« Elle est jeune et motivée. Elle vient de publier son premier roman: « Un amour inoxydable ». Elle s’appelle Sylvia AMADOU : « Pour moi l’écriture est un chemin vers la liberté. C’est comme explorer une grotte dont on n’est pas sûr d’atteindre les profondeurs.« 

BL : Bonjour Mlle Sylvia AMADOU. Votre nom n’est certainement pas des plus connus dans le paysage littéraire béninois. Veuillez-nous en dire un peu plus sur vous, s’il vous plaît.

SA : Je m’appelle Sylvia AMADOU. Je suis une journaliste en fin de formation. J’ai une licence en journalisme. Je suis l’auteur du roman un amour inoxydable paru aux éditions immaculées il y a à peine un mois. Ce roman est d’ailleurs mon premier pas dans le monde des écrivains. Je compte continuer mes études et comme vous en dit ma présentation, je suis une toute jeune fille qui n’a pas encore un long parcours.

BL : Vous êtes journaliste et jeune écrivaine. La plume, ça vous connaît, votre quotidien baigne dans les mots. On devine sans grand mal que vous êtes une grande passionnée des lettres. Comment et quand cette grande histoire d’amour a-t-elle commencé ?

SA : Mon histoire d’amour avec les lettres a commencé très tôt. J’aimais lire. A cinq ans déjà, je lisais des livres pour enfants comme Daniel et Valérie ; les livres de la collection Martine (Martine à la cuisine, Martine à la foire…). Au collège, mon tuteur m’encourageait à lire davantage. Avec lui j’ai fait la rencontre des classiques comme Zadig, Emile et plein d’autres. J’étais un rat de bibliothèque au point où il a fallu qu’on me réduise à deux livres au plus par semaine. Jai donc commencé à écrire. Au début c’était de petites histoires que je cachais parce que je les trouvais maladroites. Je me suis vraiment lancée après le concours d’écriture lancé par la maison TV5 de Natitingou où j’avais remporté un prix. Jai continué à écrire et à participer à des concours. Jai participé au prix du jeune écrivain francophone avec une nouvelle intitulée la djellaba noire qui n’a pu aller qu’en demi finale. Jai remporté l’année dernière le premier prix du concours colorful africa catégorie conte avec mon conte « la sagesse du roi Sanbinougui ». Cette année je repars avec le premier prix du concours Ecrivain en herbe avec mon texte : « le sacrifice de la princesse ». J’aime l’écriture et elle et moi, sommes plutôt complices. Toutefois, j’ai encore beaucoup à apprendre de mes ainés.

BL : 21 ans et déjà auteur d’un roman. Vous portez un titre auquel n’importe qui ni tout le monde ne peut prévaloir. Celui d’ECRIVAIN. Écrivaine comme Sophie ADONON, Carmen Toudonou, Adélaïde Fassinou, Jean Pliya, Victor Hugo. Ne ressentez-vous pas une certaine pression ce titre ?

SA : Je suis peut- être écrivain mais je ne peux pas me comparer à ces auteurs-là d’ailleurs que j’admire beaucoup. Pour moi ce n’est qu’un titre que je vais tenter de mériter et cela en allant à l’école des autres et en apprenant. Cela ne constitue en aucun cas pour moi une pression. J’ai besoin de soutien pour me parfaire et mon entourage à sa façon essaie de m’éduquer pour réellement mériter ce titre.

BL : Écrire , c’est tout un art. Quelle conception personnelle avez-vous de l’écriture et quel objectif vous êtes-vous assigné en empoignant la plume ? 5On a lu l’amour impossible, l’amour passion, l’amour tragédie, l’amour conte de fée. Vous, vous écrivez l’amour inoxydable. Pourquoi

SA : Pour moi l’écriture est un chemin vers la liberté. C’est comme explorer une grotte dont on n’est pas sûr d’atteindre les profondeurs. L’écriture au-delà de tout est un jardin où comme un potier, on crée ses personnages, on leur donne vie et on ressort une image de notre choix.   Ecrire, c’est rêver et s’envoler au-delà des frontières que la vie réelle vous permet d’explorer. Et en écriture, il faut aller à son rythme pas au rythme de ceux qui sont autour. Ecrire c’est la liberté de rêver. Mon souhait c’est de suivre la trace de mes ainés comme Jean PLIYA, Paul HAZOUME, Félix KOUTCHORO, Florent COUAO ZOTI et d’apporter ma personnelle. Je suis au début et je sens que je vais beaucoup apprendre. Je compte être un modèle de simplicité comme une auteure que j’admire beaucoup. Il s’agit de madame Carmen Toudonou. J’aimerais comme elle redorer le blason des femmes écrivains de mon pays mais aussi d’ailleurs. Pourquoi pas une Simone de Beauvoir en devenir ?

