Jean Aimé IKAPI est un écrivain qui nous vient du Gabon. Sa vie se déroule entre la blouse et la plume. Dans ses moments douloureux, écrire lui a été d’un grand secours: « La solitude que je traversais chaque jour, loin des enfants et de ma fiancée, cette absence m’a été parfois un douloureux écueil. Dans ma chambre la nuit, pensif, exténué après une dure journée de travail, j’écrivais. » Découvrons -le plus amplement dans cette interview qu’il nous a généreusement accordée.

BL : Bonjour monsieur Jean Aimé IKAPI. Heureux de vous recevoir sur notre blog. Nos lecteurs piaffent d’impatience de savoir plus amplement qui vous êtes.

J-AI : Bonjour et merci pour votre invitation. Je suis Jean Aimé MOMBO IKAPI, Ecrivain, poète et romancier Gabonais, professionnel de santé, membre de l’Union des Ecrivains Gabonais et Ambassadeur de l’Association de Lutte et de Lrévention Contre la Drépanocytose au Gabon (ALPDG).

BL : De la blouse à la plume, Comment ce passage s’est-il opéré ?

J-AI : J’ai commencé à écrire avant d’être professionnel de santé, donc je n’ai jamais vu la différence entre ma fonction médicale et le fait d’être écrivain, car les deux sont complémentaires.

BL : Vous représentez une grosse pointure de la littérature gabonaise aujourd’hui de par vos écrits. Comment – vous arrivez à concilier la médecine et l’écriture ?

J-AI : Je ne me considère pas comme une grosse pointure de la littérature gabonaise, mais simplement écrivain, car je considère comme grosses pointures de la littérature, ces ainés qui ont longtemps porté le flambeau de cette littérature hors de nos frontières. Les noms qui me viennent tout de suite en tête sont : Honorine NGOU, Sylvie NTSAME, Justine MITSAN, victoire LASSENI DUBOZE, Gustave BONGO, Eric Joël BEKALE, DIVASSA NYAMA, Maurice OKOUMBA NKOGHE, Janis OTSIEMI, etc.

Comment arriver à concilier profession et écriture, c’est juste s’imposer une discipline. Sachant que ma profession demande une présence en permanence, je profite de mes jours de repos, en sacrifiant les loisirs, parfois au détriment des personnes qui me sont chères, pour  me concentrer sur l’écriture. Souvent dans la soirée, ou pendant des gardes calmes, je m’installe devant mon ordinateur et j’écris.

BL : La situation socioculturelle et artistique du Gabon ne laisse pas de marbre l’écrivain que vous êtes. Que vous inspire-t-elle ?

J-AI : Avant d’être écrivain, je suis d’abord un citoyen comme toute autre personne. Je ne peux pas donc être insensible aux problèmes que traverse mon pays. J’ai  choisi d’écrire, donc je me sers de l’écriture comme une arme contre la condition humaine. En devenant un guide pour mes lecteurs, je reste un défenseur de valeurs morales, culturelles et politiques. Par mes œuvres, je contribuer à l’amélioration de la société, je reste un témoin de l’histoire de mon pays.  J’apprends à mes lecteurs à réfléchir sur leur vie et sur celle de nos jeunes. Je milite pour l’élévation de tout être sur terre.

BL : Quels sont, selon vous, les chantiers qui revendiquent l’investissement de l’écrivain gabonais aujourd’hui ?

J-AI : Comme dans la plupart des pays Africain, au Gabon nous manquons d’une réelle politique du livre. Et pourtant nous sommes tous bien conscients que l’avenir de notre pays passe autant par le livre… Mais nous avons le pressentiment  que les écrivains ne sont pas compris. Nous  produisons des livres de bien meilleure qualité qui reflète notre quotidien, des livres attendus et appréciés par notre jeunesse et tout notre peuple, malgré toutes les difficultés que nous rencontrons. La plupart du temps, les livres des auteurs non Gabonais sont plus facilement intégrés dans notre programme scolaire, tandis que les nôtres ont toutes les difficultés du monde.

