« Je dormirai dehors jusqu’à ce que tous les gens de ma communauté aient un toit confortable pour rêver eux aussi de beaux rêves. » Serigne Filor, in « Le Sénégal, autrement, dans une Afrique prospère »
Introduction
Ce livre de Serigne Filor est une bombe. « Le Sénégal, autrement, dans une Afrique prospère » est un gros pavé jeté dans la mare de nos quiétudes et de nos torpeurs. Serigne Filor s’est voulu un prophète qui n’a pas peur des sentences du roi. Il commence par présenter le visage de l’Afrique qu’il peint avec des couleurs qui reflètent exactement ce à quoi ressemble ce continent qui est malade de ses fils et qui souffre du mépris de l’Occident. Il présente l’Afrique comme entre le marteau et l’enclume. Pour y arriver, il lui a fallu neuf étapes, qui représentent les neuf chapitres de son livre. Mais avant de présenter schématiquement ces neuf tableaux, immergeons-nous dans l’état des lieux qu’il dresse de l’Afrique et focalisons nos regards sur le panafricanisme tel qu’il le conçoit.
État des lieux
Si pour retracer les temps forts de l’histoire du continent africain, on ne peut que se contenter de lister ses multiples échecs à garder inaltérée l’humanité de ces résidents, on pourrait se dire que les autres, ceux qui voient l’Afrique comme une portion terrestre où il est possible de voir l’apogée de toutes les irrationalités de l’Homme, ont trouvé désormais des justifications à leurs allégations. La lecture de l’histoire de l’Afrique, par les africains, ses dignes fils, bien que comportant d’agréables parties, ne manquera pas de les écœurer, de les plonger dans l’amère inquiétude ; pillages, saccages, génocides, calamité, famine,… sont ses temps forts. L’Afrique a été pendant longtemps le territoire idéal pour certains de magnifier les « vices » d’hommes et de femmes et à l’intérieur duquel obscénités et turpitudes connaissaient leur sommet. L’Afrique a été tout le temps représentée, elle a été pour certains, avec son « réservoir de misères », un « espace de propension de leurs fantasmes », fantasmes qui, souvent, représentent, dans leur imaginaire, le mal et la malchance. Mais tout change, tout évolue. Les générations africaines se renouvellent. Ainsi naitra celles qui essayeront de relever l’Afrique, celles qui, en paraphrasant Barack Obama, par leurs choix, ont clairement montré que nous ne sommes pas obligés d’accepter l’Afrique telle qu’elle est mais que nous pouvons tous jouer un rôle pour la rendre telle qu’elle devrait être. Et d’autres qui, inconsciemment, la rabaissent. Ainsi de suite… En passant par le Mali, le Togo, la Cote d’Ivoire, le Bénin,… le Sénégal, on trouve un grand nombre de jeunes farouchement engagés pour l’unique développement de l’Afrique dont elle est jusque-là le mirage issu d’un onirisme diurne. La quintessence de leur lutte se trouve dans la marque et la singularité de leur idéologie qui est d’extirper, en fond et en forme, au sein du territoire africain, tout ce qui en alimenterait la misère et la pauvreté notamment toutes ces influences des oligarchies occidentales dont la prolifération est encouragée, croient-ils, par la servitude des dirigeants africains qui soit à leur faveur. Entre ces dirigeants ayant en principe l’ultime rôle de ne servir que l’Afrique et ces jeunes qui luttent pour sa libération, il devrait y avoir une relation intrinsèquement proche afin qu’ils soient tous dans une même dynamique de placer l’Afrique dans son apogée inédite. C’est là où se trouve tout le problème : chaque année, un ou deux ou trois ou un grand nombre de ces jeunes, le déchiffrement n’a je ne sais quoi de salutaire, sont jetés en prison pour évidemment aller y faire disparaître toute leur ignorance de l’univers carcéral avec ses conditions désastreuses par ces mêmes gouvernants et d’autres sont même chassés de certaines parties du continent africain sous prétexte qu’ils en représentent un danger public. Après tout, ils connaissent la même routine hilarante ; ils organisent des manifestations pacifiques ou pas dont l’objectif global, tout en luttant contre ce processus d’appauvrissement des pays africains au profit de l’enrichissement de ceux occidentaux facilité par leurs différents intermédiaires, est d’être dans une situation où l’Afrique, à part entière, se bénéficiera d’elle-même. Mais le malheur est qu’à la suite de ces manifestations, des participants sont arrêtés et plus tard elles auront pris une autre envergure, elles se seront faîtes sur la base d’une exigence de libération de leurs frères ou sœurs emprisonnés, ce qui veut dire qu’en partie ou totalement la poursuite de l’objectif initialement défini est mise sous silence. Et ainsi de suite.