 BL : Vous faites partie d’une génération montante de jeunes écrivains béninois intarissables de verve. Comment appréciez-vous l’environnement littéraire béninois contemporain ?

SA : Au Bénin, lorsqu’on parle d’écrivains, peu de femmes sont citées. Les hommes font le paysage littéraire du Bénin. Des femmes ont déjà commencé : Lhys Dèglas, Carmen Toudonou, Sophie Adonnon… mais c’est insuffisant. Il faut que nous autres  de la jeune génération apprenons de nos ainées, que nous suivons leur trace et que nous produisons des œuvres de qualité qui seront aussi retenues un jour au programme. Je pense que l’environnement littéraire béninois demande à nous ses filles de nous battre pour produire de belles choses à la suite des hommes forts comme Paul Hazoumè, Jean Pliya qui ont marqué le Bénin.

BL : Écrire, ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile. Quantité de contraintes jalonnent le chemin. Et il faut y faire face. À quelles difficultés avez-vous jusque-là été confrontée? Comment les avez-vous affrontées ? Et quelles armes vous êtes-vous forgées pour surmonter d’éventuels obstacles futurs ?

SA : Je ne vois en l’écriture aucune difficulté. Il faut avoir de la passion pour quelque chose et réunir les moyens pour y arriver devient pour vous un passe temps. Moi particulièrement, je n’ai pas eu de difficulté pour écrire. Mais pour l’édition, il faut réunir des fonds. C’est à ce niveau qu’on peut parler de difficulté. Pour la franchir, j’avais à coté des personnes qui comme moi brûlent de passion pour la lecture. Elles me sont venues en aide et le tour a été joué. Pour réussir à franchir toutes sorte de difficultés, quand on aime vraiment ce qu’on fait, on y arrive toujours, car comme on le dit, vouloir c’est pouvoir.

 

BL : L’amour, un thème inépuisable. Ça vide des encriers et émousse des plumes. Moult auteurs en ont fait leur sujet d’écriture, chacun le dépeignant comme il le conçoit. L’amour est-il vraiment inoxydable ?

SA : A travers « Un amour inoxydable » je voudrais montrer que même si beaucoup de personne ne croient plus en l’amour, le vrai, il existe encore des échantillons qui luttent contre vents et marées. Vous serez étonnés si je vous dis que l’amour dont il est question dans ce roman n’était pas facile comme beaucoup se l’imaginent déjà. Eh bien cet amour dont il est question a été rempli d’épines, de douleurs, de larmes, de trahisons mais il est toujours resté indestructible. Quand on prend la couverture du livre, on y voit un cœur fissuré mais entre ces fissures, on peut voir si on fait plus attention, deux personnes qui s’embrassent. C’est pour montrer que certes des situations ont été douloureuses et même près de briser le cœur mais il s’est toujours reconstruis avec de l’amour symbole des personnes qui s’embrassent à travers les fentes.

BL : Qu’est-ce qui vous a inspiré l’œuvre ?

SA : Une œuvre part toujours soit de l’observation, soit de l’imagination soit du vécu. Et je vous dirai que ce roman est un assemblage de ces trois paramètres. On y retrouve ce que j’ai vu autour de moi, ce que j’ai imaginé et peut-être même vécu.

BL : Écrire sur l’amour, sa beauté et ses mochetés. Peut-on y arriver quand on en a soi-même jamais vécu l’expérience ?

SA : Qui peut dire qu’il n’a jamais vécu l’amour ? il n’y en aura certainement pas ; parce que la première école de l’amour, c’est la famille, la société, les amis et tous ceux avec qui on passe du temps ensemble. Et si on ne vit pas l’amour en famille, on la vivra avec un proche ou un ami sorti de nulle part pour qui on est prêt à tout. Et l’amour entre parents et enfants, frères et sœurs, connaissances a toujours une part de beauté et de mocheté. Qui peut dire qu’il n’a jamais haï ses parents ne serais ce qu’une minute à cause d’une décision qui ne lui a pas plu ou été trahi par son frère qu’il aimait le plus ou un ami qui comptait vraiment pour lui ? l’amour n’est donc pas entre uniquement un couple comme on a tendance à le croitre. Et oui tout le monde peut écrire sur l’amour ses hauts et ses bats parce que l’amour est partout ;il est universel.

