Mamadou Socrate Diop et « Les étoiles de la destinée« : Voilà un binôme de étrange qu’on ne saurait scruter sans arborer les lunettes du métaphysicien qui se questionne en interrogeant son moi intérieur et en renvoyant le monde à une introspection profonde. Ce binôme, à l’allure parfois fataliste, se veut d’entrée de jeu, non une ode à l’optimisme voltairien, mais une concrétisation du réalisme existentiel qui sait tenir la place qui est la sienne tout en élargissant les dimensions de sa tente vers les horizons d’un mieux être. Il faut le reconnaître, il est en effet des auteurs dont les mots sont un univers de sentiments, de sensibilité et d’intelligence ; univers qui fait toujours corps avec l’âme du lecteur ; des auteurs dont chaque phrase est une expérience de vie plongeant l’esprit, l’âme de l’homme dans le plein-vide d’une vérité agréable à connaître mais qui, toutefois, blesse, saigne l’homme dans le dessein de le voir grandir et se connaître. Mamadou Socrate Diop fait partie de ces auteurs et, mieux encore, il entre dans cette catégorie d’esprits qui comme Musset savent que « nul ne se connait tant qu’il n’a pas souffert ». Et lui, sur la voie de la connaissance il est et avance ; la connaissance de soi et de l’autre ou autrui. Cette relation d’altérité est omniprésente dans « Les étoiles de la destinée ».

Mamadou Socrate Diop  débute son livre par la voix du Moi universel pour entrer progressivement dans le giron de l’Autre âme sans jamais s’y éterniser. Ce recueil de textes n’a pas de fin et ne porte que les vécus, la colère,  l’espoir etc. de l’homme qui cherche le sens de sa vie et de son existence.

En effet, composé de deux livres, « Les étoiles de la destinée«  coltine la profondeur d’une âme qui par le biais de procédés littéraires bien maitrisés, extériorise de façon réfléchie et lucide, les arcanes de l’univers intérieur et psychologique de l’homme, à travers les expériences de l’auteur.

Mamadou Socrate Diop, dès l’épigraphe,  fait appel à Cesare Becaria et s’appuie sur ses dires pour donner les colorations de ses méditations. Il est question ainsi « de ceux qui savent penser » et de l’humanité dans « Les étoiles de la destinée« . Penser d’abord les mots et leur contenu. Saisir leur sens et comprendre que l’étoile dans la constellation, c’est l’homme dans la société.

Dans « Ebauche d’une étoile » (p.13), Mamadou Socrate Diop mène une réflexion sur l’individu et la société de façon plus ou moins hermétique. Il parle de lui, par ricochet, sans aucune marque d’égo ou de subjectivité (absence de je et de moi). La lucidité et la profondeur dans le verbe sont ainsi au rendez-vous. Aussi, la figure du « rêveur » de « l’artiste » et du « fou » hante continuellement les nombreuses pages du livre. D’ailleurs, en prélude du livre I (Du moi Universel), il affirme : «  entre l’artiste et le fou, il n’y a qu’un pas. Heureux, l’artiste qui le franchit. » Le bonheur serait dès lors le bien, l’apanage des artistes qui se baignent dans la folie. Qui oserait dire le contraire ? Mais est-ce donc le bonheur ou la folie qui conduit l’auteur à considérer le texte précédant le livre I comme une épigraphe au point de l’intituler comme telle comme si cet intitulé en changerait la nature ?

Il convient de poser à ce niveau un débat d’ordre formel pour réfléchir plus largement sur les paratextes, (notion créée par Gérard Genette dans Palimpseste en 1981) et plus précisément sur l’épigraphe qui est une composante du péritexte. Selon Genette, l’épigraphe est une citation qui figure en exergue du livre. Cette citation peut être extraite d’une autre œuvre ou de l’œuvre même de l’auteur. Or, dans ce cas de figure, nous avons un texte à part entière composé par l’auteur, texte qui annonce presque toutes les colorations du livre. Dès lors, il ne peut être considéré comme une épigraphe dans la mesure où les conditions d’une telle considération ne son pas réunies. Conséquemment, dans « Les étoiles de la destinée« , on peut dire à la lumière des écrits de Genette, que l’Epigraphe (p.10) n’en est pas une. Serait-ce alors possible que ce texte n’ait pas une destinée sous l’aune de l’épigraphe ?

