Bonjour les amis. Cette semaine, votre blog reçoit pour vous Monsieur Ghislain GANDJONON (G.G), connu sur facebook sous le nom de « L’observateur Anodin ». De par son statut de blogueur littéraire, il est un maillon important dans la chaîne du livre chez nous. Nous le remercions pour avoir accepté de se prêter à nos questions. Allons ensemble à sa découverte…
Interview accordée à Biscottes Littéraires par Monsieur Ghislain GANDJONON (G.G)
BL: Bonjour Monsieur Ghislain. Le blog Biscottes Littéraires est honoré de vous recevoir pour ses lecteurs. Veuillez-vous présenter à tous ceux qui veulent bien vous connaitre.
G.G : Ghislain GANDJONON, scientifique de formation (licence en installation et maintenance informatique, option enseignement) mais littéraire de passion (blogueur de littérature car féru de lectures). Actuellement, en service dans l’une des douze directions départementales du Ministère des Enseignements Secondaire et Technique et de la Formation Professionnelle.
BL: L’observateur Anodin! Drôle de nom n’est-ce pas? Quel mystère se cache derrière ce beau nom?
G.G : Sur le net, en dehors de notre identité civique, autant que nous sommes, y compris ceux qui ne se connectent à rien, nous avons tous une identité numérique. Elle est faite des traces volontaires que nous laissons sur le web, de ce que les autres font de nos profils et contenus que nous mettons en ligne et des informations identitaires des appareils à partir desquels nous nous connectons. De ces trois éléments, le seul que chacun peut contrôler, ce sont les traces volontaires, principalement les informations de nos profils dont les nom et prénoms. D’où l’utilité des pseudonymes. Et s’il y a un qui caractérise le mieux mon attitude sur Facebook, c’est L’observateur anodin.
BL: Cette interview est possible parce que votre statut intéresse nos lecteurs : pourquoi aimez-vous le livre ?
G.G : (Sourires !) J’aime le livre parce qu’il me donne les moyens de l’aimer. Quand je lis, contrairement aux images qui sont une prison pour mon imagination, selon mon niveau de vocabulaire, je jouis de ma liberté de donner une représentation virtuelle à ce que je lis. Une représentation qui est dynamique à chaque ressassement du même ouvrage : c’est la partie excitante de l’acte de lire. Et je suis convaincu que sans cette adaptation imaginaire, les vers du poète resteront des mots sans écho chez le lecteur. Je reconnais que dans tout mon cursus scolaire, je n’ai jamais fait une série littéraire ou des formations universitaires en littérature en dehors des cours de français au secondaire et de TEEO (Technique d’Expression Écrite et Orale) à l’université. Mais je dois avouer ici que cet amour est le fruit de certaines situations vécues et de rencontres prodigieuses. Pour avoir été seul dans une maison quand j’étais au premier cycle du secondaire, les seuls êtres qui me tenaient compagnie se trouvaient dans les livres : Sganarelle, Béline, Cléante, Argan, Toinette, Géronte, Martine, Dom Juan, Tintin et Milou…Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, les Aventures de Finagnon, Kouakou, ….Et pour aller à eux, je n’avais d’autre choix que de lire. Il y a ensuite certains professeurs qui m’ont transmis cette passion livresque. C’est le lieu de leur dire merci. Je veux nommer Bernardin Tavi (l’actuel Directeur du CEG Ste Rita), Jules Omer Vieyra, Koba Evariste, Roméo Sodokin.
BL: Qu’est-ce qu’être un amoureux du livre aujourd’hui au siècle des technologies ?
G.G : L’amour du livre est un état d’être qui s’acquiert, grandit et qui peut évoluer selon bien de facteurs. L’avancée à grands pas de la technologie ces dernières décennies a aussi impacté le secteur du livre avec les supports numériques et audio qui investissent déjà les librairies en ligne et nos bibliothèques. Et donc pour moi, c’est plutôt maintenant que l’amoureux du livre a plus de moyens pour vivre sa passion. Certes, le livre peine à être dématérialisé totalement et ne le sera peut-être jamais, mais l’édition numérique est en pleine extension. C’est reconnaître que le livre devient plus transportable et plus amovible. Du coup, l’amoureux du livre à l’ère du numérique a plus de facilité à vivre sa passion.
BL: L’amour de la littérature vous a poussé au blogging littéraire. Quand et comment cette concrétisation est-elle advenue?
