Cette-année là, lorsque je vins dans ce collège, j’étais à mille lieues d’imaginer ou de deviner ce que la vie me réservait. À 22 ans, titulaire d’une Licence, tout ce qui me restait, se résumait en cette petite nécessité : trouver un petit boulot pour canaliser mes frasques de jeune branché…

Pour ma première année d’enseignement, l’on me confia une classe d’examen. Une vraie responsabilité pour un « petit monsieur » comme moi. Je me rappelle même ce fameux premier jour de classe où il fallait prendre contact avec les élèves. Oh ces élèves! Ils étaient là, petits mais grands plus que jamais. Mes 1,70 de taille n’avaient nullement émoustillé leur volonté de courir, de jacasser et de rire à gorge déployée. Comment  pouvait-il en être autrement ?  Je passais quasiment inaperçu dans ce marché… Je contenais ma peur et mon stress. Après avoir déposé mon sac à dos sur le bureau, je tentai d’oser une salutation à mes futurs apprenants mais ma voix s’étouffa nette.

Elle était là, silencieuse et concentrée sur « Les fantômes du Brésil » de Florent Couao-Zotti mais elle m’avait remarqué.

 

ELLE

 

Lorsqu’il entra dans la salle, je le remarquai automatiquement parmi mes camarades garçons qui faisaient leurs allers-retours. Dans son pantalon blue-jeans et son Lacoste rouge, il m’était cependant apparu comme le plus mignon des garçons de la classe et je regrettais déjà de ne le voir en kaki. Et pour ne pas trop m’attarder et m’attacher à ce charme que lui conférait son habillement, je me replongeai dans mon livre… Ce n’est que lorsque le son de sa voix retentit dans la salle que je me dressai et assistai comme tous mes camarades surpris que ce n’était rien d’autre que notre professeur de français de cette année. Un léger sentiment de déception me parcourut. Au fur à mesure qu’il parlait, sa voix de journaliste et ses termes familiers semblables à ceux d’un animateur d’une émission Hip-Hop, me fascinaientt d’autant plus qu’il me lançait des regards furtifs et vint se tenir devant ma table…

 

MOI

Je tentai de garder mon calme; de maîtriser deux sentiments qui s’entrechoquaient en moi. Stress et désir. Conscience professionnelle oblige. Je dirigeai mon regard vers d’autres élèves; cherchant du soutien dans leurs yeux. Mais je ne puis dire exactement ce qui me guidait vers sa table. Je balbutiais pratiquement quand j’étais devant elle. Elle avait croisé les bras sur sa ferme poitrine qui laissait entrevoir un beau petit monde de mangues. Sa coiffure « devant-lourd » scintillait pratiquement sous l’effet du gel qui s’y était mélangé. Elle me regardait. Je pris l’air le plus sérieux que je pouvais afin de montrer mon indifférence. Mais pouvais-je tenir longtemps? De nature simple et taquin, il m’était souvent difficile de rester sérieux pendant un long moment…

– Chaud monsieuuuuuur!

Je me retournai et constatai qu’un de mes élèves était un amuseur comme moi. Derrière et totalement au fond de la classe, le col relevé, le bas du pantalon retroussé: GILDAS et sa bande suivaient à leur manière ma présentation. Je fis un petit sourire à leur endroit car je venais de trouver une bouée de sauvetage. Il fallait que je continue sur cette lancée et ne plus trop m’attarder sur elle.

 

ELLE

Il transpirait mais avait commencé par montrer une autre facette de sa personnalité. Depuis l’intervention que je trouve déplacée, de GILDAS, Il avait changé. Il multipliait les vannes et sa manière de parler devenait plus familière. La classe s’animait et il semblait aimer cela. Le comble survint quand ma copine de table, GLORIA, me lança : « Ce monsieur est bon, inh! ». Je faillis lui asséner une gifle. Comment pouvait-elle dire cela? Je ne comprenais pas d’où venait cette colère subite qui me ravageait les entrailles. Je tirai mon livre et baissa la tête, m’efforçant de devenir sourde aux questions stupides que posaient mes camarades à ce beau monsieur.

– Quel âge avez-vous? Questionna RENAUD, un de mes camarades.

Toute la classe se tut juste pour entendre la réponse, mais il esquiva. La classe le supplia avec des cris. Je voulais aussi savoir.

– J’aurais 23 ans en Avril prochain.

