BL: Bonjour Monsieur Olivier. Ravis de vous recevoir sur notre blog. Veuillez vous présenter, s’il vous plait.

OA: On m’appelle Akokpon Olivier Junior. Je suis né d’un père Béninois et d’une mère ivoirienne. J’ai vu le jour le 12 juillet 1988 à Bouaflé en Côte d’Ivoire. J’ai passé une partie de mon enfance au pays d’Amadou Kourouma avant de rejoindre le Bénin où j’ai eu mon Bepc 2005 et mon Bac2008. Après mon Bac, je me suis inscrit en Lettres Modernes à l’Université d’Abomey Calavi où j’ai obtenu une Maîtrise en littérature orale. Je donne actuellement des cours de français dans les collèges publics et privés.

BL: Un parcours assez élogieux, riche et dense. Quelle fut la chiquenaude qui mit en branle la roue qui vous a vous conduit vers les lettres pour ensuite vous porter vers l’écriture?

OA: Je me suis fait un adepte de l’écriture parce qu’elle est pour moi un moyen propice pour me vider. L’écriture me donne une certaine liberté de m’exprimer à ma manière sur des faits de société de mon époque. Je me suis attelé à l’écriture pour décrypter mes visions, donner mes opinions, servir mon continent et accomplir ma mission qui n’est rien d’autre de mener une vie exemplaire dans tous les domaines. Je m’adonne à une écriture qui a pour mission de susciter des aspirants à une vie de perfection. Il faut noter que c’est l’amour pour tout ce qui est beau. Et la littérature détient cette beauté là. Je me suis inscrit en lettres par passion.

BL: Et quelles sont les sources de votre inspiration ?

OA: La source de mes écrits n’est rien d’autres que les vécus quotidiens, la société dans laquelle je fais partie.

BL: Césaire affirmait qu' »un homme qui crie, n’est pas un ours qui danse ». Ecrire, pour vous, est-ce crier? Si oui, pourquoi crier quand vous êtes convaincu que le monde est de plus en plus sourd aux cris de l’homme noir qui ne fait que revendiquer au lieu de se mettre à l’école du tigre qui privilégie le silence de l’action?

OA: Un adage fon dit: »c’est ce qui nous a fait mal qu’on dit beaucoup« . Et chacun à sa technique de combat, pour ne pas dire mille chemins mènent à Rome. Les cris font toujours quelque chose même si leurs effets ne sont pas effectifs.Le silence aussi a ses forces.A chacun de choisir ce qui lui sied.Tout le monde n’ira pas à la guerre avec les mêmes armes.

BL:  Combien de livres avez-vous déjà écrit et qu’est qui en a suscité l’écriture?

OA: J’ai un roman (La cité des têtus) et un recueil de poème (Vous et Moi) à mon compteur d’écriture.

Ce qui a suscité ces écritures n’est rien d’autre qu’un réveil de conscience par rapport à notre vie de tous les jours.

BL:A quelle cible destinez-vous prioritairement vos écrits?

OA: Les cibles? C’est d’abord moi-même et les autres ensuite. Moi-même, parce qu’à travers cela je m’éduque. Les autres, parce que je les exhorte aussi à être des aspirants de la perfection.Et c’est pour cela que j »indexe surtout ceux qui ont accepté de diriger des humains.Ils doivent s’efforcer à être de bons repères à leurs sujets. Je voudrais surtout parler des hommes politiques.

BL: Pourquoi surtout ces derniers?

OA: Ces derniers, parce qu’ils ont aujourd’hui à leur charge les couloirs par lesquels passera le développement d’une nation.( qu’on le veuille ou pas). Il suffit que la plupart d’entre eux mette un peu de côté leurs intérêts et nous aurons moins de problèmes économiques et moins de conflits. Ils doivent avoir pour vocation le sacrifice. L’autre d’abord et moi après. On n’aura pas un développement fiable si les politiciens de la mouvance ou de l’opposition n’ont pas dans leur mentalité ce sacrifice là.

