BL:  Bonjour Harmonie BYLL CATARYA. Veuillez vous présenter à nos lecteurs.

HBC: Harmonie Dodé BYLL CATARYA, auditeur-comptable de formation et auteure-slameuse par passion.

BL: Qui dit Harmonie dit Slam et qui dit Slam dit écriture. Comment avez vous commencez avec cet art?

HBC: J’ai commencé avec le slam en 2013 suite à une invitation d’une condiscipible sur une scène à Porto-Novo. Tout est parti de là. Ensuite, il y a eu le concours Bénin Slam où j’ai été championne et qui véritablement a stimulé ma persévérance dans ce milieu à cause des préjugés machistes autour. Toutefois, mon rapport avec l’écriture a débuté depuis la classe de sixième après avoir découvert un poème de Senghor.

BL:  Pour vous, jusqu’à quel seuil peut-on considérer le slam comme de la poésie?

HBC: Rires. Il n’y a pas de seuil. En audit, on parlera de seuil de signification mais en slam, à mon humble avis, il n’y en a pas. Il faudrait d’abord commencer par savoir ce qu’est la poésie et voir si le slam est ou n’est pas poésie. Comme j’aime à le dire, la poésie, c’est dire de façon extraordinaire ce que l’ordinaire veut dire. Le slam, toujours en mes propres mots, c’est la poésie du peuple par le peuple et pour le peuple. D’aucuns parleront de la poésie comme un art d’élus, je respecte. Mais le slam reste aussi une poésie, une poésie libre, accessible, qui claque, qui n’a pas d’élus. C’est vrai que la liberté que prône le slam le fait fourre-tout et que tous les textes slam ne revêtent pas un caractère poétique. Mais ici, il n’y a pas de règles si ce n’est celles que se fixe le slameur lui-même pour faire voix et prendre vraiment vie.

BL: Doit en déduire que slamer, c’est s’alarmer?

HBC: Slamer, s’alarmer? Pas entièrement. Slamer, c’est s’alarmer peut-être, mais c’est beaucoup plus l’expression de soi pour tous, des choses habituelles, dans un langage inhabituel.

BL: Le slam n’est-il pas en définitive, surtout pour nos peuples noirs, une vengeance de la jeunesse sur la tradition qui ne donne souvent la parole qu’aux grandes personnes?

HBC: Une vengeance, non! Plutôt, je le perçois comme un moyen de sauvegarde de nos traditions, un retour dans le passé pour faire vibrer le présent et mieux préparer le futur.

BL: Et là, le slam est par nature subversion, n’est-ce pas?

HBC: Absolument!

BL: Se trompe-t-il qui dit que le slam est un art urbaine?

HBC: Pas du tout! Le slam est bel et bien un art urbain! D’ailleurs, beaucoup le définissent comme une poésie urbaine.

BL: Vous êtes scientifique de formation. Vous confirmez une fois encore que les scientifiques sont de bons littéraires. A part le Slam, que faites vous d’autre?

HBC: A part le slam, j’enseigne dans des universités privées du Bénin, la méthodologie de recherche, la finance d’entreprise et la fiscalité.

BL: En dehors du slam, par quels autres genres littéraires pensez-vous  vous exprimer?

HBC: La nouvelle, le théâtre et mieux, le slam théâtralisé, un concept sur lequel je travaille depuis trois ans maintenant.

BL: « Art-mots-nids, coup d’éclats », c’est votre premier ouvrage regroupant vos textes slam. Non seulement vous dites vos textes mais vous êtes également dans le souci de laisser des écrits à la postérité. Pour vous l’oralité devrait elle nécessairement s’accompagner de l’écriture?

HBC: Avant « Art-Mots-Nid, coup d’éclats« , il y a eu un essai que j’ai co-écrit en 2012 et qui traite de la méthodologie de rédaction des documents scientifiques. « Art-Mots-Nid, Coup d’éclats » est donc mon deuxième ouvrage. Moi, j’écris toujours avant de dire. Je pense que l’exercice de l’oralité devrait prendre par celle de l’écriture pour peser et penser chaque mot avant de le placer dans le vers qu’il faut et l’acheminer vers la voix pour lui donner vie.

BL: Vous êtes actuellement sur un projet de débat poétique, le LDP. En quoi consiste ce débat ? Selon quels critères sélectionnez-vous les débatteurs ?

