« Brimer Kémi SEBA ou le déclarer persona non grata n’est pas une avancée de la démocratie dans nos Etats« . Bonjour les amis, chaque lundi, votre blog reçoit pour vous un écrivain. Celle que nous recevons aujourd’hui est une amoureuse de football et une fan de Cristiano Ronaldo. Elle nous vient du pays de Cheikh Anta Diop. Elle est juriste de formation, spécialisée en relations internationales et a à son actif deux ouvrages à titre individuel. Mais avant tout, elle est une panafricaniste pure et dure et ne ménage pas la Françafrique dans ses écrits. Allons à sa découverte.

 

BL : Bonjour Mme Dieynaba SARR. C’est un plaisir pour nous de vous recevoir sur notre blog. Veuillez vous présenter.

 DS : Bonjour à vous et à tous les lecteurs de votre blog, le plaisir est grandement partagé. Je me nomme Dieynaba SARR, je suis juriste de formation, spécialisée en relations internationales et également auteure, ou plus communément écrivaine. J’ai, à ce jour, publié deux ouvrages à titre individuel et participé à un ouvrage collectif.

 BL : Écrire est une passion que vous nourrissez et chérissez. Depuis quand cette idylle entre la plume et vous dure -t-elle?

 DS : Oui, l’écriture est une passion. Certes, mes publications ont commencé il y a environ trois ans mais mon idylle avec la plume date de mon enfance, j’ai toujours aimé griffonner de petites histoires que je gardais pour moi et que j’aimais relire, corrige et améliorer.

BL : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

 DS : Elles sont nombreuses mais je dirais surtout mon vécu, mes discussions, les faits de société entre autres.

 BL : Certains écrivent pour s’épancher, d’autres pour informer, éduquer, changer, d’autres encore pour se faire un nom. On en rencontre même qui ne savent pas pourquoi ils écrivent. Vous donc, pourquoi écrivez-vous ?

 DS : J’écris pour informer, partager des préoccupations, participer à la lutte contre des fléaux qui gangrènent notre société mais j’écris aussi, comme ce fut le cas avec mon nouvel ouvrage, pour m’épancher.

BL : Comment appréciez-vous la littérature sénégalaise contemporaine ?

DS : Au Sénégal, on note de plus en plus un regain de vitalité de la littérature sénégalaise marquée par l’arrivée de nouveaux écrivains et surtout des jeunes dans le paysage littéraire, ce qui est une bonne chose. Toutefois, la publication d’ouvrages étant coûteuse, les autorités devraient davantage soutenir la production littéraire. Et face à la baisse de l’intérêt accordé à la lecture, des initiatives doivent être mises en place conjointement entre les autorités, les acteurs du milieu littéraire et les médias pour mieux faire connaître les ouvrages et les auteurs, et surtout pour trouver des moyens d’intéresser les gens à la lecture.

 BL : Être femme dans une arène littéraire à prédominance masculine, quel(s) sentiment(s) en a-t-on ?

DS : Cela n’est pas gênant pour moi, autant j’y retrouve des consœurs fortes et dynamiques, autant les hommes que j’y côtoie sont ouverts d’esprit, les échanges sont fructueux entre nous. Nous ne sommes pas dans une logique de compétition, l’objectif commun, à mon avis, est de contribuer à l’avancée de la littérature sénégalaise et à la faire connaître partout dans le monde.

BL : Vous êtes auteur de « La politique africaine de la France : entre rupture et continuité », un livre délicat qui traite d’un sujet grave : les fortement polémiques relations entre la France et ses anciennes colonies. Pourquoi avoir décidé d’écrire sur un tel sujet ?

 DS : C’est un sujet qui m’a longtemps passionnée et intriguée, et j’ai eu, durant mes études supérieures, à faire des recherches là-dessus, et après j’ai voulu justement faire connaître cette politique complexe et controversée. J’ai voulu revenir sur des faits historiques et des aspects méconnus par beaucoup d’africains afin de donner une idée plus claire sur les divers aspects de la Françafrique.

