Il est jeune et talentueux. Il nous vient du pays de Omar Bongo. Il n’a qu’une passion : l’Afrique. Découvrons ensemble Efry Trytch Mudumumbula, l’écrivain qui porte l’Afrique au cou.
« L’écrivain pleure… C’est vrai. Il a mal, énormément mal. L’Africain se laisse facilement appâter par les autres. Il calque tout sans distinction. »
BL : Bonjour monsieur Efry Trytch Mudumumbula. C’est avec joie et allégresse que nous vous recevons sur notre blog. Avant la présentation proprement dite, introduisez-nous dans le mystère de vos nom(s) et prénoms.
ETM : Beau jour à vous Biscottes Littéraires. D’abord, permettez-moi de vous exprimer ma profonde gratitude du fait de me recevoir sur votre plateforme littéraire.
Ensuite, merci pour ce que vous faites pour les auteurs, c’est là une grande opportunité que vous nous donnez. C’est là un moyen autre d’élargir notre champ de possibilités. Grand merci. Enfin, mon nom signifie simplement: le guide, le chef, le tonnerre grondant, le succès et l’autorité.
BL : De Efry Trytch Mudumumbula, que pouvons-nous savoir davantage ?
ETM : Sincèrement, je n’aime pas parler de moi. Je ne sais pas parler de moi. Je préfère surtout que l’on me découvre. Toutefois, Efry Trytch est Gabonais, né le 09 mai 1991 dans la province de l’Ogooué Lolo à Koula-Moutou où, j’ai passé la grande de mes études primaire et secondaire. Maintenant, Le romancier et nouvelliste, Efry Trytch Mudumumbula, est étudiant de master 2 au département de Littératures Africaines en parcours Littérature Gabonaise, à l’Université Omar Bongo de Libreville. En plus de sa plume, il a un second violon d’Ingres qui est la comédie. En effet, l’auteur est acteur de cinéma de la structure LBVWOOD PICTURE et comédien de théâtre à l’atelier Eyéno chez Michel Ndaot. Il a joué dans : 1964 et une commande de l’Union Européenne.
Dans 1964, il campait le rôle du général colon (représentation donnée le 17 avril 2018) ; et la commande de l’Union Européenne regroupait 5 arts: la danse, la musique, la photographie, le mannequinat et le théâtre (représentation donnée le 17 mai 2018).
BL : Qu’il pleuve ou qu’il neige, Efry ne se sépare pas de son pendentif. Cette Afrique miniature accrochée à votre cou est votre vade-mecum. Simple agrément vestimentaire ou quoi précisément?
ETM : Ce pendentif (comme vous dites) est une motivation pour moi. Celui-ci a une dimension spirituelle en réalité. C’est la représentation parfaite (selon moi) de cette Afrique qui agonise et ce malgré une richesse (humain et matériel) sans égale. D’ailleurs, la couleur rouge qui est symbole du sang (dans son sens négatif) est évidente.
Toutefois, la mère de la vie qui jadis se mourait est en train de changer de mentalités par le biais de sa nouvelle génération. Le rouge qui avant avait cette puissance négative, devient la couleur de la révolution et de la création. Alors, quand un africain peu importe l’endroit, élève l’image de maman Africa, le poids de notre mère sur mon cou s’allège. C’est dire la fierté que j’ai d’être de cette génération. Ce pendentif et moi ne faisons plus qu’un.
BL : On lit ceci sur votre mur : « Je suis un villageois et je n’aime pas la grande ville. Quand j’y suis, non seulement la forêt me manque, mais aussi la chasse, les pièges, les contes autour du feu et les conseils des sages m’appellent. Impossible pour moi d’ignorer l’appel. C’est plus fort que tout moi. » Toutes ces merveilles du village, existent-elles encore ?
ETM : Dans plusieurs villages oui. Je suis fils de traditionnaliste donc, il y a des choses qui existent encore chez nous et plus chez les autres. Même si la mutation est souvent plus forte.
