Il est prêtre capucin. Il est Béninois. Il répond au nom de : Père Armel FAKEYE (PAF). Il est jeune et pétri de talents. Le dimanche 03 Juin 2018, il a procédé au lancement de sa première œuvre  littéraire : «Confidences d’un Prêtre : De roses et d’espérance». Au terme de ce grand événement littéraire, votre Blog Biscottes littéraires a eu l’honneur d’interviewer le Père Armel FAKEYE pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.

BL : Bonjour père Armel FAKEYE, un mot en guise de présentation.

PAF : Je suis Père Armel FAKEYE, prêtre de l’ordre des frères mineurs capucins. J’ai fait mon cours primaire à Charles Guillot. De la 6ème en 4ème, j’ai fréquenté au Collège les Cheminots et de la 3ème en Terminale, au Collège Catholique Père Aupiais. Je suis actuellement en mission au nord du Bénin, comme vicaire de paroisse.

BL : Un prêtre en littérature, est-ce vraiment nécessaire? La place du prêtre n’est-elle pas à la sacristie?

PAF : Je commence par dire que ma passion pour la littérature grandissait au fur et à mesure que ma vocation s’affermissait. Je conçois la littérature comme un vaste champ où chacun cultive le désir de transmettre et de se transmettre. C’est une idée réductrice que de penser que le prêtre n’a sa place que dans la sacristie. Le prêtre que je suis tente de dire à l’humanité et au monde, que le regard du prêtre n’est pas celui de l’indifférence par rapport à la vie des autres et de leurs situations quotidiennes. Rester dans la sacristie, c’est occulter au message de Dieu sa dimension incantatrice.

BL : L’ambon ne suffit donc t-il pas pour que le prêtre communique son message aux hommes et femmes de ce temps?

 

PAF : Sourires. Il y a un livre dont le titre m’a toujours impressionné: « La rue est  mon Eglise » du Père Guy Gilbert. La question n’est de savoir si l »ambon suffit ou non. Le plus important pour le prêtre poète que je suis, c’est de semer partout la parole, la semer à temps et à contretemps, la semer aux quatre vents. Toutes les occasions sont bonnes pour répandre les semences du Verbe, semences enfouies par le Père Céleste dans la terre éternellement en friche que je suis et que je suis appelé à partager avec le monde. L’ambon, par extension, serait toute tribune où je suis appelé à parler, l’ambon serait toute opportunité de dialogue et aussi de monologue que la vie me donne pour entrer davantage dans l’épaisseur de la condition humaine, pour crier mes douleurs, mes peurs, mes angoisses et aussi mes joies, mes certitudes d’espérance.

Le prêtre que je suis, souhaiterait parler au monde et laisser le monde lui parler. Et parler au monde de ce temps suppose que je sorte de moi-même pour aller à la rencontre de ce monde aussi bien dans les quatre murs de ma chapelle que dans « les nouveaux aréopages du monde » pour emprunter l’expression de Benoît XVI. L’ambon, c’est chaque instant de la vie, chaque seconde, chaque tranche du temps. Je suis prêtre et en tant que prêtre je suis communicateur. Alors je saisis toutes les possibilités qui s’offrent à moi pour diffuser la Parole.

BL : Vous êtes l’auteur de «Confidences d’un Prêtre : De roses et d’espérance». Comment avez-vous commencé l’aventure ?

 

PAF : Cette aventure a commencé par un poème qui a été mi au tableau par notre professeur de Français Monsieur Jean FANDE et qui a suscité le désir en moi de découvrir davantage et ce désir a été accompagné, ce désir a mûri et a porté des fruits.

BL : Pourquoi avoir choisi le genre poétique pour cette confidence ? On a pu lire ici à la dernière de couverture « la poésie a l’avantage de porter au cœur et au sens. »

PAF : A la fin de mon ouvrage «Confidences d’un Prêtre : De roses et d’espérance», à la page 92, il y a la postface intitulée « Au cœur de la nuit » qui dit ceci :

« comme une splendide onde éjectée dans la sphère de l’univers

Je survole l’immense planète des sentiments pour que de la sublimité des mots et des paroles

Puisse éclore la sensibilité du cœur »

 

Alors, pour moi, la poésie est le canal, le meilleur canal pour transmettre ce qui est beau, ce qui est vrai et ce qui peut apporter de l’émotion et de la sensibilité au cœur.

