« A un certain stade de la vie et au rythme où vont les choses, je pense qu’on doit s’arrêter et s’interroger sur notre avenir si les femmes sont dévalorisées, matées, violentées, fouettées, agressées, même tuées. » Moussa Seydou DIALLO

BL : Bonjour M. Diallo, nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Veuillez-vous présenter, s’il vous plaît.

MD : Je voudrais tout d’abord me réjouir de cette entrevue que vous avez bien voulu m’accorder. Je vous félicite également pour le travail remarquable que vous faites dans, la promotion du livre et des jeunes écrivains Africains. Pour répondre à votre question ; je m’appelle Moussa Seydou DIALLO. Je suis un jeune écrivain sénégalais. Je suis originaire de la région de Kédougou, qui est par excellence la région minière du Sénégal et se situant à l’extrême sud-est du pays. Je suis Instituteur d’abord, Journaliste ensuite et écrivain après(…). Au-delà de mes activités professionnelles, je m’investis dans le développement local et dans les mouvements associatifs.

BL : Journaliste, communicateur, acteur de développement local, à tout cela  s’ajoute une casquette d’écrivain talentueux et  polyvalent. Comment qualifieriez-vous vos rapports avec la littérature et qu’est-ce qui a nourri cette idylle au fil des années ?

MD : Comme disait Rabelais : « L’enfant n’est pas un vase à remplir, mais un feu à allumer ». Alors, mon histoire avec l’écriture date de ma tendre enfance. Mon père fut instituteur, maître d’application, donc formateur. C’est avec lui que j’ai commencé à cultiver mon amour pour l’écriture et plus tard avec les amis au collège, lycée pour lesquels j’écrivais souvent de petites missives. J’avais le « don » me disait-on de « toucher » la sensibilité des gens avec les mots. Cela m’a suivi et j’ai grandi comme ça. Il s’y ajoute également que j’ai grandi dans un environnement familial où j’ai appris beaucoup de choses qui m’ont encouragé à vouloir écrire, raconter, partager etc. Ce, non sans oublier mon parcours professionnel et de vie. Mais, il a fallu une épreuve, un déclic pour que je me décide finalement de sortir ce qui était en moi comme une femme en gésine. Cette phrase de Boris Cyrulnik résume ce déclic « donner un sens à une épreuve tragique, c’est mettre dans son âme une étoile du berger qui indique la direction. C’est quand on est enfermé qu’on aspire à la liberté ». Selon les écrits de ce psychanalyste « l’enfermement peut constituer un facteur puissant de créativité ». L’enfermement a déclenché celle flamme qui sommeillait en moi et pour laquelle, j’ai toujours procrastiné à faire ressortir. J’ai toujours voulu, de par mon action, marqué mon temps, inspiré mon entourage et donner un exemple à mes frères et sœurs. Il faut souffrir, mais ne jamais cesser de travailler pour réussir dignement sans avoir à placer son destin entre les mains d’autrui. Alors, ma plume est consciente, engagée et intelligente. Dans un monde où avoir confiance à nos semblables est un luxe, au regard de mes expériences personnelles, l’écriture est mon refuge. Mon arme pour inspirer des transformations sociales, un changement de paradigme et une prise de conscience pour éviter à mes frères et sœurs d’être des « résignés réclamant » comme l’explique Jacques Attali dans « Devenir soi ». Oui ! Il faut oser devenir soi, affronter sa peur et refuser de vivre sous l’ombre de qui que ce soit pour s’accomplir au risque d’être entretenu dans la précarité, la dépendance. L’écriture est donc une thérapie pour moi.

BL : Écrire implique non seulement un certain doigté mais aussi une vocation, de la passion etc. Qu’est-ce qui vous a motivé, vous, à vous engager dans cette voie ?

MD : Voici la citation de Nelson Mandela qui m’a dopé, poussée à prendre confiance en moi. Je cite: « La plus grande gloire ne réside pas dans le fait de ne pas tomber, mais dans celui de se relever à chaque fois que l’on tombe ». Quoiqu’il faille évidemment admettre, il faut une certaine prédisposition pour écrire car comme j’aime à le dire « il n’est pas donné à tout le monde de savoir écrire ». Considérant modestement qu’il y’a une différence à faire entre écrire et savoir écrire. Pour ma part, l’écriture n’est pas une vocation, plutôt une passion. D’ailleurs, n’a-t-on pas dit que rien de grand ne se réalise sans grande ambition ? Mais, ce qu’on oublie souvent ou ce qu’on doit savoir, c’est qu’une ambition est portée par une mission. Et c’est cette passion que j’aie pour l’écriture qui fait que j’engage ma plume pour dénoncer les tares, les maux de notre société, conscientiser les populations, sensibiliser et éduquer la population. J’accorde une importance capitale à la pédagogie et à la portée morale de mes écrits.