BL : Comment avez-vous, chemin faisant, rencontré Dame Ecriture ? D’où vous est venu l’attrait pour la plume ? Comment tout a commencé ?
ETM : Nous sommes de ceux-là qui n’avaient pas de télévision, de téléphone et tous les autres accessoires que nous avons maintenant. À l’époque pour communiquer, il fallait écrire. Donc, avec la grand-mère qui ne savait ni lire ni écrire, aîné, j’y étais obligé. Et puis, pour attirer les jeunes filles, il était alors important d’avoir « le verbe ». Donc, j’ai débuté avec ces poèmes qui m’amusent quand je les sors.
Mais, c’est non seulement après la lecture de deux œuvres assez faciles à comprendre: « Les matitis » d’Hubert Freddy Ndong Mbeng (en classe de 3eme) et « Ville cruelle » d’Eza Boto – pour mon plaisir personne – que j’avais rencontré dans la bibliothèque du Lycée d’État Jean Stanislas Migolet de Koula-Moutou. Mais également, après le double drame qu’il eut pendant la même période. C’est-à-dire la grève qui éclata en 2009 suivi des notes catastrophiques de l’examen du BEPC blanc que les enseignants, ne voulant pas faire cours, les reportèrent simplement dans les bulletins en causant un fort taux d’échec. Toutefois, j’obtins mon examen et pas le passage en 2nd qui lui, était conditionné par l’obtention non seulement de l’un mais aussi de l’autre. Là, je me suis dit : pourquoi ne pas faire comme eux (les deux auteurs susmentionnés). N’ayant pas les outils nécessaires, j’ai débuté la rédaction en 1er et, c’est en 2013 – 2014 à l’université que la rédaction a véritablement commencé.
BL : Que représente l’écriture pour vous ? Un métier, une mission ou un passe-temps?
ETM : L’écriture est un nouveau code, une nouvelle famille pour moi, et la famille est sacrée chez moi.
BL : Et depuis lors vous vous y êtes accroché. Elle vous a bien souri, puisque vous êtes déjà auteur de deux livres et le troisième sera bientôt disponible en librairie. Ecrire n’est pas tâche aisée. Se faire éditer encore moins. À quelles difficultés avez-vous été confronté jusque-là ?
ETM : Écrire est difficile c’est vrai. C’est beaucoup de codes, le rythme, le style… Mais, on peut évidemment faire face tout seul en lisant, etc. Le grand défi est dans l’édition. Trouver un éditeur également c’est facile puisque, on peut vous éditer gratuitement. Mais, c’est trouver le bon éditeur qui donne des céphalées. Chez moi, plusieurs maisons d’éditions demandent 150.000fcfa juste pour la lecture. Imaginez un peu si on vous dit oui. D’autres, ne vous adressent même pas l’accusé de réception du texte. Il y a pire, le nom et la carrière jouent. Alors, j’ai cherché des maisons d’éditions gratuites pour commencer à me faire un nom. J’ai fait éditer les deux premiers textes chez Édilivre. Même si aujourd’hui je regrette vraiment ce choix, cela m’a permis de grandir, de comprendre mieux ce monde et d’avancer. C’est vraiment important de se prendre des briques sur la tête pour évoluer.
BL : De la politique aux maux qui minent la société, votre plume indexe tout, dénonçant au passage, moralisant de temps en temps. Est-ce cela le rôle de l’écrivain pour vous, tout dire et ne rien taire ?
ETM : Un écrivain n’a pas le droit de se taire. Mon quatrième texte : « Les Larmes De Ma Conscience » en dit long. Il y a dedans une phrase que j’adore : « C’est le silence des hommes bien qui tue ». Un écrivain est un homme bien et se taire c’est être complice.
BL : Que signifie pour vous, être écrivain au Gabon aujourd’hui ?