Les « Hummm » qui fusaient de toute part témoignaient de l’étonnement de toute la classe. Il avait 23 ans, ce jeune homme qui mettait déjà le programme de l’année au tableau ! Il avait 23 ans, ce petit monsieur qui enseignait déjà le Français en classe Terminale ! Il avait 23 ans, ce gars qui troublait mon être de 18 ans ! Il avait 23 ans et osait déjà nous ordonner de nous présenter à tour de rôle…

 

MOI

Avant la fin du cours, je demandai à chaque élève de se présenter. C’était ma stratégie pour connaitre son nom. Les présentations se succédèrent sans grand impact sur moi. On allait sonner et je ne connaissais pas son nom. Enfin son tour vint: MIE MIREILLE…

Alors cette petite métisse s’appelait MIREILLE. Soudain ce prénom devint musique douce à mes oreilles.

 

 

 

Le temps passait. Lorsque je rentrai dans le petit studio dans lequel je vivais, je ne pus m’empêcher de penser à cette fille. Elle me hantait carrément. J’essayais de me distraire avec les lots de copies qui pesaient déjà sur mon guéridon. Ma vie de professeur vacataire courant dans tous les sens pour trouver sa pitance ne m’empêchait pas de penser à elle…Mieux, elle m’épatait par son travail qui lui valut la deuxième place à la fin du semestre.

 

ELLE

Plus de trois mois déjà qu’il est entré dans ma vie d’élève. Nos relations devenaient de plus en plus amicales. Il avait l’art d’écouter les petits soucis de mes camarades. Il conseillait, guidait et aidait tout le monde dans la classe. En tant que responsable de classe, j’étais amenée chaque fois à le côtoyer… Il est vrai que cela me gênait un peu quand mes copines tournoyaient autour de lui; lui offrant des cadeaux. Mais j’étais apparemment sa préférée, car il me désigna pour lui acheter à manger chaque jour. Des fois, je lui offrais son manger en signe de gratitude…

Mais un jour une vive dispute a eu lieu entre nous…

 

MOI

Un matin, alors que je dégustais tranquillement mon plat de « Atassi » dans la salle des professeurs, débarqua ANTONIO, un de mes élèves, souhaitant s’entretenir avec moi. Je lui demandai de m’attendre dehors le temps que je finisse ce fabuleux repas; ce qu’il fit.  MIREILLE m’avait servi ce plat après m’avoir averti que certaines de ses copines lui avaient arraché le cahier de texte afin de prendre mon numéro de téléphone. Je lui fis comprendre que cela ne me gênait guère. Mais apparemment ma réponse lui déplut puisqu’elle s’en alla sans plus rien dire avec une mine bizarre. Lorsque je rejoignis ANTONIO, il m’expliqua avec toute la gêne possible, qu’il avait du mal à se concentrer sur les cours parce qu’il était amoureux. Cette déclaration m’arracha un rire mais je tentai de le conseiller. En tant qu’enseignant, le résultat de fin d’année m’intéressait par dessus tout…

 

ELLE

Il était devenu bizarre et distant. En classe, les blagues qui nous faisaient rire avaient cessé et les cours devinrent de plus en plus fades. Il devenait furieux à chaque pagaille ou s’en fichait pas mal. Il ne circulait même plus dans les allées mais demeurait toujours concentré et préoccupé à faire son cours… Toute la classe avait remarqué le changement de comportement et m’interpella; en tant que responsable de classe, je m’approchai de lui afin de savoir ce qui n’allait pas, mais sa réponse fut d’une froideur sans pareille. Je me retournai toute honteuse, vu que devant moi, il commanda son repas à une autre élève. En classe, les ragots couraient sur toutes les filles qui s’étaient vus rabrouer après tentatives de drague sur son Whatsapp. Les garçons s’y donnaient à cœur joie. Ils finirent par décider une médiation avec GILDAS à la tête…

 

MOI

J’avais tenté de faire le vide dans ma tête. Résolu à finir l’année scolaire en beauté et demander une affectation à la rentrée prochaine; je déclinai toutes les invitations à festoyer ce fameux jour du 26 Avril 2018. C’était en effet, la semaine culturelle qui se déroulait au collège. En tant que professeur principal de cette classe de Terminale, je me devais de soutenir mes élèves et de festoyer avec eux. Mais je ne voulais pas sortir; je ne voulais pas la voir. J’avais décidé de ne pas la rencontrer; ni la sentir; ni lire les nombreux messages de mes élèves qui m’attendaient sûrement. Calé dans mon sofa, je m’ennuyais devant la télé quand j’entendis taper à la porte. Il sonnait 12h quand déboulèrent dans mon salon GILDAS, CURIN, RENAUD, CHRISTIANE et ELLA. Ma surprise était grande. Je les fis asseoir et leur proposai de l’eau.

