A tunwun Danxomé a? A ka tunwun tan a? Connais-tu le Danxomè? Connais-tu vraiment l’histoire? De toute façon le Danxomè et son histoire connaissent les amazones et c’est ce qui importe. Et les grandes victoires de Ghuézo doivent leur éclat à ces femmes qui pouvaient combattre autant que leur permettait leur féminité, manier le sabre et coutelas dans les limites de leurs potentialités et bravoure à toute épreuve. On comprend ainsi aisément de quelle race de pugnaces et d’intrépides elles émanent. On devine alors de quel limon elles ont été pétries ces héroïnes dont les actes de bravoure scandent chaque battement du cœur du Danxomè. Que des siècles plus tard, ces guerrières s’incarnent dans des femmes éprises de la cause féminine et insufflent leur souffle à la plume de ces dernières, le résultat est là, qui témoigne de la nécessité pour nous de ne jamais oublier de quelle terre nous avons été pétris. Les plumes amazones, puisque c’est d’elles qu’il s’agit, agitent dans le vent des pensées vitales et secouent nos torpeurs pour que nous ouvrions les yeux sur le sort de la femme chez nous. La première sortie officielle de ces plumes amazones a connu la participation de six guerrières de la plume, représentatives de toutes les autres auteures non moins engagées. Elles ont pour nom : Barbara AKPLOGAN, Lhys DEGLA, Adélaïde FASSINOU, Bernadette GAYON, Anna KOTY et Carmen TOUDONOU : six auteures pour treize textes tous bâtis autour de la thématique des violences faites aux femmes. L’œuvre s’achève avec un bonus : une collecte de témoignages des jeunes sur la même thématique. Le livre porte un titre métaphorique: « Le temple de la nuit profané« ? Que signifient ici le temple et la nuit? Et comment les amazones ont-elles, du bout de leurs plumes, décortiqué la thématique abordée dans le présent recueil de récits de vie? Voilà autant de questions auxquelles notre étude voudrait se consacrer. Mais avant tout, nous présenterons brièvement chaque auteure.
I- Zoom sur les auteures
1- Barbara AKPLOGAN
Elle est née en 1984. Détentrice d’un master en Communication Marketing, elle est auteure de deux ouvrages: « Les mots d’amour » et « Un amour sans lendemain« . Elle a aussi collaboré à des ouvrages collectifs.
2- Lhys DEGLA
De son vrai nom Lucrèce Hyanie Sènami DEGLA a à son actif un ouvrage personnel : « Compagnons d’infortune« . Avec Camen Edisson, elle a coécrit « Ecrin d’ivresse« . Elle a participé en outre à des ouvrages collectifs tels que « Anxiolytiques« , Dernières nouvelles des écrivaines béninoises« . Dans une interview qu’elle nous a accordée, elle en dit davantage sur elle-même :
http://biscotteslitteraires.com/interview-accordee-lhys-degla-ld/
3- Adélaïde FASSINOU
Elle est certainement la plus prolifique des écrivaines béninoises avec à son actif quatorze ouvrages, tous genres confondus. C’est elle la fondatrice de « Plumes Amazones« . Cela traduit assez le sens de sa lutte pour l’amélioration des conditions de vie de la femme chez nous. Pour en savoir davantage sur elle, on pourra lire avec intérêt son interview en cliquant sur le lien suivant :
http://biscotteslitteraires.com/interview-a-madame-adelaide-fassinou/
4- Bernadette GAYON
Voici ce qu’elle dit d’elle-même : « Je suis née en 195O à Allada, d’un père commerçant et d’une mère revendeuse de tout ce qui pouvait générer en ce moment-là, quelques sous de subsistance. Paix à leurs âmes à tous les deux. (…) Je suis infirmière de formation et comblée de l’être. C’est un très noble métier. »
Sources : http://biscotteslitteraires.com/interview-madame-bernadette-gayon-bg/
Elle est auteure de deux livres : « Et pourtant femme devait s’en abstenir« , et « La blessure du passé« .
5- Anna Koty DANGNIVO
Elle est née en 1955 à Assèdji, sur les rives du Fleuve Mono. Elle est titulaire d’une Maîtrise en Lettres Modernes, d’un CAPES et d’une Licence en Socio-Anthropologie. Elle s’intéresse aussi à la naturothérapie. Admise à la retraite, elle poursuit ses recherches en pharmacopée. Elle a publié deux ouvrages : « La jalousie leur va si bien, » et » Sitou », un recueil de contes.