ETM : Être un écrivain au Gabon aujourd’hui, c’est parler comme Aimé Césaire au nom du peuple Gabonais. Dire les réalités sans les « make-uper ». C’est ça pour moi être véritablement un écrivain au Gabon et aussi ailleurs.
BL : « Chronique d’un Dieu oublié ». Quel Dieu oublie-t-on? Et comment oublie-t-on Dieu? Et qui l’oublie ?
ETM : On oublie le Dieu en nous comportant comme des sauvages. Ces quelques vers donnent une vision claire du comportement de ceux qui oublient Dieu:
Le monde est un vaste chantier en perpétuel construction
Dans lequel, chacun voudrait uniquement construire son avenir
Perdu dans la nuit nocive de l’ambition
L’on ne voit pas le mal venir
À peine arrivé qu’il transforme déjà le monde en un immense champ de bataille
Dont chaque humain est conduit par le désir
d’être le baron
Au lieu de se soutenir, les hautes tailles
Marchent sur les petites afin de vendre leurs rêves jusqu’à l’horizon
Pourquoi érigez-vous entre vous ce grand mur ?
En vérité, sur cette route, votre avenir promet le sang du prochain.
Mettant alors sous-scellées, l’avènement d’un Amour futur.
En si mauvais chemin, votre condition est semblable à celle d’un chien.
« Chronique d’un Dieu oublié ».
BL : Mimbi est un nom qui revient dans plusieurs de vos textes, un peu comme Malko chez Gérard de Villiers. Il doit représenter quelqu’un de spécial pour vous. Peut-être votre double…
ETM : Mimbi, c’est la porte qui mène vers le bien. C’est la voie/voix profonde de l’humain. C’est l’œil qui rejette la poussière, le bouclier du chevalier. C’est le sauveur. Comment ne pas aimer un tel personnage.
BL : Une de vos nouvelles s’attaque à l’homosexualité. Ce qui ne serait certainement pas du goût des partisans LGBT qui crient jour et nuit « Amour pour tous, mariage pour tous ». Qu’avez-vous à leur répondre ?
ETM : S’ils sont heureux avec cette forme de sexualité, qu’ils la garde pour eux dans leur endroit secret sans déranger les autres. Le comble, c’est qu’ils veulent l’imposer aux autres. Dans certaines administrations, c’est obligatoire dit-on.
L’homme est un comprimé amèrement dangereux. C’est une menotte difficilement détachable que l’humanité a désormais entre ses poignets. Mais, le changement n’est pas impossible. L’Homme à ce pouvoir-là, cette force et cette capacité de tout rebâtir. Ayez confiance en la source de la création. Revenez à l’Oralité.
BL : N’avez-vous pas peur d’être traité d’homophobe ?
ETM : Je n’ai pas peur d’être traité d’homophobe puisque, je ne le suis pas. Mon éducation et surtout, mes valeurs traditionnelles m’interdisent juste d’avoir ce genre de penchant. Si chacun revenait à ses valeurs intrinsèques, surtout pour nous africains, nous gagnerons énormément.
BL : Avec « Les Larmes De Ma Conscience », nous assistons à une description apocalyptique. l’écrivain s’émeut, pleure, et ça s’arrête là. Suffit-il d’aboyer pour inquiéter la caravane ?
ETM : L’écrivain pleure…c’est vrai. Il a mal, énormément mal. L’africain se laisse facilement appâter par les autres. Il calque tout sans distinction. Pire, il ignore ou rejette ses acquis aux profits de ceux des autres. C’est un appel, une alerte, un SOS. C’est un « ça suffit comme ça ». Nous ne sommes plus des chiens qui aboyons la caravane. Nous sommes désormais des panthères. Est-ce que la caravane aura-t-elle encore le courage de passer ?
BL : Mimbi votre héros devient la voie et la voix. Contrairement aux politiciens «mabouls ridicules», il rééquilibrera la vie de ceux qui l’ont hissé au sommet. Pourtant le constat est tout autre dans nos pays. Des gens en qui le peuple a confiance, dès lors qu’ils goûtent au pouvoir, finissent par piétiner les intérêts de ce même peuple. Que voulez-vous exprimer en choisissant une telle destinée pour Mimbi ?