BL : Vous y décriez « les liens nébuleux » entre France et Afrique et y fustigez entre autres la complicité des dirigeants africains. Justement, le Sénégal est souvent traité de havre de la Françafrique et le président Macky Sall taxé dans la sous-région d’être une docile marionnette aux mains de la France. Quel avis en avez-vous ?

 DS : Quand on convoque l’histoire, on se rend compte que la plupart des présidents africains étaient taxés de « gouverneurs de la France » parce qu’ils étaient les défenseurs des intérêts de la France malgré la souveraineté acquise par leurs pays. Mais, c’était aussi profitable pour eux, car en retour ils bénéficiaient du soutien pour se maintenir au pouvoir ou même ramenés au pouvoir en cas de coup de coup d’Etat, comme ce fut le cas au Gabon avec le président Léon Mba en 1964. Après des décennies d’indépendance, le contexte ne doit plus y prêter, alors je ne parlerai pas exclusivement du Sénégal mais plutôt de tous les pays du continent, il appartient à tous les dirigeants africains de refuser catégoriquement cette image de suppôts de l’ancienne métropole, les intérêts de leurs pays doivent primer dans leurs relations avec elle et cela, ils doivent en faire preuve dans leurs décisions et choix politiques.

BL : Parlant toujours de la complicité des dirigeants africains, un événement en apporte peut-être la preuve irréfutable à savoir l’acharnement constant vis-à-vis de l’activiste panafricain Kemi Seba traité en véritable persona non grata dans plusieurs pays de la sous-région. Peut-on en conclure que l’Afrique persécute ses propres enfants pour les beaux yeux de mère France ?

DS : C’est l’image que cela donne en tout cas, à mon avis Kemi Seba a ses raisons pour mener ce combat dont chacun est libre ou non d’en cautionner les moyens ou armes. Mais, ce qui est sûr c’est que le brimer ou le déclarer persona non grata n’est pas une avancée de la démocratie dans nos Etats. Je pense que l’on pourrait le laisser circuler et mener ses activités tant qu’il ne commet pas d’acte répréhensible au regard des lois en vigueur dans les pays où il se rend.

BL : L’un des sujets les plus brûlants de l’actualité continentale est l’adoption de l’Eco au détriment du fort controversé Franc CFA. Certains applaudissent ce changement de monnaie, d’autres y voient une sempiternelle fourberie, un habile subterfuge de la France pour maintenir l’Afrique sous domination. Quelle opinion avez-vous de l’affaire ?

 DS : La lutte amorcée contre le franc CFA est légitime et compréhensible si l’on se réfère à l’évolution des mentalités qui s’opère en Afrique depuis quelques années. En effet, cette monnaie est l’un des vestiges les plus importants de cette nébuleuse qu’est la Françafrique. Or, il est tant quand même que l’Afrique émerge économiquement, c’est ce qui justifie le souhait d’acquérir une monnaie africaine. Mais, je pense que ce processus, ce combat pour l’affranchissement économique de l’Afrique sera une lutte de longue haleine et surtout doit être bien étudiée et bien menée, il faut surtout éviter de se précipiter pour avoir une monnaie qui au fond n’aura de nouveau que la dénomination et qui ne contribuera pas au décollage économique tant souhaité de notre continent. Il ne faut pas perdre de vue que les intérêts en jeu sont énormes et que tout le défi sera d’avoir une vision claire commune sur ce que nous voulons vraiment.

 BL : De plus en plus les voix s’élèvent. La France est pointée du doigt au Congo, dans le Sahel. On parle, on crie, on dénonce farouchement les relations inégalitaires entre la France et ses anciennes colonies. La France acculée de toutes parts se plaint de sentiment anti -français mais la  jeunesse n’en démord pas. Peut-on, à votre avis, compter sur Kemi Seba et cette jeunesse africaine pour enfin libérer l’Afrique du joug colonial ?

 DS : La jeunesse africaine fustige la présence de militaires français sur les théâtres d’opération et cela confirme cet éveil des consciences dont je parlais. Naturellement, elle a un rôle à jouer et c’est ce qui justifie cette volonté de donner un véritable contenu à l’indépendance de l’Afrique. Cette présence militaire n’est-elle pas aussi un échec de nos Etats de conjuguer leurs efforts pour combattre les actes terroristes dont ils sont souvent victimes, cas du Sahel par exemple ?C’est une question qui mérite d’être posée, en tous les cas ce qu’il faut refuser c’est l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats.