BL : Lors du lancement, vous avez évoqué les notions de : pleurs, sourires, larmes, rêves. Et vous a affirmé que ce sont des choses personnelles, qui relèvent de l’intimité. Pourquoi alors mettre sur la place publique ce qui vous est intime?

 

PAF : Les expériences les plus personnelles et les plus intimes sont souvent celles qui sont pour nous les plus lourdes de sens et de leçons. Nous mettons à la portée de tout le monde des réalités personnelles. Et quand  chacun les saisit, elles deviennent ses réalités personnelle et de facto, ces réalités qui nous sont personnelles et qui tombent dans le domaine public, puisqu’elles ont apprivoisées, personnalisées et adoptées par chaque « intimité, elles perdent leur marque de public pour demeurer intrinsèquement intimes et personnelles aussi bien à l’auteur qu’aux lecteurs.

BL : Par quoi justifiez-vous le titre de ce beau recueil de poèmes?

PAF : Je justifie le titre de ce beau recueil par le souffle de l’audace, celle de vouloir dire les choses autrement, celle de vouloir aimer autrement, celle de pouvoir espérer autrement, celle de pouvoir donner autrement. Je pense contribuer à la révolution de la poésie. Le prêtre à qui nous nous confions souvent se confie à nous en retour. N’est ce pas là une révolution? ( Sourires)

BL : Le prêtre est un homme de silence et d’écoute. C’est celui qui tait les secrets. Cette dimension de votre être de prêtre n’est-elle pas mise à mal par cet exercice auquel vous vous êtes livré en publiant « Confidences d’un prêtre »?

PAF : Cette dimension de l’écoute et du silence n’est pas mise à mal parce qu’à travers les thèmes déclamés, c’est plutôt le texte qui nous parle. Ma plume s’est déjà faite assez parlante. Et ce n’est plus moi du parle, c’est dans le silence que l’écriture parle au lecteur et lui dit qu’il n’est pas le seul à vivre les réalités qui lui arrachent des soupirs, des larmes de joie ou de chagrin, des sourires et des rires.

BL : Le sous-titre nous intéresse de façon particulière : De roses et d’espérance ». Pourquoi avoir adopté le pluriel pour « Roses » et le singulier pour « Espérance »?

Nous avons parlé de roses au pluriel en faisant allusion à un jardin ou fleurisse quantités de roses et Espérance ai singulier pour l’unique et vraie Espérance.

BL : Pour vous, qu’est-ce en définitive que la poésie?

PAF : La poésie pour moi c’est un chant d’amour, c’est un jardin de roses, c’est un jaillissement de l’espérance, c’est la pureté du coeur qui ne laisse pas le regard indifférent. La poésie pour moi, est une passion, la poésie pour moi est une présence, la poésie pour moi est une prière.

BL : Dans le premier poème, de la première partie intitulée  » Ma vocation « , on a pu lire  » Discuter avec Dieu Pour instruire les Hommes » On aimerait bien comprendre. Éclairez- nous l’esprit sur ce passage.

PAF : J’avais dis que toute ma poésie s’articule autour d’une trilogie : la passion, la présence et la prière. Pour moi, la poésie, c’est parler avec Dieu, la poésie, c’est une prière. Et à juste titre, plusieurs personnes qui ont lue mes textes disent : « Quand nous lisons vos textes, nous avons l’impression que c’est une prière qui est formulée « . Alors, pour moi, le lieu où je tire ma source d’inspiration, c’est dans ma relation avec Dieu.

BL : Dieu est poète, disiez-vous au lancement. L’affirmez-vous eu égard à son oeuvre créatrice, l’étymologie de la poésie s’y prête assez bien poiein, faire, créer, produire, réaliser? Ou bien, vous insinuez autre chose?

PAF : J’affirme que Dieu est poète eu égard à son oeuvre créatrice, pas seulement des choses matérielles mais aussi des réalités immatérielles, comme par exemple la miséricorde. Dieu est poète à cause de sa recherche du beau, du bien, du vrai. Dieu est poète à cause de son humour. Dieu est poète parce qu’il porte en lui tout ce qu’il a créé et donc la poésie. Dieu est un poète et tout en lui chante le beau.