BL : L’aventure a commencé avec « Périple solaire », un recueil de poèmes ensoleillés. Parlez-nous de la genèse de cet ouvrage.

MD : Tout à fait. Mon aventure a démarré avec cet ouvrage poétique que j’ai dédié à ma brave et infatigable mère. À travers elle, je rends hommage à toutes les femmes, pilier sur lequel repose la société. Périple solaire résonne comme un chant d’espoir en tant qu’enfant devenu homme qui a grandi sous l’ombre d’une mère protectrice et dévouée. C’est aussi une manière de rendre hommage à tous ces papas qui ont su nous choisir de bonnes mères, sans lesquelles peut-être nous n’aurions pas le privilège qu’on a aujourd’hui. C’est aussi un appel à la nouvelle génération de prendre exemple sur nos mamans pour réussir leur vie conjugale et sociale etc. En plus de magnifier la femme; mère, « Périple solaire » traite certains faits de société comme la question de l’état civil des enfants, l’émigration irrégulière entre autres et chante la belle région de Kédougou. C’est un livre qui donne à sentir, à lire, toucher, voir, dans un style simple tout en nous interpellant sur nos certitudes et nos incertitudes.

BL : Le titre ne révèle pas forcément le contenu du livre. On pourrait confondre « Périple solaire », à un titre de documentaire made in NASA, un film de science-fiction peut-être. « Périple solaire », c’est pourtant, un peu de soleil sur la femme, un peu de soleil sur Kédougou. Pourquoi ce titre ?

MD : C’est un titre assez évocateur et qui résume ce que j’ai voulu partager avec les lecteurs. Tout en mettant la lumière sur la femme comme vous le dites. Que deviendrait le monde sans la femme ? Je parle de cette femme responsable, soucieuse, consciente, imbue de nos valeurs ancestrales, qui ne se considère pas comme « objet sexuel » ou encore « être inférieure » si ce n’est le contraire. A un certain stade de la vie et au rythme où vont les choses, je pense qu’on doit s’arrêter et s’interroger sur notre avenir si les femmes sont dévalorisées, matées, violentées, fouettées, agressées, même tuées. Entretenir une femme, c’est entretenir une communauté. Par conséquent oui! Périple solaire, c’est beaucoup de soleil sur la femme qui est vie et Amour.

BL : Kédougou, on s’en rend compte en lisant ce recueil, occupe une grande place dans votre cœur et dans votre création. Qu’est-ce qui justifie votre si grand attachement à cette région que vous célébrez dans « Périple solaire »?

MD : D’abord c’est ma région. Ensuite, Kédougou a fait de moi ce que je suis devenu aujourd’hui. Tout est parti de là. Ceci est un petit extrait de mon prochain livre que je me permets de partager avec vous en réponse à votre question.

Je suis de Kédougou,

La terre des hommes comme on l’appelle,

À la nature luxuriante et belle,

Où se dresse fièrement Sambangalou.

Malgré sa richesse, mon terroir est dans un trou,

Qui contraste avec la richesse dont il regorge,

Tant sur le plan minier, culturel, cultuel qu’agricole,

Il est au bord du gouffre et exprime son courroux

(Extrait, terres des hommes, ballades nocturnes, Munyanzozi)

 

BL : Après votre recueil de poèmes, vous revenez à la charge avec un nouveau recueil, cette fois de nouvelles. Ledit recueil s’intitule « Tranches de vie».  Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ?

MD : « Tranches de vie » m’a été inspiré par certaines injustices qu’on voit au quotidien, le comportement des individus dans une société de jour en jour déshumanisée et sans pitié, des comportements tels que le népotisme, l’arrivisme, l’autoritarisme, l’égoïsme etc. tranches de vie, c’est aussi une chronique sur certains faits culturels ou sociaux comme la question des castes, le mariage endogamique, le trafic et la traite des personnes entre autres. Et comme je l’écris dans cette œuvre « quelqu’un qui croît qu’il est maître de votre destin, est un ignorant qui ne sait pas qu’il est ignorant. Il faut l’ignorer et poursuivre son chemin ».

BL : Dans ce recueil vous dardez votre plume sur plusieurs méfaits sociétaux qui minent non seulement l’existence de vos personnages mais aussi notre monde contemporain en général. Vous vous muez carrément ici en alerteur et en éducateur. Qu’en dites-vous ?