HBC: Le LDP est un projet trimestriel qui consiste à réunir de jeunes talents passionnés par l’art oratoire et plus précisément le slam autour de débats. Les débats sont axés sur une thématique de développement et se font en slam. Les critères de sélection:

-Etre jeune passionné de l’écriture et de l’art oratoire

-Avoir le sens du travail en groupe

BL: Tel que le slam se déploie, comment pouvez-vous le démarquer de l’incantation? Ou bien, c’est une incantation proférée avec des mots français?

HBC: Rires. Beaucoup me disent souvent que je diffère de l’habituel sur scène comme si j’étais une autre Harmonie. Incantation, peut-être, mais je préfère vos derniers termes: incantation proférée avec des mots, qu’importe la langue. Incantation qui fait de nous, des dé-Mots.

BL: « Chaque sujet est un bras de vers où seul le mot est vainqueur. » Prônez-vous là un conflit uniquement centré sur les mots, les idées?

HBC: Oui, conflit d’idées pour parvenir à une avancée partagée.

BL: Si le message est bien passé, vous voulez mettre à travers le LDP le slam au coeur des thématiques qui sont d’actualité. Après le débat que ferez-vous pour que les solutions issues de ces bras de vers soient mises en application? Y aura-t-il un suivi?

HBC: La mise en oeuvre des solutions dépend de chaque individu. Les débats poétiques jettent les vers pour un changement de comportement, de mentalité citoyenne. Le suivi n’est donc que collectif. Ce n’est que de la multiplicité de nos représentations qu’on pourrait en analyser l’impact

BL: Au regard de la culture béninoise pensez vous que le Slam d’ici cinq ans aura pris une place immense dans notre culture à l’instar des pays voisins tel le Burkina Faso? S

HBC: Sourire. C’est un vœu qui commence déjà à prendre vie.

BL: Quelles sont vos perspectives d’avenir pour le LDP ? Prévoyez-vous une tournée sur le plan national?

HBC: Ah oui, tournée sur le plan national et international. Parvenir à faire du LDP, le poumon de la voix des jeunes au Bénin et en Afrique.

BL: Quels sont actuellement vos besoins pour l’atteinte des objectifs de ce projet?

HBC: Besoins: équipements pour nos représentations, bus servant de transport aux débatteurs dans les autres villes, espaces de représentations dans les autres villes du Bénin, accompagnement des autorités, des organismes de développement pour le choix des thèmes et nos ressources

BL: Les jeunes débatteurs que vous formez sont la génération montante du slam béninois. Qu’attendez-vous d’eux concrètement? Votre projet prévoit- il de les suivre dans leur future carrière de Slameur?

HBC: J’attends de ces débatteurs qu’ils se dépassent eux-mêmes et soient fiers de leurs exploits. Oh oui, bien sûr, outre ce statut de débatteur, nous avons tout un plan pour les aider dans leur carrière qui d’ailleurs, se construit peu à peu. A ne pas confondre: les débatteurs ne nous appartiennent pas, ils sont libres de se produire sur autre évènement. Nous, ne servons que de conseillers par expérience.

BL: Quels sont vos autres projets ?

HBC: Je préfère les taire pour le moment. Harmonie Slam Label,c’est toute une industrie: le LDP n’en est qu’un maillon.

BL: Un appel à lancer?

HBC: A ceux qui croient en nous: ne vous lassez point. Nous travaillons toujours pour que de nous, vous soyez fiers!

A ceux qui hésitent à nous soutenir: continuez de nous suivre quand même mais hâtez-vous de prendre la bonne décision au bon moment !

A tous mes collaborateurs: continuons de travailler car nous sommes sur le bon chemin!

Aux autorités: nous faisons notre part, faites la vôtre aussi !

Aux jeunes: croyez en vous, rêvez et battez-vous pour vos rêves!

BL: Votre mot de la fin

HBC: Merci à vous pour cet entretien, merci à ceux qui croient en nous, merci à toute mon équipe (débatteurs, staff, etc) mais avant tout, Merci à l’Eternel pour tout! Le meilleur reste à prouver en son nom!

  1. Un grain d’espoir pour une jeunesse restée longtemps sans repère. Félicitations à vous et que Dieu vous bénisse. Bien à vous et paix à tous. Clak