Charly avait pris ses quartiers dans la chambre voisine à celle de son frère. Cependant, il passait le clair de son temps à déambuler dans la chambre du défunt. Qu’y cherchait-il? Nul ne le savait. Toujours était-il que Chris était reparti à Calavi chez ses parents laissant la famille éplorée essorer son linge de tristesse le temps que se lève pour eux le soleil de la consolation.

A Porto-Novo, il s’organisait déjà la cérémonie de réincarnation du jumeau défunt. En effet, dans la plupart des familles du sud Bénin, les jumeaux sont considérés comme des divinités, ce qui leur conférerait l’immortalité. Alors lors de deux jumeaux où l’un d’eux, comme ce fut le cas pour Charles, on fait, dans de petites statuettes représentants le jumeau « parti », l’esprit de qui serait « allé chercher du fagot ». C’était la veille de ladite cérémonie. Charly qui depuis son retour ne se prélassait que dans le lit de Charles, dans un état de sommeil intermédiaire, reçut la visite de son frère en songe.

– Eh pourquoi te fais-tu tant de mauvais sang, fit Charles qui se trouvait dans un halo de lumière blanche et vive

– Pourquoi es-tu parti si tôt ? Je devrais revenir pour qu’on mette sur pieds nos projets et me voici seul, répondit Charly dont les yeux s’emplirent de larmes

– Je n’ai pas décidé de partir, mon heure n’était pas encore venue, mais sache que je serai toujours là auprès de toi,…Charly l’interrompit

-Qui t’a fait ça ?

-Écoute-moi, ce n’est pas le plus important, je t’aiderai à le dévoiler, l’important c’est ma bien-aimée Mia qui est enceinte de moi. Prends soin d’elle et surtout ne fais confiance à personne. Je t’aime.

A ces mots, Charles disparut dans une nuée de fumée. Charly fut saisi aussitôt d’un sommeil tellement paisible qu’à son réveil il se sentit en forme et d’humeur joyeuse. La cérémonie avait commencé dans la cour de la maison, mais il n’était pas autorisé à y assister. Il décida alors de s’occuper à discuter avec ses amis sur facebook et à écouter les nouvelles sorties musicales.

Deux semaines s’écoulèrent. La douleur de la perte de son bien aimé frère était toujours vive, mais c’était comme si « le bout » de Charles qui siégeait en elle l’apaisait.

Un matin, comme depuis deux jours que ses parents s’étaient rendus à une conférence hors du pays, Mia était seule à table prenant son petit déjeuner. Subitement, la gouvernante de la maison traversa le salon en trombe, l’ai apeuré:

– Il est là, il est là, criait la gouvernance qui trébucha et tomba aux pieds de Mia, dont le cœur faillit sortir par la gorge. Mais elle se contint et demanda :

-Mais de qui parles-tu? Qui te fais… Elle n’eut pas le temps de finir sa question que le doigt tremblant de la gouvernante indexa l’homme. C’était la photocopie exacte de Charles, mais ce n’était pas Charles, elle l’avait senti au fond de son cœur. Elle frissonna mais se maîtrisa :

– Qui êtes-vous?

– Je suis Charly, le frère jumeau de Charles, vous êtes Mia, ma belle-sœur, je suppose? Excusez-moi. Le portail était ouvert, de même que la porte. Je m’en veux de vous avoir effrayées. Je vous comprends.

Automatiquement les deux se mirent à discuter comme s’ils se connaissaient depuis toujours. La discussion allait du séjour en Thaïlande de Charly à la rencontre de Mia avec Charles. Pendant des heures, les échanges passaient d’une ambiance gaie à une tablature plus sérieuse. Mia lui raconta alors l’altercation que Charles a eue avec DJ Crazy qui a promis tout faire pour éliminer Charles.

 

 

 

Charly tenait à sa sortie de chez sa belle-sœur, l’identité de l’assassin de son frère. Il tenait la statuette de son frère en mains et lui promit de le venger.

Voici Charly qui pénétrait en silence au club. Trois jours de traque avaient payé. Il l’avait retrouvé et attendait le bon moment pour lui régler son compte. En attendant que l’occasion ne se présente, il s’était payé une bouteille de bière qu’il ne touchait presque pas. DJ Crazy venait de finir sa première partie et s’était dirigé vers les toilettes. Automatiquement Charly lui emboîta le pas. Un ouragan venait de souffleter la porte des toilettes. Le pied droit de Charly fit voler en éclats la porte qui s’abattit sur la nuque de DJ Crazy. Ce dernier tenait encore sa verge.

Un tournevis venait de se planter dans l’épaule gauche du DJ. Il criait, Charly le menaçait à présent de le planter dans l’épaule droite.