6- Carmen TOUDONOU
Auteur de deux ouvrages, « Noire Vénus » et « Presqu’une vie« , elle est aussi l’initiatrice du concours national « Miss Littérature ». Elle est passionnée de lettre. En cliquant sur ce lien, l’on en apprendra davantage sur elle : http://biscotteslitteraires.com/interview-a-mme-carmen-toudonou/
2- Explication du titre
Nous laissons la parole à Adélaïde FASSINOU pour qu’elle nous explique exactement ce que renferme ce titre : » Si vous faites attention, vous auriez remarqué que le terme « Nuit » est écrit en majuscule. Cela désigne un être humain, en l’occurrence la vieille de 80 ans qui a été violée par le jeune homme qu’elle a élevé. Heureusement c’est le temple de la vie qui a été profané. Mais vu la violence de l’acte, la nuit s’est abattue sur le village, sur la communauté. Raison pour laquelle on a pensé à cette métaphore de la Nuit. »
(source : http://biscotteslitteraires.com/interview-a-madame-adelaide-fassinou/ )
3- La violence faite aux femmes sous le scalpel des amazones
Le fait n’est pas nouveau en soi. Mais à force de s’y habituer, on finira par ne plus y voir aucun mal. Et pourtant les violences faites aux femmes sont une violation de leur droit fondamental et de leur dignité inaliénable d’être humain à part entière et non entièrement à part. Carmen TOUDONOU crève l’abcès en présentant un cas clinique. Lambert a détruit sa femme, physiquement et psychologiquement. Cette dernière échoue en centre psychiatrique où elle est considérée comme une déréglée mentale. Au for de ses tourments et traumatismes, elle trouve un exutoire: l’écriture. Elle envoie une chaude lettre à sa sœur, lettre qui vous glace et vous remue de tout votre être. Comment a-t-elle pu supporter tant d’atrocités? Comment Lambert peut-il maltraiter ainsi celle à qui un jour du temps il a dit « je t’aime »?
« Lambert avait pris l’habitude de me gifler, puis de me talocher pour un oui ou un non. Au début, dans l’intimité de notre chambre, puis devant le personnel domestique » (P 21).
Si lever la main sur sa femme est signe d’immaturité et d’inhumanité, violer une femme, qui plus est, une octogénaire, c’est transgresser la loi naturelle, « Gbè su » en fon. Voilà Kodjo, un jeune éphèbe, qui va troubler l’eau qui l’a toute sa vie désaltéré. Houklouhouu! Violer une vieille de quatre-vingts ans! En lisant cette histoire, on se demande si Adélaïde FASSINOU voulait faire du récit « Le temple de la nuit profané » une toile où tout ne serait que démesure, exagération. C’est tout même curieux que ce jeune « malade », un drogué enivré des produits ingurgités à Zongo, Missèbo Jonquet, etc. ait réussi ce coup odieux. Ingratitude. Crime abject. Malédiction. Kodjo qui viole une octogénaire, c’est aussi le vieux Dagbo qui viole la petite Houéfa dans le récit « Le chemin nous conduit où nous voulons, à condition de marcher« . Le temple de la nuit profané, c’est aussi Alice qui ne connaîtra de pays des merveilles que la malice de ce « Monsieur » dont elle ne connaîtra jamais le nom mais qui progressivement l’avait lénifiée et hypnotisée tel le serpent sa proie, pour enfin l’engrosser. « Jusqu’à quand? … Jusque donc à quand? » s’indigne Bernadette GAYON qui, entre la plume et le bistouri, dépeint une situation pour le moins cruelle où l’on assiste au départ de la pauvre Alice au pays des rêves étranglés. L’avortement a mal tourné. Les mains expertes des agents de santé n’ont pu l’arracher à la faucheuse. Quelle peine pour sa mère! Quels déchirements pour le corps médical! Le sang d’Alice n’est pas sans évoquer celui de Ramatou qui accepte d’être « excisée par amour« , sauf que cet amour ne durera pas plus longtemps que l’ondée sur la toison. Ici aussi beaucoup de sang a coulé. Sang innocent. Sang d’une naïve qui ne sait pas que l’amour ce n’est pas la romance telle que vantée sur Novelas TV. Trop tard. L’estocade est porté: « Le coup fatal » ainsi que le décrit Anna KOTY DANGNIVO. Guidiglo trompe sa femme, Cécilia, qui a des problèmes de conception. Avec qui la trompe-t-il? Sa meilleure amie, Mathilde. Amour. Trahison. Hypocrisie. Tout est au rendez-vous dans ce mélodrame court métrage concocté par Anna KOTY. Enfin Cecilia conçoit. Des jumeaux sont en route. Son mari la violente alors qu’elle avait besoin de lui : coup fatal. C’est aussi « Le revers de la médaille« . Ici Lhys DEGLA pose l’énigmatique question: « partir ou rester? » quand on découvre que son homme est marié et que sa femme vient d’accoucher une petite fille? Que faire? N’est-ce pas vivre ainsi un « cauchemar éveillé » pour reprendre les expressions de cette même auteure qui, dans le présent récit, outre la trahison et le mensonge mâles, retrace les frasques de Gédéon qui, pour Floriane, n’a été qu’une incarnation de Ebinto. Pauvre Floriane. Elle l’aimait pourtant d’un amour glacé et parfumé! Comment son mari a-t-il pu s’empêcher de la défendre? Floriane était devenue une