ETM : Je vous ai dit plus haut, c’est un personnage pas comme les autres. Si nous arrêtons de proposer des pistes de solutions, nous aurons raté notre mission. Le peuple sait que le politique est ingrat. Alors, par ce héros, je voudrais montrer au peuple que cela peut arriver. Et puis, la victoire ne s’acquiert guère en un seul jour. Quant aux politiques, c’est ici pour moi l’opportunité de leur donner une validité nouvelle de la démarche à suivre.
BL : Pensez-Vous que la politique est un monde vicieux qui corrompt et dénature tous ceux qui s’y aventurent?
ETM : Oui et non. Oui, parce que dans un gouvernement des incapables, vous différencier sonnera comme un «vouloir se faire voir », « vouloir faire mieux que X ou Y».
Non quand vous partagez tous le désir de faire mieux que les autres dans vos fonctions. Les exemples de gestions calamiteuses sont légions en Afrique.
BL : Mais alors, il faut quand même des hommes et des femmes pour faire la politique ?….
ETM : Absolument. De bonnes personnes simplement. Mettre en avant la méritocratie et non « l’amicologie ».
BL : Pourquoi » Chronique d’un Dieu oublié » paraît-il en Côte d’Ivoire et non dans votre Gabon natal ?
ETM : Ce texte paraît en Côte d’Ivoire parce que, pendant près de huit mois, j’ai patienté le retour de l’édition sans écho favorable. On me disait même que le texte n’était pas encore transmis au comité de lecture huit mois après. Je voulais bien le faire éditer chez moi.
Cependant en CI, le contact s’est vite établi et la communication était rapide. La qualité (tant matériel que niveau prix) y est. J’en suis fort aise.
BL : « Le chemin qui mène vers… », C’est le titre pour le moins très curieux d’un de vos ouvrages. De quel chemin s’agit-il? Qui le trace et vers…quoi mène-t-il?
ETM : Le chemin qui conduit soit vers les « mabouls ridicules » soit vers le peuple. C’est le héros qui trace son propre chemin.
Désormais, il revient à chacun de demeurer l’architecte de sa propre vie. Construisons-la avec l’Amour pour mot d’ordre. Ne jamais oublier que « La bouche est le messager du cœur et l’oralité, le pinceau du Créateur. »
BL : Dans « Mimbi et le monde », on lit ceci : « si ce sont les ‘’déshumanistes ’’ qui nous conduisent, ils ne peuvent faire que le maximum que proposent leurs grosses têtes vides : argent + femmes (folies) = pouvoir ». De qui parlez-vous concrètement ? Le ton n’est-il pas trop dur ?
ETM : Il s’agit des dirigeants effrontés. Un écrivain ne « make-upe » pas la réalité. Il la dit telle qu’il la ressent.
BL : Que pensez-vous faire pour que la littérature gabonaise soit davantage connue et aimée à l’internationale ?
ETM : Pour réussir ce challenge, il va falloir d’abord que les textes aient un coup à la portée de toutes les bourses. Donner le goût et la culture de la lecture à la jeunesse ensuite, et bien former la jeunesse enfin
(Sphère nationale). À l’international, avoir des textes de bonnes factures, la prise en main de la chose littéraire par les critiques d’abord Gabonais, obtenir des grands prix internationaux, participer et organiser aux/des colloques sur ladite littérature…
BL : Avez-vous des projets littéraires ?
ETM : Oui j’en ai plusieurs écrits mais pas achevés:
- L’appât-science.
- La sédition des vagins.
- Village d’orphelins de parents vivants.
- Dites au Président que c’est un an foiré.
- Chef de l’étang.
BL : Votre mot de la fin
ETM : Merci de m’avoir donné la chance de grignoter quelques Biscottes Littéraires