Le panafricanisme aujourd’hui
Aujourd’hui, la majeure partie de ceux qui adhèrent au panafricanisme sont contre nos gouvernants. Les ennemis de la Françafrique sont contre les dirigeants africains. Il existe un moment où je me suis demandé si le panafricanisme n’était pas une guerre contre les africains. Et de ces jeunes, sans être en déphasage avec leurs méthodes de lutte, je retombe souvent dans la réticence de leur efficacité. Ils sont tous d’accord que l’idéal serait d’être dans une véritable union africaine. Mais une union à entendement très complexe, l’union africaine dont ils parlent est celle qui exclurait tous les dirigeants africains qu’ils désignent être serviteurs des oligarchies occidentales. Des problèmes déjà qui surgissent renforçant tout simplement la douleur sociale. Et plus encore, ce qui fait d’ailleurs l’objet d’un désaccord plus ou moins général, de la multiplicité des déboires qui rongent le continent, ils en interpellent les gouvernants comme les seuls responsables. La corruption qui est à foison dans notre territoire suivant leur idéologie, est alimentée par les dirigeants africains et c’est valable pour le manque de patriotisme, les faillites dans la citoyenneté, l’insalubrité,…, le manque de développement. Tout ceci est issu de ce que j’appelle une vraie conception vicieuse, erronée et obsolète des choses générant tous les gémissements d’une douleur sociale non partagée. Alors que celle-ci, pour qu’on s’en débarrasse, nous devons la panser ensemble, aussi bien les citoyens que les gouvernants.
Tout ce que Serigne Filor veut faire comprendre, ce n’est pas son désaccord avec leur façon de mener ce combat et il ne saurait défendre les dirigeants africains qui, la plupart, ne sont pas innocents mais que tant qu’il y a toujours des distorsions, des hostilités et la rancœur entre des africains qui voudraient la même chose pour l’Afrique alors cette bataille, sans qu’on se l’avoue, est perdue d’avance. L’important c’est d’être dans une situation de collaboration totale en vue de sortir vainqueur de cette lutte. Qu’ils ne me disent pas que l’on ne peut s’allier avec le diable. Serigne Filor , comme tous les dignes fils de l’Afrique, s’est lui aussi engagé dans le panafricanisme mais celui qui est réinventé autrement avec à la base le dialogue et la négociation entre africains. Atteindre la solidarité économique, politique et culturelle des Etats africains qui est son but devient peu probable si les africains eux-mêmes ne sont pas solidaires. Avant toute chose donc, il faut relever ce défi qu’est d’accéder véritablement à cette solidarité africaine car elle doit accompagner toutes ces mesures prises dans le but de faire de l’Afrique un continent où la prospérité servira de caractéristique aux divers domaines de sa vie sociale, économique, et politique.
Du Sénégal à l’Afrique : les neuf tableaux qui disent l’Afrique
Serigne Filor , comme on le sait, vient du Sénégal, une partie de l’Afrique. C’est un pays sous-développé ou un pays en voie de développement, dirai-je suivant l’euphémisme qui a été proposé pour doser cette vérité. On en trouve une pagaille de maux avec une apparence très complexe et ennuyante lorsqu’on en attire la seule attention nécessaire. Et ces maux se transfigurent, pour la plupart, d’un pays africain à un autre, ce qui confère à l’Afrique son indubitable et tenace sous-développement. Cette situation, aussi déplorable qu’elle soit, nous condamne tous, habitants de différents pays africains ainsi que de la diaspora, à se plonger dans une profonde méditation pour en proposer nous-mêmes des solutions dont l’efficacité ne serait pas à remettre en cause. C’est ce que Serigne Filor a tenté de faire. Et le résultat de sa réflexion est formulé dans cet ouvrage intitulé « Le Sénégal, autrement, dans une Afrique prospère » à travers lequel il véhicule des solutions basées sur une analyse purement factuelle. Les chapitres sont au nombre de neuf traitant chacun des problèmes qui, au-delà du Sénégal, sont bien présents dans la majeure partie des pays africains.