 

 

– Charles pardon, pardon, je regrette d’avoir fait tomber ta copine, criait le DJ dont les yeux déversaient des torrents de larmes qui se mélangeaient à la bave qui dégoulinait de sa bouche.

– Que racontes-tu? Tu l’as tué, répliqua Charly presqu’en vociférant

-Non non, elle s’est relevé et est partie avec toi non, mais que dis-tu?

Charly se rendit à l’évidence que DJ Crazy ne connaissait rien de la mort de Charles.

C’était une déception pour Charly et toute la nuit, il s’en était voulu, pas d’avoir donné une bonne leçon à DJ Crazy mais de n’avoir aucun indice sur l’assassin de son frère. Assis sur le lit, tenant son frère dans les mains, il ne se rendit pas compte du moment où Morphée le prit et l’emporta dans ses bras.

-On n’est pas des occidentaux, les enquêtes se font à la source…Va me retrouver au village, la voix résonnait en écho, c’était celle de Charles.

Le sommeil était profond mais ces paroles résonnaient comme une berceuse dans sa tête.

 

 

Le vieux monsieur venait de jeter à terre le premier chapelet fait de noix de pommes sauvages divisées et des ossements divers. Puis il cria « Di gbidi yèkou », après avoir fait des vérifications d’usage avec les autres chaînes, il se redressa et dit à Charly : « Le mal vient de l’entourage immédiat. » Charly désirait savoir qui était l’auteur du meurtre. Le vieux monsieur lui conseilla de faire des sacrifices qui auraient pour effets de rendre malade l’auteur du crime qui ne trouvera guérison que s’il avouait son crime. Les sacrifices furent faits.

Il venait de prendre un tricycle motorisé en direction du temple du Dhamakaya en Thaïlande. Après quelques semaines d’attente, il s’était résolu à croire que les sacrifices faits chez le vieux monsieur n’avaient eu aucun effet et qu’il fallait pour lui retrouver sa paix intérieure en compagnie de son frère qui désormais le suivait partout. Ses pensée étaient toujours en désordre dans sa tête quand son portable sonna. C’était la notification d’un message whatsapp. Il alluma et vit une vidéo que venait de lui envoyer Mia avec qui il écrivait tout le temps.

 

La vidéo montrait un jeune homme décrépi, son allure squelettique montrait bien qu’il était très mal en point. « J’ai tué Charles, il était mon ami mais je lui en voulais pour son succès. Surtout avec Mia. Je lui avais pourtant dit d’oublier cette fille que j’aimais secrètement. Tous ces concerts qu’il faisait avec elle, ça devrait être moi. » La voix de l’homme était faible car ce dernier peinait à respirer. Charly regardait la vidéo l’air ahuri, mais il n’arrivait toujours pas à cerner ce visage qui lui semblait familier; mais il ne savait plus d’où il connaissait ce monsieur. Après une pause, l’homme étendu sur un lit reprit : « Le jour même de la dispute avec DJ Crazy, j’avais trouvé l’occasion propice pour verser dans sa boisson un breuvage qui devait le tuer dès qu’il prendrait du jus de baobab car je l’en savais accro. Sa mère en vendait à Porto-Novo. Je savais qu’il allait mourir là bas à Porto-Novo. Je veux mourir en paix » L’homme s’était arrêté de parler, des voix de personnes proches de lui l’appelait par son prénom : Chris, Chris, Chris.

Le tricycle s’était garé devant le temple mais Charly ne pouvait descendre, car foudroyé et statufié dès qu’il entendit le prénom Chris. C’était donc lui le proche dont parlait le Fâ. Revenu à lui, il descendit puis pénétra dans le temple où il passa des semaines de méditation intense.

 

Un matin alors qu’il s’apprêtait à aller à la bibliothèque du temple, il remarqua l’absence de son frère. La statuette avait disparu et toutes ses recherches furent vaines. Il décida d’en informer ses parents, mais à peine avait-il prit son portable qu’il sonna. Au bout du fil on lui annonça l’accouchement de Mia.

 

Elle avait fait des jumeaux, en présence de Charles dont la statue s’était retrouvée dans le lit de Mia. On appela les jumeaux Yvan et Yvon.

 

DOSSOU-YOVO Gloire Charley qui se cache derrière le pseudo de Twins DOSSOU-YOVO, est diplômé du Département des Lettres Modernes de l’Université d’Abomey-Calavi. Professeur de français dans les lycées et collèges, il cumule ces fonctions avec ceux de communicateur web, domaine où excelle dans la promotion par la critique d’œuvres musicales d’inspiration Hip-hop. Il dirige avec son frère jumeau Idéal Fugg, TWINS CORPORATE, qui est leur structure de communication en ligne. Il copilote le projet « Week-hits« . Twins DOSSOU-YOVO est un Passionné de lettres et de cinéma,  il continue d’y faire ses armes entant que réalisateur cinéma.