Pensez-vous alors que la politique n’est pas autre chose que la roublardise et le mensonge ou « jeu de fauves », selon les mots de Tchichelle Tchivela

OA: Qu’est-ce que vous voulez que Tchichelle Tchivela dise lorsque les peuples ont été longtemps trahis par leurs dirigeants? L’objectif de la politique (l’art de bien gérer la cité) est-il toujours visé sous nos cieux?. La politique est-elle autre choses que la satisfaction des besoins alimentaires personnels ou l’assouvissement de cette volonté de dominer qui anime certains hommes politiques. De toute façon, ils sont nombreux, ces auteurs qui ont osé critiquer les politiques pour plus de justice et d’équité. Et je crois que c’est une bonne chose que de s’aligner derrière eux. Parmi eux, ceux qui ont gagné mon estime demeurent Sony Labou Tansi ,AlioumF antouré , Ken Saro Wiwa et Ahmadou Kourouma. Tous ces auteurs ont dévoilé à travers leur plumes une politique qui n’existe que de nom. AlioumFantouré et Sony Labou Tansi ont abordé plus une politique qui opprime ouvertement les populations. Avec Ahmadou Kourouma, cette politique nocive va évoluer pour prendre plusieurs aspects.Des aspects qui vont même impacter négativement ceux qui ne savent rien de la politique. Ainsi naîtront des guerres civiles.Il a fait découvrir cela dans son oeuvre publiée à titre posthume: « Quand on refuse on dit non« . Et ces critiques ont permis d’éclairer beaucoup d’esprit.Beaucoup savent aujourd’hui, qu’une mauvaise politique est en règne.

BL: Dans cette interview, nous allons nous intéresser principalement à votre roman. Mettez-nous dans le bain de « La Cité des têtus », s’il vous plaît.

OA: Mon roman! Sourire. « La cité des têtus« , est un canal qui m’a permis de montrer d’abord une société qui perd progressivement la conscience, qui est victime de la misère et des circonstances que lui offrent ses dirigeants. Cette société est devenue réfractaire parce qu’elle a perdu le minimum de confiance en des dirigeants non exemplaires. Elle s’empire plus dans la prostitution, le gain facile, l’insécurité, pour ne citer que ces vices. Et cela fait d’elle une têtue. Ensuite, ce roman dévoile des dirigeants nocifs aux peuples, refusant d’honorer leurs missions. Des dirigeants qui respirent la cruauté. Ils sont aussi têtus parce qu’ils s’attachent corps et âmes à leurs intérêts. Cependant des jeunes conscients vont être aussi têtus pour renverser la tendance. Il s’agit d’Atac et de Taka qui symbolisent des personnes qui aspirent à un bon modèle de vie.

BL: Atac et TAKA, une onomastique très riche et révélatrice des magouilles et crocs-en-jambes politiques!

OA: Tout à fait. Atac, c’est le héros de l’œuvre. Il a été au front.Il fait partie des pivots destructeurs d’un système pourri.En fait, il est un attaquant d’un mauvais système en jeu. Atac, attaque. Taka est un co-héros, si je peux m’exprimer ainsi.Il symbolise « le cerveau » en fon.

BL: Il y a aussi le « Général Très sec »…

OA: Son rôle dans la mission de celui qui attaque a été déterminant. Vraiment ! Là, je préfère ne pas aller en détails. Mais « Très Sec » fait référence à une personne inflexible devant les circonstances de chute, il est très rigoureux. Je rendais par là un hommage à un syndicaliste universitaire.

BL: L’univers féminin du livre est assez atypique…. Les femmes et le pouvoir ne peuvent-ils donc pas faire bon ménage?

OA: Dans le livre, Kifa représente la valeur, la dignité d’une femme noire.

« Les femmes et le pouvoir ne peuvent-ils donc pas faire bon ménage? » Cela varie d’une culture à une autre. Cela sera un peu difficile surtout qu’elles n’incarnent pas par nature l’autorité.

BL: Dans votre livre précisément, quelle est la position des femmes par rapport au pouvoir ?

OA: C’est clair, elles n’en sont pas friandes mais y participent à leur manière.

BL: Votre roman c’est aussi une histoire de famille, en témoignent les chaudes discussions entre Atac et sa mère. Est-ce à dire que les familles en Afrique ne sont que, le plus souvent, mensonges et cachotteries?

OA: Non,non! Il faut plutôt voir le cas de la famille d’Atac sous un angle.La mère l’a mère a usé de ce mensonge pour protéger son fils, surtout que c’est le seul qu’elle possède.

BL: Toute vérité n’est donc pas bonne à dire…

OA: Merci, c’est vraiment saisi. (Rires)

BL: Actuellement, le monde combat pour l’émancipation totale des femmes et l’importance de la femme dans la société n’est plus à prouver. Mais pensez-vous qu’un jour la parité pourra devenir une totale réalité ?