La plus belle oeuvre de poésie qui existe c’est la création dans sa totalité et dans son intégralité. Tous les poètes du monde ont eu comme source d’inspiration cette création. Les éléments de cette création sont des vers et des strophes de cet art poétique. Saint François, puisque je suis franciscain, composera même un cantique de la création, son « Laudato Si:

« Très-Haut, Tout-Puissant, Bon Seigneur,
À vous les louanges, la gloire, l’honneur et toute bénédiction.
À vous seul, ô Très-Haut, elles sont dues,
Et aucun homme n’est digne de prononcer votre nom

Soyez loué, Seigneur, pour toutes vos créatures,
Spécialement pour Messire le Soleil notre Frère,
Qui dispense la lumière du jour;
Il est beau, il rayonne de splendeur;
Il est vraiment, ô Très-Haut, celui qui vous révèle
…. »

Tous les genres ou types de poésie : lyrisme, … sont un reflet de la poésie de Dieu. Celui alors qui se fait compagnon de Dieu développera ce côté poétique de la vie. Paul Valéry a dit que : « La poésie est l’ambition d’un discours qui soit chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter.» Variété, 192 4-1944. Quel discours est plis chargé de sens si ce n’est le discours de Dieu lui même. Je pense résolument que Dieu est fondamentalement Poète.

 

BL : Vos sources d’inspiration ?

PAF : La nature, les situations, les épreuves et les événements de la vie m’inspirent. Ma relation avec les autres, est aussi une source d’inspiration pour moi. Quelques fois, c’est juste un geste, ou un acte, ou une parole, qui me plonge dans l’inspiration.

BL : Qu’attendez vous de vos lecteurs? Et que pensez-vous que la poésie attend de vous?

PAF : Mon plus grand vœu c’est que mes lecteurs lisent et relisent cet ouvrage. Je souhaite que ce lectorat grandisse et soit constant.

La poésie attend beaucoup de moi. Que je l’aide à être davantage la voix des combats muets, la voix des douleurs muettes, la voix des victoires muettes.

La poésie, j’attends beaucoup d’elle. La poésie est une compagne qui ne s’est jamais séparée de moi.

Elle a été présente à tous les instants de ma vie. Quand j’avais besoin de me saisir de ma plume pour dire ma joie, ma douleur, mon allégresse, elle était là. Permettez-moi de la personnifier. Le texte « Folie ancienne Sagesse nouvelle » rend agréable hommage à celle que j’appelle la fille bien aimée de l’Ecriture : Dame poésie.

BL : Dans la deuxième partie de votre ouvrage, il a un texte intitulé « Mon 1er poignard « . Pourquoi? Auriez-vous connu une déception amoureuse?

PAF :  (Sourires) Vous posez la question comme le font les journalistes. Mais je confesse que c’est une très belle question. Et je vais vous répondre sans gant ni langue de bois. Je vais vous répondre franchement, à cœur ouvert. Mon texte intitulé « Mon 1er Poignard » est en langage poétique, un événement personnellement vécu. Cela remonte aux débuts de mon cheminement vocationnel où j’ai été injustement accusé et je n’ai pas eu l’opportunité de donner ma version des faits. Cette épreuve m’a fait profondément et douloureusement affecté. Ce fut l’élément inspirateur de ce poème. Mais au terme de cette situation, j’ai affirmé que personne ne me ravira plus ma joie et mes convictions. La société dans laquelle je vis et à laquelle je refuse de m’identifier quand elle me propose des contre valeurs est une société happée par tout ce qui l’intoxique. L’une de ses intoxications est la célébration de manière éhontée d’une force de caractère qui nie la vérité de l’homme, fragilise l’authenticité de son histoire et la perte de son héritage.

BL : Un prêtre qui pleure, qui gémit et le fait savoir au monde, n’est-ce pas plutôt lâche?