 BL : L’Afrique “ française ” a-t-elle aujourd’hui les moyens de se passer de la France ?

 DS : A mon avis il ne s’agit pas de se passer de la France car la mondialisation fait que les Etats ont besoin de coopérer, d’entretenir des relations mais ce qui est important c’est de sauvegarder sa souveraineté, de refuser toute ingérence dans les affaires intérieures. En effet, comme je l’ai expliqué dans l’ouvrage et comme l’a affirmé le Préfacier, Pr Alioune SALL, il ne s’agit pas de rompre nos relations avec la France mais d’avoir des relations décomplexées, assainies qui seront basées sur un partenariat profitable aussi bien à l’Afrique qu’à la France, donc gagnant-gagnant.

 BL : De quoi l’Afrique a-t-elle besoin, selon vous, pour s’affirmer dans le jeu mondial et sortir la tête de l’eau?

 DS : L’Afrique a besoin d’union, l’intégration est un impératif pour que le continent soit fort et pour qu’il puisse peser sur l’échiquier international. Pour cela, les divergences et problèmes crypto-personnels doivent être réglés ou tus. Il faut que les dirigeants privilégient les intérêts du continent, que la coopération avec la France ou avec toute autre puissance étrangère soit basée sur la transparence et le respect, et sur un partenariat dont elle tirera d’importantes retombées à travers les accords négociés et signés. Les dirigeants doivent être uniquement soucieux des problèmes que vivent leurs populations afin de faire des choix éclairés et opportuns. En outre, la jeunesse africaine doit être plus consciente des enjeux et défis qui interpellent notre continent, et en ce sens les dirigeants doivent miser sur cette jeunesse en lui offrant des formations adaptées au contexte mondial actuel pour un avenir brillant de l’Afrique.

BL : Dieynaba SARR se réclame-t-elle de l’idéologie panafricaniste ?

 DS : Oui, et ce que je viens de dire sur la nécessité impérieuse des pays africains de s’unir le confirme. Je suis d’avis que sans cette intégration, les pays africains n’arriveront pas à grand-chose dans ce monde marqué par des rapports de force.

 BL : Pouvez-vous revenir sur votre participation à l’ouvrage collectif  « Sen Njaxass ? »

 DS : Oui. Il s’agit de l’ouvrage que j’ai co-écrit avec sept autres auteurs dont des journalistes et des juristes, et qui est a été publié en juillet 2018. Le projet consistait à publier un ouvrage qui, à la veille des élections présidentielles de 2019, permettrait de donner des pistes sur le Sénégal différent que nous souhaitons. C’est ainsi que chacun de nous, selon son profil ou le thème qui l’intéressait, a écrit un texte. Moi, j’ai eu à en écrire deux : la première contribution portait sur la diplomatie et la seconde était une discussion entre trois amies, un prétexte pour aborder des tares comme le népotisme, le culte de la médiocrité, etc. et appeler tout le monde au changement de comportements.

BL : Convictions est votre dernier ouvrage. Parlez-nous de sa genèse.Qu’est-ce qui vous a convaincue à l’écrire?

 DS : L’écriture de Convictions a été spontanée, l’idée m’est venue un jour où je réfléchissais à certains aspects de la vie et des faits de société, et c’est là que j’ai décidé de me lancer dans ce projet. Et quelques temps après cela a donné cet ouvrage paru en novembre 2019.

BL : Vous y aborder des thèmes divers allant de la montée en puissance de la violence à la dégradation des relations entre générations en passant par les dérives sur les réseaux sociaux. De quoi êtes-vous convaincue? Que la société actuelle est décousue, foutue ? A-t-on les moyens de se relever des actuelles dérives ? Comment faire ?