- Premier chapitre : « Une dose de patriotisme »
Il y est question d’un renforcement de l’amour de la patrie. Ce chapitre propose la restauration à part entière de l’ensemble des prescriptions du patriotisme et le renforcement de l’amour que les citoyens sénégalais, dans leur ensemble, doivent porter à l’égard de leur pays car, comme nous l’aurions tous constaté, le manque de patriotisme occupe la suprématie des freins au développement et donc ses instructions doivent être à la base de toutes les stratégies de développement déployées, pour aspirer à un subit changement positif.
- Deuxième chapitre : « Panser une douleur sociale »
Comme le titre l’indique, est invoqué pour proposer un pansement général de ces maux qui gangrènent et polluent la société sénégalaise, notamment le manque notoire de citoyenneté responsable ainsi que tout ce qui en dérive.
- Troisième chapitre « La responsabilisation du gouvernement »
Il incite à l’achèvement de celle-ci tout en proposant avant tout sa remise en cause.
- Quatrième chapitre : « L’affirmation de la jeunesse »
Ici Serigne Filor appelle la jeunesse à mettre sa force gratuitement pour la construction de la Nouvelle Cité.
- Cinquième chapitre
Ce dernier convoque la restauration des valeurs qui se sont ensevelies avec l’arrivée de cette poison fatale du mondialisme et de l’occidentalisation vue sous une autre formule de modernisation. Le suivant qui parle de la création d’une vie authentique va beaucoup plus loin. L’Africain, après avoir aimé son continent et modifié toutes ses attitudes et tous ses comportements pour qu’ils convergent avec son avancement, il lui faut opérer un mode de vie qui convient parfaitement à sa propre personne pour que sa quête du bonheur soit facile et par conséquent qu’il puisse penser au mieux le développement.
- Sixième chapitre : « A création d’une société autonome et économe »
Il est à peu près une continuité du précédent. L’autonomie signale la puissance d’un pays, il faut donc l’envisager surtout pour une nation qui n’a subi que malheur, pillage de ressources, etc. qu’une perte dans la plupart de ses relations avec les autres. Il faut couper les liens progressivement du moment où ils génèrent plus de déséquilibres qu’il y a de profits.
- Septième chapitre : « L’Afrique prospère »
Il recommande une nouvelle conception de la prospérité du continent africain et fournit les bases qui pourraient servir à son accession.
Et le dernier intitulé « Tous à l’assaut », est une sorte de conclusion, proposant brièvement que ces solutions soient concrétisées dans les plus brefs délais. Encore faut-il le dire, Serigne Filor est un jeune savourant à peine les merveilles de la vie par le biais de la simple et unique observation. Il n’est qu’un étudiant, un intellectuel, rien de plus.
Conclusion
Serigne Filor n’est pas de ceux qui, à travers leur brillance, ont connu une excellente carrière scolaire. Et il n’est pas non plus de ceux qui, parce que fascinés par la littérature, ont décidé de faire carrière dans l’écriture. Il reste juste celui qui écrit pour l’Afrique, celui qui écrit pour le Sénégal. Serigne Filor est simplement celui qui écrit sur la vie, le bonheur. Il raisonne et il pense trouver. Il essaye de changer mon monde qui a son devenir malheureux. Pour s’épanouir et vivre heureux il n’en trouvera pas plus que l’observation et la méditation. C’est à partir de ces dernières que qu’il s’est rendu compte que ma vie, que nos vies sont des miracles malgré les éternels bouleversements qui leur confient parfois un caractère infernal. Il pourrait avoir une vision du monde assez différente de celle des autres. Mais tous ces déboires, tous ces émois et tous ces déséquilibres rendant parfois certain le désespoir d’une Afrique prospère, d’un Sénégal autrement, nous interpellent tous, quel que notre statut social. Serigne Filor n’est pas de ceux qui culpabilisent uniquement nos dirigeants comme les seuls responsables de nos problèmes car les citoyens le sont aussi. Les comportements de nos gouvernants sont liés inextricablement à ceux du peuple qu’ils gouvernent. Il ne faut pas être du côté du gouvernement pour dire que c’est le peuple qui est difficile d’être gouverné ou inversement. Il faut être objectif et n’être motivé que par le développement du Sénégal, de l’Afrique en général. Faisons nôtres ces mots de Serigne Filor : « Mon sommeil n’est pas heurté, il est secoué par une intermittence provoquée par le passage d’un rêve à un autre mais ayant tous le même fond. Je dormirai dehors jusqu’à ce que tous les gens de ma communauté aient un toit confortable pour rêver eux aussi de beaux rêves. »
Baba Mbengue