L’un de dessein de L’U.D.E.G, est de pouvoir diffuser nos livres au Gabon et vers d’autres pays africains et européens. Car il est en effet rare de trouver un livre Gabonais dans d’autres pays.

Il reste toujours cette éternelle question des droits d’auteurs, qui est préoccupante au Gabon comme dans plusieurs pays d’Afrique. Nous réclamons nos droits d’auteurs, car tout artiste doit vivre de son art.

BL : Vous avez publié J’ai deux recueils de poèmes : “La mélancolie de ton absence » chez Edilivre en mars 2017 et “Elle s’en va comme la brume“ aux Editions de la Fleuvitude en juillet 2018

J-AI :  J’ai également écrit en tant que coauteur : dans l’Anthologie d’éveil  »Nous sommes tous Africains »,  »Les Relais de l’Espoir »,   »Les Plumes ARC-EN-CIEL » (Tome 1 et 2). En ce moment avec des amis haïtiens nous sommes sur un projet d’écriture.

BL : Deux recueils de poèmes  tous consacrés à la femme et à l’amour. Quelle place occupe la femme dans votre poésie ?

J-AI : La raison pour laquelle je consacre une grande partie des mes poèmes à la femme, est qu’elle a un rôle très important au sein d’une famille, elle est l’élément principal, elle crée et gère la famille. Quand il n’existe pas d’homme dans la famille, si elle est avisée et soucieuse des siens, elle peut en assurer la survie. Sans elle, l’existence devient un lourd fardeau. C’est la femme qui se préoccupe de l’éducation de ses enfants, s’occupe d’eux, les allaite, leur témoigne de l’affection et se soucie de leur formation culturelle. C’est encore elle qui s’occupe de son homme. Elle est notre refuge, notre consolation. Elle est forte lorsqu’un projet lui tient à cœur. Les femmes ont des armes et des facultés qu’elles ont reçues de Dieu et sont capables de se tirer d’affaire dans n’importe quelle situation. C’est un don de Dieu et un des énigmes de la vie. Elles méritent d’être louées.

BL : Il parait que l’amour rend poète. C’est apparemment votre cas.

J-AI : Je suis d’accord avec vous, lorsque vous dites : que l’amour  peut rendre un être poète. Nous avons un exemple très ancien. Lorsque  Dieu créa la femme, d’une manière très merveilleuse, l’homme a été séduit au premier regard. En lisant Genèse 2 : 22, (Jéhovah Dieu bâtit  en femme la côte qu’il avait  prise de l’homme et l’amena vers l’homme). Que dit l’homme ? Au verset 23, il dit :

« Celle-ci est enfin l’os de mes os

Et la chair de ma chair.

Celle-ci sera appelée

Femme,

Parce que de l’homme

Celle-ci a été pris ».

Il faut souligner que Dieu a vêtu la nature d’une manière prodigieuse, face à toute cette diversité, Chaque homme devient poète et peut s’inspirer pour déclarer sa flamme. C’est fut mon cas dans la mélancolie de ton absence. Car la poésie c’est un moyen d’expression, A faire partager des émotions, dire ce que l’on ressent, ce que l’on pense.

BL : Quelle est la genèse de « La mélancolie de ton absence » ? L’avez-vous écrit suite à une douloureuse séparation vécue par vous-même ?

J-AI : C’est une longue série de poèmes nés en avril 2008, dans un bateau au large de Port-Gentil.

Sous le poids de l’affliction par moi vécues jour après jour,

Avec le désir de ne plus souffrir en silence,

J’ai décidé de m’ouvrir, en dévoilant par la poésie des sentiments de tout genre,

enfouis au plus profond de moi.

Parfois abattu moralement et psychologiquement,

J’ai été contraint d’être loin de ma famille.

Plusieurs semaines durant ! Pour des raisons professionnelles, ma vie a été ainsi partagée entre plusieurs villes. Chaque jour a été un nouveau défi à relever. Me trouvant une Nouvelle passion pour témoigner mes sentiments en-Vers et à l’endroit de ma fiancée, j’ai dressé d’elle un portrait, la comparant à une fascinante fleur, à un astre rayonnant.