OA: Non, je ne crois pas. C’est vrai qu’on aura un épanouissement effectif de la femme mais pas une parité au sens strict. On tendra toujours vers une parité. Les femmes même n’en tiennent pas trop compte, surtout les femmes africaines qui souhaitent même que les hommes leur reconnaissent leur place dans la société. Cette affaire de parité est surtout agitée par les femmes intellectuelles, sinon selon mes observations, beaucoup de femmes ne sont pas rigides en ce qui concerne ce courant de pensée.

BL: Si vous devriez définir le féminisme aujourd’hui, que diriez-vous?

OA: La définition du féminisme  pour moi, sera relative.Ce courant variera d’une société à une autre. Le féminisme dans les sociétés modernes comme les occidentaux est un courant qui préconise l’extension des droits civiques et politiques des femmes jusqu’à ce qu’elles obtiennent une égalité avec ceux des hommes. Mais dans les sociétés traditionnelles comme chez les africains, le féminisme est un courant qui tend à soulager la femme du poids de la tradition qui d’une manière ou d’une autre abuse d’elle. Ce courant pour ma part est une doctrine qui vise en général l’émancipation de la femme.

BL: Quelle est votre opinion sur la littérature Béninoise ? Quels sont les mérites et surtout les manquements?

OA: La littérature béninoise fait son petit bonhomme de chemin avec une nouvelle génération d’écrivains qui fait de son mieux.Mais il faut noter qu’elle n’est plus réputée. Cependant, elle mérite des encouragements et des soutiens car elle souffre d’un manque de politique d’organisation. Les ateliers,les concours d’écritures, les foires de livres sont rares.Tous ces problèmes ternissent la réputation de la littérature béninoise.

BL: Quel est votre avis sur la question de la baisse du niveau dans nos écoles et lycées ?

OA: Cette réalité est très polémique et complexe.Les responsabilités sont partagées entre autorités éducatives, parents d’élèves enseignants et apprenants, tous victimes d’un nouveau monde. Le train de vie n’est plus comme avant. Le suivi des enfants pose problème, car tout le monde est à la quête de l’argent. Les enfants passent plus de temps à la distraction qu’à lecture et à la culture. Les autorités éducatives n’ont pas un système qui permet à l’enseignant de s’adonner à fond dans son métier. Leur formation n’est plus de qualité etc…

BL: Les écrivains auraient-ils une responsabilité dans ce problème ? Que pourraient-ils faire alors pour aider à la résolution du problème ?

OA: Je ne crois pas que les écrivains aient une responsabilité dans ce problème. La grande responsabilité revient aux autorités éducatives qui ne jouent pas leur rôle.Et ce que les écrivains pourraient faire, n’est rien d’autres que d’organiser avec l’appui de ces autorités éducatives, des concours de lecture des œuvres.

BL: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes littéraires voulant suivre vos pas surtout aux jeunes filles ?

OA: Je leur recommande de beaucoup lire et d’avoir une originalité, d’essayer d’être unique. Quant aux jeunes filles, je leur recommande de beaucoup étudier, d’être battantes et de vivre dans la dignité féminine.

BL: Que vous inspire cette assertion de Simone de Beauvoir: « On ne naît pas femme, on le devient »? De quel genre est-il donc, un être humain né doté d’un sexe féminin?

OA: Cette citation de l’écrivaine ne limite pas la femme à un physique, mais à une détention de certaines valeurs. Et lorsqu’on a ces caractères, on mérite pleinement l’appellation femme,on le devient vraiment.

BL: Quels sont les livres qui vous ont le plus marquée ou édifiée?

OA:« La vie et demi » de Sony Labou Tansi, « Allah n’est pas obligé » d’Ahmadou Kourouma, « Petit minitaire » de Ken SaroWiwa, « Le cercle des tropiques » d’Alioum Fantouré et « Vers Cassé » d’Alain Mabanckou.

BL: Quels sont selon vous les défis que la jeunesse béninoise doit s’atteler à relever aujourd’hui?

OA: La jeunesse doit éviter le gain facile tout en aimant le travail. Elle doit aimer l’intégrité afin de finir avec certaines pratiques peu orthodoxes, de cesser de copier  certains aînés véreux.

BL: Vous avez sûrement des projets en cours…

OA: J’ai d’autres romans à publier.Quant aux autres projets, je préfère les taire.

BL: Votre mot de fin

OA: Je tiens à remercier tous les administrateurs de ce blog littéraire. J’avoue que cette organisation est bonne.Que Dieu vous bénisse.