G.G : Tout a commencé en 2013 avec ma participation en tant que journaliste au concours Mondoblog organisé par l’Atelier des médias de RFI. À l’issue du concours, j’ai eu l’opportunité de démarrer mon premier blog d’informations. J’officiais encore à Courriers des Afriques (www.courrierdesafriques.net) en qualité de rédacteur en chef. C’était donc facile pour moi d’avoir du contenu pour mon blog. Or, cette ambition d’appâter les internautes avec mes comptes rendus de lectures somnolait déjà en moi. Mais le temps matériel me faisait défaut, vu surtout les préoccupations professionnelles. Il faut attendre 2016, après une rencontre avec Eurydoce Désiré Godonou, un des pionniers de la blogosphère littéraire béninoise, à Natitingou, pour que je me décide définitivement. Et j’ai choisi mettre en ligne mon premier billet le jour d’anniversaire d’un jeune écrivain béninois dont j’admire particulièrement la plume : un soir du 19 août 2016.
BL: Qu’est-ce qui en est l’origine ou la motivation ?
G.G : On le sait tous : la passion livresque est en plein déclin à l’ère du numérique et la littérature avec ! Mais ce n’est pas que la littérature, c’est aussi l’école. Il est très rare voire rarissime de voir un élève ou même un étudiant en littérature muni d’un livre sans qu’il n’y ait une contrainte derrière. En lieu et place du livre, c’est plutôt presque toujours un portable Androïd avec Whatsapp ou Facebook. Du coup, j’ai compris que s’il y a un raccourci pour intercepter, pour renouer la génération dite tête-baissée avec le livre, c’est le blogging littéraire. À travers mes billets de lectures, les inciter à lire.
BL: Parlez-nous de ce blog dans ses œuvres, objectifs et impacts ?
G.G : Comme l’indique son nom : ce sont des racontars de lectures, des lectures racontées. Ce ne sont pas des comptes rendus de lectures, des critiques ou bien encore des chroniques littéraires au sens propre ou formel du terme. Ensuite, le niveau de langue des racontars de lectures proposés par le blog est accessible à tous ceux qui ont un niveau moyen.
Racontars de lectures était au départ une sorte de blog-passion. L’objectif à la longue est de devenir un blog-entreprise sachant que cette dernière étape est précédée d’une professionnalisation. Et à travers chaque publication, en dehors de l’incitation à lire le livre, nous visons faire connaître la littérature béninoise au-delà de nos frontières. En dehors du blog même, il y a les relais sur les réseaux sociaux (Facebook et Google+). Ce sont des pages sur lesquelles, plusieurs activités visant l’interactivité avec les abonnés sont menées telles que la mise en forme et le partage de citations tirées des ouvrages.
BL: Vos objectifs sont-ils atteints?
G.G : Il est trop tôt pour bien répondre à cette question.
BL: Le blogging littéraire répond-il selon vous aux aspirations des amoureux du livre au Bénin ?
G.G : Si les aspirations de ceux-ci s’identifient au partage avec les autres des émotions qui jaillissent de leurs lectures, je réponds oui. Car, en me considérant comme l’un d’eux, j’avoue que je déborde de félicité chaque fois que je me retrouve dans des échanges portant sur un ouvrage que j’ai lu : en écoutant les uns et les autres et en me faisant écouter par ceux-ci, je redécouvre le livre à travers leur lecture. Comme je l’ai dit plus haut, l’amour du livre est un état d’âme qui évolue selon bien de facteurs.
BL: Quel impact un blog littéraire a-t-il sur l’internaute différemment du livre lui-même ?
G.G : Le même que l’exhalation d’un repas sur des éventuels convives.
BL: Quelle influence positive les blogs littéraires peuvent-ils avoir sur les élèves qui n’ont pas toujours accès à Internet ?
G.G : Je ne dirai pas aucune et cette influence est relative aux localités dans lesquelles se trouvent les élèves. Dans tous les cas, tant qu’ils accèdent à internet, les blogs les inciteront à aller aux ouvrages selon leurs moyens. Tenez par exemple : qui mieux que les blogs pour présenter les livres aux programmes ? Et si je ne m’abuse, Biscottes littéraires est le seul blog qui a présenté, sinon presque, tous les ouvrages retenus au programme dans nos lycées et collèges. Et chaque fois que les apprenants sont appelés à produire un exposé sur un de ces ouvrages, le réflexe est connu : on va sur les moteurs de recherches (google.bj et autres). Et ils finiront toujours par atterrir sur des blogs tant que ceux-ci font leur travail.
BL: La littérature béninoise a-t-elle vraiment besoin de blogs qui se consacrent à elle ? Si oui, que faire pour mieux faire évoluer le secteur ?
