En guise d’introduction
Le pouvoir et l’amour peuvent, en fonction des circonstances et des sujets, se transformer en une soif lancinante et aberrante pour finalement devenir une entité destructive : l’amour du pouvoir. Mais il n’y a pas que l’amour du pouvoir seul qui détruit, le pouvoir de l’amour peut être dans certaines mesures destructives. L’écrivain se fait le devoir ici de conduire le lecteur à un voyage inouï. Ce voyage conduit le lecteur aux tréfonds du pouvoir et de l’amour. La plume étincelante de l’écrivain béninois, Laurent SOTCHOEDO nous convie à cette randonnée livresque.
L’œuvre
Après plus de trente ans de règne, le peuple demande à son souverain de se retirer des affaires de l’Etat. Habituellement, ils fondèrent leur argumentaire autour des problèmes d’ordre économique et social. Mais cette fois ci, ce fut un autre son de cloche ; l’état de santé défaillant du président était sur le tapis. Voilà bien le motif avancé par les grogneurs des chaines privées à l’encontre du chef de l’Etat. Mais comment avaient-ils pu accéder à de si précieuses informations sur la vie privée du président ? Là est la grosse question que l’on se pose. Le président se la pose également. Pour se faire une idée claire, il invitera son Général, celui avec qui il partage si bien ses confidences (page 24). Sur le sujet, il n’y a que son médecin, sa fille et bien évidemment le Général qui ont certaines informations. Rusé, le vieux renard sut tôt la tête à penser de cette machination politique (page 29) qui n’est rien d’autre que son Premier Ministre. En effet, depuis trente ans, ce dernier, tentait de le déstabiliser mais il n’essuyait que défaite après défaite. N’étant pas prêt à cuver ses défaites, cette précieuse information le galvanise davantage.
Mais le président se laissera-t-il prendre sur le coup ? évidemment pas. <<Le peuple veut un président jeune, vigoureux, alerte, trouvons en un pour lui>> page 26. Ces propos du président permirent au premier ministre de rapidement se faire une idée du plan de son fameux adversaire. Faire de son beau-fils le prochain président. D’un esprit illuminé, il (le président) sait que le peuple n’est pas aussi mûr pour hisser une femme à la magistrature suprême, a fortiori une fille de 34 ans. Un mois avant cette scène, le Premier Ministre se montra plus prévoyant en promettant son fils à la fille du président. La fille qui se trouva être la pièce maitresse de ce puzzle, devra être à la solde de celui qui ambitionne la présidence. Qui a la fille, a le fauteuil présidentiel. En politique, comme partout ailleurs, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Mieux vaut vivre sur ses gardes que dans un jeu où l’incertitude plane de façon récurrente sur les têtes. Mais entre les deux prétendants, aucune flamme amoureuse ne scintille ou mieux ne se pressent. ‘’Dans la jungle, les sentiments n’ont pas droit de cité. On n’aime la chose que parce qu’elle s’impose à nous’’ page 38. Il va falloir user de ruse et faire apparaitre un élément de compromission nouveau à l’encontre du président. Sa fille est amoureuse de Ange, fils du président défunt. Il faudra à Octavio fils du premier ministre pour convaincre Floriane, fille du président, que son père était l’auteur du crime sur l’ancien président, père de Ange. Cette vérité pourra-t-elle effectivement briser les liens ?
Ce que j’en pense
Entre un amour à défendre et un honneur (sang) à sauver, le choix ne se fait pas si aisément. L’être humain est respecté et considéré en fonction des honneurs dont est digne sa lignée. Mais c’est parfois sans compter qu’au monde aucun pouvoir, aucune magie n’est plus fort que l’amour. L’amour ressuscite l’âme. L’amour efface les larmes. L’amour est une arme. Et cette arme peut lutter contre le passé aussi pénible et sanglant fut-il. Peut-on affirmer que l’auteur a atteint son but celui de démontré que le monde du pouvoir ainsi que de l’amour appartiennent tous au monde des assoiffés ? « Le monde des assoiffés » n’est pas seulement une histoire de conspiration politique. On est parfois tenté de dire qu’il est loin de ce fait. A sa lecture, on perçoit aisément que l’auteur entraine dans les arcanes des politiques africaines. Mais en effet, la part du pouvoir de l’amour dans ce texte est prépondérante. Prépondérante dans la mesure où il (l’amour) oriente l’histoire vers une destination inattendue. Et c’est aussi là, le génie de l’auteur. Partir de l’amour du pouvoir qui semble être la substance de l’œuvre, le vrai monde des assoiffés, au pouvoir de l’amour qui plus ou moins est un monde incontestable des assoiffés. Que dire sur l’organisation du texte. Repartis en 4 actes de proportions disparates (3 à 5 scènes) l’on mesure amplement le niveau de culture de l’auteur qui plus est séminaristes. Que de fois va-t-il faire intervenir d’auteurs et de faits historiques dans son récit. Pour preuve à la page 37 quand il faisait intervenir le premier ministre. De César qui aurait laissé l’amour d’une femme introduit le bazar, le désordre dans sa maison pour enflammer Rome passant par Antoine et Cléopâtre, Philippe et sa macédonienne à Œdipe ce personnage mythologique qu’on connait si bien.
En guise de conclusion
En sortant de ce livre, l’on se rend compte que dans l’écriture de son œuvre il a fait preuve de concision (130 pages au total). Quelques heures de lecture. Il a mis le paquet pour enrichir sa production. En partie, le livre « Le monde des assoiffés » fait penser à une république des saigneurs, et songe à panser les âmes damnées. L’auteur a le mérite de mettre le lecteur au travail en l’envoyant réfléchir. Cette modeste contribution de retourner la connaissance doit être appréciée de tous et sanctionnée par l’acquisition de ce chef d’œuvre dans toutes les bibliothèques.
Gervais DASSI