BL : A lire le titre, on pourrait se dire : »Encore une qui s’est empiffrée  des livres édités chez Harlequin ou d’histoires à l’eau de rose ! Encore une Cendrillon qui croit en l’amour parfait ! » On pourrait se le dire, parce que l’amour pur et sincère, l’amour qui résiste et survit à tout, l’amour inoxydable, ne court plus les rues contemporaines où frivolité, infidélité et vices en tous genres sont normalisés. Pour vous, ce genre d’amour, celui que laisse entrevoir le titre, existe-t-il encore ?

SA : C’est parce que frivolité, orgueil et tout envahissent les cœurs que les gens n’arrivent pas à extérioriser leurs sentiments. C’est aussi parce qu’on nous dope la conscience avec des slogans pareils qu’on veut l’enregistrer et en faire une réalité. Mais nous faisons fausse route. Et oui. Pour moi cet amour existe. J’ai vu des couples fêter cinquante ans de vie commune, dix ans et même cinq. Pensez vous que toutes ces années se sont passées jour pour jour sourire aux lèvres ?  Il y a toujours des conflits des disputes, des incompréhensions et des moments de doute. Mais il faut apprendre à se demander : « est ce que je n’ai pas ma part de responsabilité dans cette dispute pour que tout redevienne normal? » Il ne faut pas toujours attribuer  à son conjoint toutes les insuffisances du couple. Et  l’amour existe et c’est cela  qui conduit deux personnes imparfaites à se mettre ensemble, à se supporter et à créer des familles. Les jeunes continuent de se marier, de se disputer et de continuer à vivre ensemble. Que veut l’amour de plus ? On devrait arrêter de chanter ce credo selon lequel les jeunes sont frivoles, il n’y a plus d’amour vrai pour laisser les jeunes vivre ce qu’ils ressentent parce que tout cela intoxique et influence. « Un amour inoxydable » n’est pas histoire à l’eau de rose; c’est une nouvelle manière de voir l’amour pas comme un jardin fleuri, mais une rose avec beaucoup d’épines les unes plus piquantes que les autres.

BL : Y croyez-vous personnellement ?

SA : Vous me demandez de me répéter à ce que je vois. Comme je l’avais dit plus haut, je crois en l’amour vrai qui pardonne. Et j’ai soutenu qu’il existe encore parce que de jeunes couples arrivent à célébrer dix ans de vie commune. Savez-vous tout ce qu’ils ont eu à traverser pendant ce temps, des trahisons pardonnés et des obstacles franchis ? C’est des exemples pour vous montrer que l’amour existe et que j’y crois.

BL : Malgré ses sentiments et tout de ce qui allait avec de promesses, Fernand succombe à la tentation et trompe Sita avec sa meilleure amie. Peut-on dans ce cas continuer à parler d’amour inoxydable ? Ou c’est Sita qui est trop sentimale et naïve pour le penser ?

SA : Fernand a trompé Sita certes. Mais ce n’est pas ce qui fait l’histoire ! ce qui fait l’histoire c’est le mea culpa de Fernand. Le fait d’avoir reconnu sa faute au point d’en mourir. Pensez vous qu’on puisse demander pardon à quelqu’un si on ne l’aime pas ?un amour inoxydable ne vient pas vous montrer des personnages parfaits sans taches. Il vous présente l’homme avec ses imperfections, ses faiblesses mais qui au-delà de tout cela aime sincèrement. On ne peut pas traiter Sita de naïve non plus parce que  sa grandeur d’âme est sans égale dans l’histoire. Elle a su pardonner une faute que plus d’un ne peut laisser passer. L’amour inoxydable ici c’est la force de Fernand a reconnaitre son tord et celle de Sita à pardonner. Car, l’amour n’est rien sans le pardon. Et aimer ne supprime pas en l’homme ses faiblesses. Donc je continuerai à parler d’amour inoxydable.

BL : L’amour, quelle conception en avez-vous personnellement ?

SA : Tout au long de mes réponses précédentes, je n’ai cessé de vous rappeler ma conception personnelle de l’amour. Je trouve que ce se serait mieux de ne pas trop revenir sur les mêmes choses.

 BL : Qui lisez-vous ? Que lisez-vous ? Et quels œuvres recommanderiez-vous aux lecteurs, à part les vôtres bien sûr ?

