des salons du livre. En tout cas nous y travaillons tous !

BL : Vos projets en cours pour la valorisation de vos œuvres et celles littéraires?

MGW : En ce moment même je travaille avec l’Association Culturelle et Littéraire Safari dont je suis membre, la finale de la troisième édition du concours « Plumes Scolaires ». Pour ce qui est des projets personnels, mon troisième roman est en cours d’écriture ; j’espère qu’il paraîtra bientôt aux Editions Plurielles.

BL : Un mot aux non amoureux du livre.

MGW : Lisez ! Il n’y a pas plus beau voyage qui soit…

BL : Mot de la fin

MGW : Le livre connait aujourd’hui une dynamique mondiale telle que nul ne peut, et ne doit prendre le risque d’exclure le livre de sa vie. Alors lisons !

 

  1. Merci à Modeste GANSOU WEWE pour cette belle interview. Nous pouvons être fiers de ce qui se fait ici, dans notre pays. Cette jeunesse qui s’éveille étonnera. J’en ai la ferme conviction. Merci une fois encore à Modeste GANSOU WEWE pour son optimisme et sa clairvoyance.