DS : Oui, tout ce que vous venez de citer est dans Convictions, j’y ai abordé des questions religieuses, les relations entre générations, la montée en puissance de la violence notée de plus en plus au Sénégal avec des meurtres plus crapuleux les uns que les autres souvent pour des motifs insignifiants (une pièce de monnaie, une tasse de café, etc.) pour ne pas dire des meurtres basés sur de la pure cruauté. On assiste également à une obsession pour le buzz, l’ostentation prend de l’ampleur dans nos comportements, les dérives sur les réseaux sociaux ne se comptent plus, les gens ne font plus la différence entre ce qui relève du domaine privé de ce qui peut être publiquement exposé. Par ailleurs, j’y évoque mes amours, ce dont je suis convaincue concernant le mariage, la déshumanisation des relations, le statut de la femme, la politique, entre autres aspects. Je suis convaincue que notre société souffre de beaucoup de maux mais qu’elle n’est pas foutue et c’est justement pour éviter qu’elle le soit que je nous exhorte à une introspection, une remise en question ou autocritique afin de reconnaître nos tares, vices et défauts, et d’y remédier pour le bien-être commun. Que chacun change et la société changera, c’est l’une de mes fortes convictions.

 BL : Parlez-nous de vos projets littéraires.

 DS : Je mise plus sur la spontanéité et c’est pourquoi je ne peux pas parler de projets littéraires, je laisse la muse me guider. Néanmoins, j’espère que je pourrais bientôt sortir des tiroirs mon vieux projet de roman qui y dort, pour le dépoussiérer (rires) et m’y consacrer. Le roman est le genre littéraire que j’aime le plus lire, et j’espère pouvoir en écrire.

 BL : Un mot sur votre passion pour le football et le Réal de Madrid en particulier

 DS : Ah ! Vous touchez là mon cœur d’ancien garçon manqué (rires). J’adore le football, c’est le sport que je préférais pratiquer à l’école lors de nos cours d’éducation physique. Je me délecte des matchs de foot à la télé, et le Real de Madrid est mon équipe préférée.

 BL : Votre portrait chinois à présent : si vous étiez

BL : -un héros ou une héroïne, qui serait-ce ?

DS : Xena la guerrière, personnage télévisé culte de mon enfance (rires)

BL : un personnage historique …

DS :  Khadija, première épouse du Prophète Mohamed (PSL)

BL : un auteur favori …

DS : Mariama Bâ

BL : un animal …

DS :Le lièvre

BL : un plat préféré …

DS : Le thiéré (couscous sénégalais)

BL : une qualité …

DS : La magnanimité

BL : un défaut …

DS : L’impatience

BL : un joueur….

DS : Cristiano Ronaldo

BL :  un homme…

DS : Mon père

BL : Comment se procurer vos livres ? (Contacts)

 DS : Pour ceux qui sont au Sénégal, ils peuvent retrouver tous les trois ouvrages à la librairie Harmattan Sénégal sur la Vdn en face Mermoz, près du pont de Fann ou appeler au 33 825 98 58. Sinon à l’étranger, les commandes peuvent se faire sur le site de l’Harmattan Paris (www.editions-harmattan.fr) ou sur Amazon.

BL : Merci Dieynaba SARR de vous être prêtée à nos questions. Votre mot de la fin.

DS : Je vous en prie. Merci à vous pour l’invitation. C’était un réel bonheur d’échanger avec vous et je vous remercie pour le travail que vous faites pour la promotion du livre en général. J’en profite pour exhorter tout le monde à la lecture car les connaissances qu’on en tire sont inestimables.

  1. Kémi Seba,si tant est que c’est un véritable activiste militant contre la « françafrique », devrait tout d’abord, pour être crédible, renoncer à la nationalité française, lui qui est d’origine béninoise.Ensuite qu’il aille chez lui, au Bénin y mener son combat et essayer de changer les choses en montrant l’exemple, non pas en faisant son cinéma ridicule comme le fait de brûler un billet de CFA. Pourquoi ne pas retourner tout simplement au système du troc ou des cauris, voire du sel comme moyen d’échanges pendant qu’on y est! Pour terminer, je ne vois pas en quoi l’interdiction de séjour d’un étranger dans un pays quelconque (comme le Sénégal) constitue-t-elle une atteinte à la démocratie, quels qu’en soient les motifs. Je pense que certains agissements et déclarations relèvent purement et simplement d’une recherche effrénée du buzz ; cette écrivaine inconnue du grand public ne fait pas exception à celà.