G.G : C’est comme se demander si le marketing est essentiel pour la vente d’un produit. Dans le concert des nations, ce qui nous rend différents de tous les autres, c’est aussi notre littérature. Et tous les médias sociaux numériques, dont en particulier les blogs, sont autant de canaux pour la présenter au monde. Le blog est l’un des médias sociaux les plus participatifs sur Internet. Et c’est aujourd’hui un des meilleurs moyens de collaborations entre le trio auteur – maison d’édition – lecteur. Le livre, un des moyens d’expression de notre littérature parmi tant d’autres, en tant que produit commercial, déserte déjà les librairies pour les boutiques en ligne, et en tant que produit de l’esprit, il nécessite et suscite d’ailleurs des débats littéraires sans limites géographiques. C’est grâce à un blog que j’ai su par exemple que Colbert D. Tatchégnon a publié son dernier ouvrage. C’est aussi sur les médias sociaux que nous avons, sans nécessité de nous déplacer, fait le débat entre lecteurs et auteurs autour dudit ouvrage, vous en savez quelque chose.
Le blog littéraire est aujourd’hui un maillon indispensable de la chaîne de promotion de la littérature. Et pour mieux confirmer son indispensabilité, comme dans tout secteur d’activité, il a besoin d’être organisé et régulé. Pour survivre et mieux servir ses partenaires – lecteurs, auteurs et maisons d’édition, il doit viser perpétuellement le professionnalisme.
BL: Parlez-nous de vos merveilleuses expériences avec les auteurs des livres béninois d’une part et d’autre part avec les lecteurs de vos articles.
G.G : À titre d’expériences merveilleuses avec des auteurs, il y en a beaucoup. Celle qui m’a surtout marqué est avec Hermas Gbaguidi à Natitingou. Alors qu’on papotait autour d’un pot dans le cadre d’un festival que nous organisions, Hermas Gbaguidi, Martial Ouamou (alias Datamao) et moi à propos de sa dernière signature de recueil de pièces de théâtre, ‘Le Kleenex qui tue’, il décide de nous faire une révélation. Dans la première pièce de théâtre, celle dont le livre est éponyme, il a exposé l’histoire de Martial et de Nafissa. Martial, jeune artiste, a fait déplacer la belle Nafissa du Togo voisin pour Natitingou afin de passer quelques moments sulfureux à deux. Mais, le temps de faire un tour en ville, à son retour, il constate que sa chérie, pendant ce laps de temps, a été infidèle dans son lit. Cette dernière réfuta l’accusation avec la dernière véhémence. Mais quand Martial fit sortir la preuve irréfutable, la semence emmaillotée dans un kleenex, Nafissa, la bouillante, se confondit en excuses. J’ai eu la primeur d’assister à l’étonnement de Martial Ouamou, l’ami de Hermas Gbaguidi qui a effectivement vécu l’histoire racontée quand il a su que c’est ce qu’il a vécu qui a fait l’objet de la pièce phare du livre rouge. Sauf que lui, Martial le vrai, n’a pas cherché à se venger comme Hermas nous le fait revivre dans son ouvrage, il a plutôt renvoyé la copine infidèle, Nafissa. L’instant était magique. C’était la première fois que j’assistais à une scène pareille.
Avec les lecteurs, ce sont les débats suscités par les publications dans des cercles composés parfois de grosses pointures du secteur du livre. Je suis souvent ému, quand ils me font part de leur admiration pour le travail qui se fait avec parfois aussi des propositions de contenus pour le blog.
BL: En dehors du blogging, comment les réseaux sociaux peuvent booster la littérature aujourd’hui?
G.G : Les réseaux sociaux sont un outil de communication de masse très participatifs et dynamiques, comme je l’ai reconnu plus haut. Il revient aux acteurs de la littérature (écrivains, maisons d’éditions, consommateurs de produits littéraires, …) de s’en servir pour soigner le principal mal dont souffre le secteur : la carence en actes de promotion et de communication.
BL: Vous, Ministre de l’Éducation, quelles seraient vos priorités pour relever le défi du niveau de plus en plus bas des apprenants?
G.G : L’insertion de la dictée et des épreuves d’études de texte comme au temps de l’école nouvelle, et l’instauration d’une discipline d’expression écrite et orale en langues nationales.
BL: Quelle stratégie préconisez-vous pour intéresser davantage les jeunes à la lecture?
G.G : Leur porter l’information livresque et les inciter à la lecture en se servant de ce qui les passionne désormais : les réseaux sociaux numériques. Faire la promotion des activités et événements qui créent le challenge autour du livre entre jeunes : les concours d’écriture, de lecture, de déclamations et tout ce qui pourrait mieux rapprocher les jeunes de la lecture.
BL: Du Quartier Latin, nous sommes « descendus » au Quartier Latrine/Fretin » d’Afrique (selon certaines blagues de mauvais goût). Selon vous, quel virage avons-nous mal négocié?