La solitude que je traversais chaque jour, loin des enfants et de ma fiancée, cette absence m’a été parfois un douloureux écueil. Dans ma chambre la nuit, pensif, exténué après une dure journée de travail, j’écrivais. Très tôt dans mon enfance, je perds mon jeune frère atteint de la drépanocytose, qui est une hémoglobinopathie (une maladie génétique qui se caractérise par une malformation des globules rouges). En suite s’est produite la rencontre avec une femme merveilleuse que j’aimais à corps perdu. Cette idylle me permettait de mieux m’accrocher à la vie. Mais cela ne dura pas longtemps. La rupture de cet amour gonflé de rêves et teinté de promesses, a été pour  moi un coup dur. C’est ainsi qu’est née  « La mélancolie de ton absence« .

BL : Le fait de l’extérioriser, n’est-ce pas comme quémander la pitié et la compassion des lecteurs ?

J-AI : Le poète est un être exceptionnel. Il est capable d’écouter les pulsations les plus intimes de son cœur. Par sa poésie, il exprime les sentiments et émotions qu’il ressent. En exprimant ses sentiments et émotions, le poète se rapproche de chacun de nous et renvoie les lecteurs à leurs propres vécues et impressions.

BL : Le poète est l’œil de la cité. Mais quand il s’abîme dans un sentimentalisme qui ne concerne que lui seul et sa dulcinée perdue, ne trahit-il pas son rôle de veilleur ?

J-AI : Le poète est un artiste qui reçoit l’inspiration et la partage avec les autres. Il se distingue du reste des humains justes par ce don qu’il a, mais il reste profondément un homme, avec ses faiblesses. L’illsutre assez merveilleusement le cas d’Orphée. Selon la légende, Apollon lui aurait fait don d’une lyre, et les Muses lui auraient appris à y jouer. Lorsque son épouse Eurydice est mordue par un serpent et en meurt, Orphée est inconsolable. Cette légende montre ainsi une double face du poète : il est celui qui a un don, en même temps qu’il est profondément homme.

BL : Quel rôle assignez-vous à « La Maison du Poète » dans la promotion de la littérature Gabonaise ?

J-AI : « La Maison du Poète » est un  lieu de rencontres, d’échanges et un support d’actions pour les écrivains Gabonais et ceux du monde entier. Elle offre des possibilités de discussions comme les autres forums mais surtout sous la forme des textes (poèmes), à publication instantanée.

BL : Quel lien y-a-t-il entre la médecine et la poésie ainsi que vous l’envisagez et la pratiquez ?

J-AI : Les soins sont  le processus par lequel un professionnel de la santé aide  un patient à limiter la douleur physique, soulager la souffrance mentale et lorsque c’est possible à se rétablir d’une maladie  ou d’une blessure, ou à retrouver une indépendance. Quiconque a déjà été hospitalisé se souvient probablement de la solitude qu’il vit et aussi de la lecture d’une œuvre qui parle au cœur et aux sens de l’homme, qui apporte un enrichissement émotionnel ou spirituel. Je considère la poésie comme le moyen privilégié d’exprimer des sentiments et des émotions à mes patients. Un moyen pour le poète que je suis d’extérioriser mes sentiments, notamment par le biais du registre lyrique. Pour accompagner des soins empreints de compréhension, ce qui signifie écouter patiemment les craintes et apporter un réconfort. Tant que l’humanité existera, on aura toujours besoin de soin et de poésie.

BL : Quels sont les poètes qui vous inspirent ?

J-AI : Eric Joël Bekalé, Maurice OKOUMBA NKOGHE, NDONGO MBAYE, Pulchérie  ABEME NKOGHE, Marie constance ZENG EBOME, Michel Barthélemy.

BL : Qu’est-ce qui justifie, à votre avis, le fait que, outre Charline EFFA, les femmes ne soient pas bien représentées dans la littérature gabonaise ?