PAF : « Tu es un homme, tu es fort, un homme ne doit pas pleurer », nous dit-on souvent.
Ce déni de la douleur, ce refus de l’acceptation des réalités qui nous affectent nous rend insensibles et inhumains.  Pour moi un prêtre qui pleure, qui gémit rappelle le dernier vers de mon poème PAS UN SUPERHOMME.   Pour vous je suis un prêtre, avec vous je suis humain.   Celui à la suite duquel j’ai consacré ma vie n’a pas hésité à pleurer devant la mort et la souffrance de la famille de Lazare. Il est vrai que la vertu réside dans le milieu. La vérité de notre vie réside dans l’acceptation de notre humanité dans sa splendeur et dans sa fragilité. La lâcheté en sera le refus.

BL : Un mot sur le processus d’édition de votre livre…

PAF : Par rapport au processus d’édition du livre, je confesse que cela n’a pas du tout été aisé. Pour la petite histoire, j’ai entendu parler des Editions Maïeutique par une connaissance, ensuite je lui ai envoyé quelques textes pour me confirmer que cela entrait dans leur ligne éditoriale. C’est ainsi que l’éditeur me confirma que le comité de lecture était intéressé par mon manuscrit. J’ai donc commencé par penser à l’édition du recueil de poèmes

BL : Que pensez- vous de la littérature béninoise ?

PAF : La littérature béninoise est entrain de faire son chemin, mais elle a besoin d’être améliorée par beaucoup plus d’auteurs béninois, par beaucoup plus de subventions et par beaucoup plus d’audace; et les auteurs béninois doivent avoir l’audace et prendre le risque de vouloir produire quelque chose et chercher par-dessus tout à viser l’excellence et la qualité.

BL : Que pensez- vous faire, pour aider la jeunesse béninoise ? Pensez- vous comme nous que, à défaut des distractions peu recommandées, les jeunes peuvent nourrir leur intelligence par la littérature?

PAF : Pour aider cette jeunesse, je pense que, la poésie doit devenir une poésie ambulante. Cela veut dire concrètement ceci: aller dans les lieux où les jeunes se trouvent, se servirez des occasions qui réunissent les jeunes, pour pouvoir leur transmettre la beauté de la poésie. Par exemple, les textes que j’ai écrits pour la fête des mères, pour la fête des pères, les jeunes peuvent s’en servir. Quand j’écris des poèmes sur l’amour, ça peut être déjà une manière de commencer par les intéressés à la lecture, à telle enseigne que, quand une fête des mères, une fête des pères passe et qu’il n’y a pas un texte , les jeunes me demandent : » Mon père, vous n’avez rien écris cette fois-ci? ».

BL : Un mot à l’endroit de vos parents, amis et soutiens…..

PAF : Je ne peux que remercier mes parents, amis et soutiens pour leur disponibilité, leur présence, leur conseil et leur aide. Sans eux tout ceci n’aurait pas été possible.

BL : Avez- vous d’autres projets d’écritures pour bientôt? Peut-on espérer vous revoir écrire dans un genre littéraire autre que la poésie?

 

PAF : Écrire à travers d’autres genres à part le genre poétique, je ne peux pas sur le coup vous affirmer ou vous préciser quoi que ce soit. Mais, on peut s’attendre à d’autres ouvrages poétiques. Comme je vous l’ai dit, j’ai commencé par écrire depuis l’âge de 15ans, donc c’est de cette corbeille de poèmes que j’ai tiré les bouquets qui constituent ma première parution.

BL : Votre mot de la fin

PAF : Je vous remercie pour cette occasion que vous me donnez de parler à la jeunesse, de l’impacter. Et je voudrais finir, en disant que nous n’avons pas besoin d’avoir les cheveux blancs, d’accumuler une longue expérience avant de transmettre quelque chose. La petite expérience que nous avons, peut servir de guide, peut servir de navigateur dans la vie de tout Homme.

BL : Merci Père Armel FAKEYE, Biscottes Littéraires vous remercie et vous souhaite beaucoup de courage et de succès dans votre carrière de poète.

PAF : Merci et que grâce et bonheur vous accompagnent tous les jours de votre vie.

 

Propos recueillis par Camelle ADONON, pour Biscottes Littéraires

 

  1. Qu’il est grand le maître de l’univers!
    Que puisse sa force pénétrer les cœurs par ses semences dans ce recueille poétique.
    Que du courage sur cette voie qui n’est pas si facile.

    • oui, courage, courage. il en a besoin pour continuer l’aventure poétique