G.G : L’instabilité dans les politiques de l’éducation d’une part et notre incapacité à adapter ce que les pays du Nord nous proposent à nos réalités d’autre part.
BL: La culture/littérature aujourd’hui au Bénin se porte-t-elle bien? Quelles sont vos certitudes que tout ira pour le mieux dans l’avenir si tant est que presque rien n’est véritablement fait en termes de jalons ou de pépinière qui puissent porter des fruits dans le futur?
G.G : C’est sûr, elle ne se porte pas du tout bien. Mais l’espoir est permis ! Avec la multiplication des initiatives visant à faire germer et entretenir la passion de l’écriture et de la lecture, l’espoir est permis. Loin d’être exhaustif, je peux citer pêle-mêle « le salon du livre béninois« , les concours « Plumes dorées« , « Miss littérature« , « Livre d’or« , « Plumes scolaires« , « Mon plus beau livre« , « Le Prix du président de la république« …. Du côté des centres de lecture, je peux citer les Centres de Lecture et d’Animation Culturelles (CLCAC) qui n’ont besoin que d’un peu plus d’entretien et d’effort de communication pour mieux rayonner. Il y a aussi la Fondation Zinsou qui n’est plus à présenter au Bénin ; ensuite Odon Vallet qui fait beaucoup pour la promotion de la lecture à travers les installations et équipements des bibliothèques du CAEB : j’en connais au moins quatre ; quatre mines d’érudition de la connaissance livresque. Il y a enfin LAHA qui fait un effort perceptible sur le terrain. Et bien entendu, on doit savoir compter désormais avec la blogosphère littéraire béninoise qui a aussi son mot à dire.
BL: Un mot sur la question de l’édition au Bénin….
G.G : Un secteur qui se cherche, qui évolue à tâtons et caractérisé par des créations tous azimuts de maisons d’édition. Et si ça doit continuer ainsi, chaque écrivain aura sa propre maison d’édition. Une situation qui est loin d’honorer le métier.
BL: Vos projets d’avenir !
G.G : Agrandir l’équipe. Rebâtir le blog. Nouer des partenariats avec des personnes morales et physiques du monde du livre. Se faire une place dans les instances de promotion du livre au Bénin. Étendre les publications à d’autres pays.
BL: Vous envisagez certainement sortir un livre sous peu…
G.G : Oui mais pas « sous peu ».
BL: Un recueil de poèmes?
G.G : Recueil de poèmes, de nouvelle mais aussi une publication propre à mon domaine de formation (informatique)
BL: Pourrait-on remplacer « sous peu » par « cette année » et avoir la même réponse?
G.G : (sourires) Non
BL: Il faudra alors attendre encore pour toucher le papier…
G.G : Oui, exact
BL: Vos conseils à l’endroit de ceux qui veulent faire comme vous.
G.G : Selon Jacques Salomé, « un livre a toujours deux auteurs: celui qui l’écrit et celui qui le lit. » Le blogueur est donc d’abord écrivain. Et n’écrit que qui a bu de la littérature. Que leur démarche ne soit pas du snobisme mais plutôt une démarche de passionné. Ensuite, se former et régulièrement s’informer sur cette nouvelle occupation. Le blogging littéraire est exigeant et vous demande plus qu’il n’en faut parfois : les moyens financiers (il faut forcément avoir un budget pour les achats des livres, la connexion Internet, …) et du temps (chaque article publié est la résultante de plusieurs heures de lecture et de rédaction). Et pour ne pas faire trop de dégâts, un bagage littéraire plus ou moins important et savoir choisir chaque mot, même le moindre déterminant compte pour le regard que porteront vos lecteurs sur votre blog et sur chacun des ouvrages que vous présentez, car le blogueur est après tout vendeur.
BL: Mot de la fin
G.G : Merci à http://biscotteslitteraires.com/ qui a été le premier à semer le germe de cette collaboration inter-blogueurs qui porte déjà des fruits. Merci à tous ceux qui croient comme nous que la littérature béninoise mérite d’être promue. Prospérité et longue vie à la blogosphère littéraire béninoise !
Je vous remercie.
J’ai pris beaucoup du plaisir à lire cette interview. Merci à Biscottes qui nous a réunis ici.
Vive le blogging littéraire. A notre façon, élevons la littérature béninoise.
Dieu nous y aide
Merci à Biscottes pour ce qu’il fait et pour l’intérêt porté à notre modeste personne.
Ce fut un honneur pour nous, frère Ghislain, de vous avoir reçu chez nous. Installez-vous confortablement. Mane nobiscum