J-AI : Il n’y en avait pas, je crois, il y a quelques années, mais aujourd’hui, il y en a plusieurs. Elles ont toujours existé dans des  œuvres écrites par les hommes, en occupant souvent le centre de ces productions littéraires. Cependant, au fil des années, on a assisté à un grand réveil des femmes comme acteurs de leurs devenir littéraire. On a le bonheur de compter aujourd’hui plus d’écrivaines comme: Honorine NGOU, Sylvie NTSAME, Annie CHARNET, Pulchérie ABEME NKOGHE, Justine MITSAN, Victoire LASSENI DUBOZE, Marie Constance NZENG EBOME, Bèyi Corine SIPAMIO BERRE, Nénette ISSEMBE, MBA ZONG Chantal Magalie, Parfaite OLLAME, Irène DEMBE, Denise LANDRIA, Parfaite OLLAME etc. Elles sont également présentes, comme acteurs, dans plusieurs métiers de cette branche. Elles sont promotrices des librairies, des maisons d’éditions, etc.

BL : Que faire pour plus de visibilité du livre au  Gabon ?

J-AI : Il faut mettre en place les  politiques publiques appropriées pour la promotion du livre dans notre pays, c’est elles qui feront que leurs œuvres soient plus visibles sur le marché. Dans notre pays, la production du livre coûte très cher  et ainsi le produit devient souvent inaccessible à nos lecteurs.

BL : Monsieur Jean Aimé n’est-il que poésie ?

J-AI : Le mot poésie  vient du mot « poiêsis » qui en Grec antique signifiait tout type de création, manuelle ou intellectuelle. Elle est en fait un genre littéraire que j’aime bien utiliser pour me vider la tête, l’esprit, partager mes émotions, dire ce que je ressens, ce que je pense aussi,  faire passer un message à mes lecteurs. Je suis à la fin d’un roman qui a pour thème « la drépanocytose et nous ». Par ce roman, je veux faire passer un message, pour réveiller les consciences sur cette maladie de santé publique.

BL : Quelles relations entretenez-vous avec la génération montante d’écrivains ?

J-AI : Tout comme dans mes débuts, j’ai eu besoin d’être encadré par mes ainés, aujourd’hui je renvoie l’ascenseur aux jeunes auteurs. Je les encourage tout d’abord à tenter leur chance et à ne jamais se dire « est-ce que les gens vont accepter mon livre? » Il faut prendre du plaisir à écrire et à vivre cette joie qu’on éprouve à être au centre de nos lecteurs. Qu’ils ne soient pas pressés de publier, car  l’écriture demande du travail et du temps. J’ajouterai, pour finir, qu’il ne faut pas être à la recherche absolue de la reconnaissance.

BL : Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?

J-AI : Je viens de finir deux recueils un consacré à la femme Africaine et un autre à l’Afrique. Je suis à la fin d’un roman qui a pour thème « la drépanocytose et nous ». Par ce roman, je veux faire passer un message, pour réveiller les consciences des gens sur cette maladie de santé publique ( la drépanocytose) qui  afflige encore beaucoup des familles à nos jours. Je suis aussi sur le point de terminer une brochure qui s’adresse aux jeunes Africains sur l’importance de faire l’électrophorèse qui est un examen crucial pour connaitre son statut dans la lutte contre la drépanocytose.

BL : Votre mot de la fin

J-AI : Par ces quelques mots, je veux remercier tous mes lecteurs au Gabon et ailleurs. J’ai fait la connaissance de plusieurs personnes si importantes dans les lycées, collèges, salons, foires et dans les cafés littéraires. Être avec mes lecteurs, c’est quelque chose qui me tient fort à cœur, car c’est l’occasion d’échanger directement et de voir ce que mes écrits suscitent en eux. Cela me permet de  continuer à les captiver dans mes prochains livres. Je remercie tous ceux qui se battent pour la promotion du livre au Gabon et partout dans le monde. L’avenir du monde passe aussi par les livres.