SA : Je lis tout ce qui me passe sous la main. On apprend toujours quelque chose d’un livre même si c’est un livre pour enfant. Cependant, mes auteurs préférés en Afrique sont Isai Biton, Fernand Farara, Felix Couchoro, Ahmadou kourouma, Seydou Badian, Sophie Adonnon, pour ne citer que ceux-là. Les auteurs  hors de l’Afrique que je lis sont Victor Hugo, Marcel Pagnol ;  Charlotte Bronte, Georges Sand,… bref ils sont nombreux. Je vais recommander aux lecteurs de lire tout ce qui leur passe par la main. C’est le seul moyen d’apprendre mais aussi de comparer et de choisir l’auteur qui nous inspire le plus.

 BL : Avez-vous quelque autre futur projet d’écriture ?

SA : J’écris toujours. C’est une passion. Mes projets consistent à suivre des ateliers d’écriture pour améliorer mes manuscrits. Je compte publier un autre roman très prochainement et aussi terminer mes écrits encore en instance sans oublier ma vie d’étudiante bien sure.

BL : Écrire, malgré le désamour croissant pour les livres et le désintéressement dont ils font l’objet. Pourtant il faut écrire, et vous écrivez. A votre avis, cela en vaut-il la peine ?

SA : Il y a encore des rats de bibliothèque, excusez-moi le terme, qui adorent lire même s’ils ne sont pas nombreux. Même si les gens s’accrochent aux réseaux sociaux, il y aura toujours des gens pour lire et pour ceux là et pour nous même nous continueront d’écrire. Ils en valent la peine.

BL : Parlant de désintéressement pour la lecture, on sait tous que les NTIC y sont pour beaucoup. Mais la responsabilité n’incombe-t-elle pas aussi aux hommes de lettres ? Seraient-ce eux qui n’écrivent pas ce que les gens veulent lire ?

SA : Les hommes de lettre sont nombreux et ils abordent presque tous les domaines de la vie. Je l’avais dit plus haut, on n’écrit que ce qu’on n’a pas observé ou vécu. Et même dans l’imagination, il y a une part de vérité. Alors on ne peut pas accuser les écrivains de ne pas écrire ce que les lecteurs veulent. Disons plutôt que le livre n’est pas mobile comme un chat sur réseaux sociaux ou encore un jeu en ligne. Or, la majorité trouve aujourd’hui son plaisir dans le bruit au lieu de partager les rires, les larmes d’un compagnon solitaire qu’est le livre. La désaffection pour la lecture est un choix personnel et cela ne peut être collé aux écrivains car si l’un n’aborde pas ton domaine de prédilection, il y aura toujours quelqu’un pour en parler.

BL : Les écrivains pullulent. Dans leur masse fourmillante se cachent les bons grains et l’ivraie qui alimente le lectorat de papotages creux d’écrivaillons. Dans ce cas, peut-on encore faire confiance aux écrivains, à tous les écrivains ? L’écrivain contemporain mérite-t-il d’être encore considéré comme élite et lumière ?

SA : Il existe pleins d’écrivains qui parlent de beaucoup de choses. Dans le lot, il y a aussi des écrits qui n’éduquent pas. Et le lecteur n’est pas un consommateur passif. C’est à lui de choisir ce qui lui convient. On n’a jamais imposé à un lecteur la lecture d’un ouvrage. Ce serait le priver de sa liberté.  Malgré tout ce qu’on dit, il y a des écrivains qui sont incontournables et dont les œuvres éduquent dénoncent et invitent à une adoption de comportement responsable. Ceux là sont toujours des élites et des flambeaux de lumières. Être élite ou lumière ne devrait pas être attribué à une époque car chaque auteur d’une manière ou d’une autre éclaire et éduque. C’est donc le contenu de son œuvre qui fait de lui une personne donnée pour son époque.

BL : Merci Mlle AMADOU d’avoir répondu à nos questions. Votre mot de la fin.

SA : Nous jeunes devons lire car sans cela nous ne pouvons guère nous cultiver. Un amour inoxydable est mon premier roman. C’est comme si j’apprenais à marcher. Je remercie les deux personnes qui m’ont toujours encouragé à écrire. Il ‘agit du Père Victorin Yekou et du frère Anselme Agbessi. Je remercie aussi mes amis qui m’ont toujours encouragé. Le livre est toujours disponible. Je l’ai déjà envoyé à Parakou. A Parakou les lecteurs peuvent l’avoir au +229 62 44 22 67. A Cotonou, c’est disponible au 62641967 et c’est à un prix accessible. Il ne coûte que 1500 f. Pour un premier roman, j’ai besoin de l’encouragement de tout le monde. Procurez-vous le roman, lisez-le et faites vos commentaires et critiques au numéros précités. Tout cela m’aidera à grandir.

© Questions recueillies par Junior Gilles GBETO pour Biscottes Littéraires