 

GILDAS

« Monsieur, nous sommes venus vous faire sortir de votre tanière. », avais-je lancé. Il était dans un débardeur noir montrant sa musculature fort impressionnante. Devant lui, l’écran de sa télévision affichait des clips d’artistes étrangers. De toute façon, sa chambre était bien rangée et superbement aménagée…

Tout en souriant, il refusa mon invitation.

 

ELLE

Je lui demandai ce qui n’allait pas et je m’excusai des messages que je lui avais envoyés. Mais il me rassura et ironisa en ces termes: » peut- être dans les mois à venir je pourrais revoir ton dossier. » Cela fit rire tout le monde. Chez lui, il était à l’aise et la conversation était plaisante. Jusqu’à ce que RENAUD…

 

RENAUD

Au fond presque toute la classe avait remarqué cela mais personne n’eut le courage de le dire. Et je n’étais pas du genre discret et cachotier alors je profitai des rires pour lancer mon pavé dans la marre.

– Vous pensez quoi de MIREILLE ?

Un silence brusque plana sur nos têtes…

 

CHRISTIANE

Monsieur était troublé. Il nous regarda à tour de rôle avec un léger sourire. « On est vos petits frères mais on n’est pas dupes. Vous ne craignez rien parce que vous n’avez jamais été mauvais pour nous sauf quand vous corrigez les copies! »; lui dis-je. Cela détendit un peu l’atmosphère. Tout le monde voulait l’entendre…

 

MOI

Je me sentais pris au piège devant mes propres élèves. Il fallait que je m’ouvre à eux. Mais je finis par leur dire que ceci ne pourra durer car j’ai demandé à ne pas renouveler mon contrat l’année prochaine… Et je finis par avouer qu’ANTONIO me détesterait si je lui ravissais sa petite amie.

 

ELLE

J’attendais au portail de la maison de mon professeur. J’avais peur de le voir mais DARIO me força à rentrer car nos amis nous attendaient à l’école pour la fête. J’étais devant sa porte avec DARIO quand j’entendis sa voix clamer l’amour d’ANTONIO. Je rentrai en trombe à la surprise de tous et criai: » Jamais ANTONIO ne m’a draguée; il a essayé mais je lui ai dit non! C’est vous que… ». Je me ressaisis.

 

GILDAS

Je sentais que des choses intimes allaient sortir. MIREILLE, la métisse rougit encore plus. Il fallait qu’on dégage. J’invitai alors tout le monde à sortir afin de laisser les deux amoureux seuls…

 

 

IDEAL FUGG

 

 

 

De son vrai nom DOSSOU-YOVO Grâce-Charly, IDEAL FUGG est titulaire d’une Licence ès-Lettres. Passionné d’écriture et de musique, avec son frère jumeau, il a crée TWINS CORPORATE, une structure « d’influenceur-web » chargée de la promotion culturelle et de la critique d’œuvres musicales (surtout le hip-hop). Le jeune littéraire et son frère ont pris d’assaut FACEBOOK afin de faire bouger le showbizz béninois. Pilote du projet WEEK-HITS, IDEAL FUGG fait son bonhomme de chemin dans l’écriture de scénarii pour le cinéma.

 

  1. Je suis sur le gril ! J’en demande encore. Je ne veux pas porter ce fardeau lourd d’imaginer la suite ! Idéal Fugg ! Belle plume. Je suis séduit…

    • Hééé, frère des Montagnes. Salut. Merci de rendre livresques les saveurs idéales de Fugg

  2. J’ai fort kiffé le récit, l’initiative et tout en général. Force à l’auteur et que Dieu l’accompagne vivement dans ses entreprises.💪💪💪

  3. Enfin, mon cher se décide à se faire lire. Il était bien temps. Belle plume. Réaliste et poignante.
    Merci Biscottes litteraires poir l’avoir décidé.
    C’est une pépitte d’or ce cher Ideal Fugg

    • Mimosette Kodjo, relax. ce n’est que le début d’une grande aventure

  4. Enfin, mon cher se décide à se faire lire. Il était bien temps. Belle plume. Réaliste et poignante.
    Merci Biscottes litteraires pour l’avoir décider.
    C’est une pépitte d’or ce cher Ideal Fugg

  5. j peux te signé hien.v1 inbox😂😂..tro sucré ta plume.j sui deja accro. k vienne la 2e dose .force a toi

  6. J’espère que la suite nous donnera la même envie. Je suis alors impatient pour la suite