bête de somme pour sa belle-famille, taillable, corvéable, tête de turc. Le soleil se lèvera-t-il pour Floriane? De toute façon, Sarah apprendra à ses dépens que rien ne vaut la pauvreté dans la dignité. Barbara AKPLOGAN offre une histoire riche en suspenses. Sarah a toujours désiré vivre « dans la maison d’en face » où sa mère est engagée comme lavandière. Dalila est fille de la propriétaire de cette maison. Elle est l’amie de Sarah, sa camarade de classe plutôt. Elle décide de lui faire une surprise. Les voilà dans un bar pour « un dîner pas comme les autres« . Le piège de Dalila a bien fonctionné. La pauvre Sarah devait payer son dîner de sa virginité. Cette situation est un peu différente de celle narrée dans « Zita et le harcèlement sexuel« , mais le dénominateur est le même: l’homme, l’éternel prédateur insatiable. Ici Monsieur Roméo, qui voulait faire de Zita sa Juliette. Mais c’était sans compter sur la détermination de Tante Mado. Mais entre le sort de Nina, in « Déficiences » qui trompe son fiancé dont il attend un enfant avec un séropositif et condamne ainsi le fœtus à mort, et celui de Nonvignon, la différence se situe au niveau des caractères. Tandis que Lhys DEGLA crée une Nina dérangée et traumatisée, Anna KOTY fait de Nonvignon celle qui venge enfin toutes les femmes oppressées et vassalisées. Dans « L’envol de la pâte chaude » c’est toutes les femmes qui enfin se soulagent de pouvoir montrer la force de leurs bras. Nonvignon a déjà beaucoup souffert des frasques, des fréquentations et des inconduites de son mari Towologo. La pauvre, pour son mari, remuait sa pâte avec amour. L’homme l’assomma par derrière d’une paire de gifles sauvages. Une seule solution. Elle souleva brusquement la marmite. Eut lieu l’envol de la pâte chaude. Pauvre Towologo ébouillanté. Divorce instantané. Nonvignon quitta ainsi définitivement le domicile conjugal. Le dernier récit du livre, « Malala, petit ange lumineux d’Orient » résonne comme une clameur revendicatrice qui s’élève des cœurs de toutes les femmes dénonçant l’indifférence mâle face aux souffrances des femmes dans le monde entier. L’histoire de cette petite Malala a défrayé la chronique. Mais au-delà de son parcours exemplaire et digne d’éloge, c’est la responsabilité des dirigeants africains qu’interpelle Adélaïde Fassinou. Que sont devenues les filles de Chibok? Toutes celles qu’a kidnappées Boko-Haram? Toutes les autres victimes de viols collectifs? Les témoignages des jeunes, en épilogue à cette œuvre, sont d’une richesse incontestable. L’on se rend compte que les jeunes aussi sont conscients de la situation et revendiquent une plate-forme pour s’exprimer et dire ce qu’ils en pensent. C’est la preuve que l’éducation est la clef du développement. Pour sauver notre société et lui faire prendre conscience de la valeur de la femme, cela passe aussi par l’éducation.
Conclusion
Ces récits de vie disent en réalité la mort que subissent les femmes au quotidien, dans leur âme, dans leur corps, dans leur esprit. Que de vies détruites! Que de rêves avortés! Que de fleurs flétries avant de s’ouvrir à la vie? L’on ne le dira jamais assez : respecter la femme, c’est s’attirer les bénédictions du ciel. Car tous autant que nous sommes, nous n’aurions jamais existé si un jour une femme n’avait risqué sa vie pour nous. L’initiative des « Plumes amazones » donne à la littérature sa fonction sociale et sa nécessité de s’engager et de s’indigner partout où en l’homme l’on étouffe l’humain. Nos six auteurs nous ont montré un peu, en réinventant le réel, ce que vivent nos mères, nos sœurs, nos filles: que ce soit le mariage forcé, le viol, l’excision, les violences conjugales, la plus grande perdante, c’est encore la femme. Pourquoi scier la branche sur laquelle l’on est assis? Incongruité. Bêtise. C’est certainement pour nous préserver de cette incongruité que le groupe « Plumes Amazones », dans cette première sortie, attire notre attention sur les revers du machisme et de la phallocratie aveugle. Nous espérons que « Le temple de la nuit profané » aura bientôt un petit frère et connaîtra cette fois-ci la participation d’un plus grand nombre d’écrivaines exerçant aussi bien ici au Bénin qu’à l’extérieur. L’œuvre est riche et plaisante, faite d’humour et de drame. Ce sucré-salé fait du bien à l’esprit. N’hésitez pas à vous y plonger. Vous ne le regretterez pas.
Quel esprit de synthèse ! On a l’impression de savoir tout sur le livre et à la fois le besoin d’aller sculpter chaque page de cet ouvrage.
Merci à toutes ces femmes qui essaient de panser cette plaie profonde dont souffre l’humanité en la personne de la femme.
C’est vous qui avez vu juste, AHOUANDJINOU Pauline: « Merci à toutes ces femmes qui essaient de panser cette plaie profonde dont souffre l’humanité en la personne de la femme. »
Très inspirant…
Oui, inspirant, Tanarée Gomez. Pour que vive la femme et survive la société