Et toujours sur la réflexion qu’il mène sur l’individu et la société, l’auteur accuse cette dernière de l’avoir muté (Testament, Acte1 : Folie outrancière) et interroge par la même occasion sa foi. Mais la connaissance qu’il en tire est celle de son ignorance. Parallèlement, on a l’impression de l’entendre dire comme Socrate : « tout ce que je sais, ce que je ne sais rien ». Ainsi, on comprend le pourquoi des souffrances de l’auteur, le pourquoi de ses tourments, le pourquoi de ses inquiétudes. Et pourtant, il est un « enfant du peuple »forcé à se déplacer dans les ténèbres, « enfant du peuple » rejeté hélas par son peuple. Cela le pousse par conséquent à mener une réflexion sur lui-même. Le « je » et le « moi » prennent ainsi place dans plusieurs de ses textes.

A partir de là, on comprend bien que l’auteur du recueil « Les étoiles de la destinée » parle naturellement de ses expériences et de son vécu. Enfant tourmenté, il accouche avec énergie ses colères sans haine et ses peurs sans bégayer. D’aucuns pourraient penser qu’il s’agit d’un règlement de compte pour lui, mais loin de là, l’auteur parle d’amour et d’espoir. Il écrit son amour pour sa mère quand bien même elle ne le lirait pas. Et oui, l’amour écrit peut s’entendre et vaincre la mort à coup sûr. Dans « le spleen du père » l’amour est au rendez-vous, l’amour que la mélancolie accompagne, l’amour du père idole et confident.

En effet, il convient de noter que ce sentiment noble dont parle Mamadou Socrate Diop n’est pas celui que l’on idéalise. C’est l’amour qui nourrit la vérité et la souffrance qu’il mentionne. L’amour universel qu’ont connu tous ceux qui ont perdu un être cher. L’amour des absents toujours présents au devers de l’âme de l’homme. Ah ! L’amour qui pousse l’homme à entrer dans les réflexions métaphysiques.

A vrai dire, tous les textes du Livre II de « Les étoiles de la destinée«  baignent dans la métaphysique. L’âme et l’au-delà, le paradis et l’enfer etc. Mamadou Socrate Diop, dans la métaphysique d’une âme (p.49) définit cette science de façon purement classique et prosaïque tout en invoquant l’allégorie de la Caverne de Platon pour donner un appui à sa logique. Toutefois, à ce propos, l’interrogation (s’il est vrai que la caverne existe, que ses pensionnaires meurent de sommeil, alors l’écho suffirait-il à les réveiller ? p.50) qu’il soulève n’avait pas, à notre égard, lieu d’être dans la mesure où celle-ci avait déjà été résolue par l’auteur même de l’allégorie de la caverne. On pourrait dès lors se poser la question à savoir quel est l’intérêt pour celui qui se cherche, invoquant des savoirs qu’il connait déjà, de (se) poser une question dont la réponse a déjà été donnée ?

En somme, « Les étoiles de la destinée«  est un recueil de textes très riches d’un point de vue thématique et chaque texte a sa profondeur, son originalité et sa propre voix. L’auteur, à travers des procédés littéraires, donne vie à ses sentiments et pensées.

Précisions à prime abord que ce recueil de textes fait montre d’une originalité incontestable. Pourquoi ? Parce que tous les textes qui y sont couchés sont en proses poétiques. L’auteur maitrise parfaitement cette forme d’écriture au point de se chercher dans la poésie d’une prose créatrice (P.17). La poéticité des textes est facilement perceptible et ce n’est pas un hasard ; cela est voulu par l’auteur.

En outre, le ton incisif, tranchant et violemment doux des textes de ce recueil lui confère un  style qui s’affine et se confirme au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture. A travers les nombreuses et diverses thématiques, l’auteur fait un travail sur les sentiments et les images comme un poète. Afin il est un poète mais à sa façon. D’ailleurs, les rimes, figures de style, assonances, allitération etc. dont il fait souvent recours en témoignent largement. Et une partie du poème « Souffle » de Birago qu’il intègre dans son texte en dit long sur le poète qu’il est.

De plus, le recours aux dialogues fondus, flash-back et récits dans nombre de ses textes (Moi-moi-même (p.29), Testament acte II (p.35) etc.) montrent combien Mamadou Socrate Diop maitrise son art.

Finalement, « Les étoiles de la destinée«  est un excellent texte, texte qui a son propre souffle et ses vérités.

 

 

 

 

 

 

 

Zacharia Sall