MD : Je suis avant tout un éducateur. Je me dois de donner le bon exemple. J’éduque par l’action, par le travail, par l’exemple. Comme je l’ai dit à l’entame de mon propos, ma plume se veut d’être une plume intelligente, utile, au service de ma communauté.  Il est bien de divertir, de faire rêver, dans les écrits, mais le plus important pour moi: c’est d’éduquer et réussir à amener mes lecteurs vers une prise de conscience par rapport à des situations qu’on vit et contre lesquelles on doit se mobiliser.

BL : Tranches de vie, c’est aussi une ode à la culture, à la lignée des Djalonkés. Vous le faites à travers un récit ethnographique. Un mot sur ce titre, s’il vous plaît.

MD : La communauté Djalonké est l’une des quatre (4) ethnies minoritaires que compte la région de Kédougou. C’est une communauté culturellement riche, bien organisée qu’on ne retrouve que dans cette région, frontalière de la Guinée voisine où il y’a une forte concentration de ce peuple. J’ai jugé interessant d’écrire sur cette communauté pour la faire connaître au grand public et inciter les populations d’où qu’elles soient d’aller à sa découverte. C’est une manière pour moi de faire la promotion de cette culture, mais aussi les autres comme les Bassari, Bédik ect. Dont les noms reviennent souvent dans mes écrits.

BL : Nous le disions, Moussa Diallo est aussi un acteur de développement local. Food For Children est le fruit et la preuve de votre engagement citoyen. Comment est né ce projet, et quels en sont les objectifs et ambitions ?

MD : « Food for children » est une Association que j’aie créée en 2015 avec des amis et anciens promotionnaires pour venir en aide aux enfants (démunis) dans la région de Kédougou. L’initiative est née à partir d’un constat :

-/ La déscolarisation précoce des enfants au profit des sites d’orpaillage traditionnels

-/ La disparition progressive des cantines scolaires

-/ Le faible revenu des parents pour maintenir les enfants à l’école.

Les objectifs de la structure sont :

  • Lutter contre la sous-alimentation des enfants
  • contribuer au maintien des enfants à l’école avec des garanties de réussite scolaire en fin de cycle.

BL : Quelles sont à ce jour les plus belles réalisations de FFC?

MD : Formation des membres de l’Association FFC sur le jardinage, l’arboriculture

Formation de 20 Comités de gestion d’école (CGE) sur le jardinage, l’arboriculture et la gestion financière

Formation de 20 gouvernements scolaires sur le jardinage, l’arboriculture

Formation de 20 enseignants encadreur sur le jardinage, l’arboriculture

Dotation de matériels de jardinage

204 arbres fruitiers plantés

170 Ecoliers formés sur les Actions Essentielles en Nutrition(AEN), sur l’eau, l’hygiène et l’assainissement(EHA).

170 Ménages touchés à travers les Jeunes écoliers ;

170 Ménages modèles ayant bénéficié d’un appui du projet pour la mise en place du paquet d’activités : arboriculture familiale, micro-jardinage, poulailler, bonnes pratiques d’eau; d’hygiène et d’assainissement, etc.

BL : Le développement local pour vous, quel sens doit-il recouvrir ?

MD : Il est très important dans la construction d’une ville, d’une région, d’un pays. Cependant, IL faut des personnes engagées qui ont le sens du devoir et faisant preuve d’imagination, de créativité, d’endurance, surtout imbu de valeurs civiques et morales. C’est très important. Parce-qu’on ne peut pas bâtir dans la triche, la facilité, l’oisiveté et la main tendue. Il faut à partir du niveau déconcentré apprendre à se battre, transformer son environnement par des initiatives endogènes avec l’implication de la communauté pour son appropriation. Sinon, tout le reste, c’est du folklore pour moi, rien que de la poudre aux yeux, sans aucune logique.

BL: Un mot sur l’Association des Journalistes en Migration et Sécurité du Sénégal (AJMS) dont vous êtes secrétaire général ?

MD : L’association des journalistes en migration et sécurité (AJMS) Sénégal est une organisation mise en place en 2016 par des journalistes et professionnels des médias et traitant des questions migratoires. Jusque-là, ce cadre n’existait pas dans la sphère médiatique au Sénégal. L’association a participé activement dans l’élaboration du document de politique nationale de migration du Sénégal et a organisé beaucoup d’activités de formation des journalistes sur la question, mais aussi des activités de communication et de sensibilisation auprès des populations pour lutter contre l’émigration « sauvage ».

BL : Comment Moussa Diallo apprécie-t-il le paysage littéraire sénégalais contemporain ?

MD : IL n’est pas du tout facile de sortir la tête de l’eau dans ce paysage. Les jeunes auteurs éprouvent énormément de difficultés à se faire éditer. Il faut non seulement passer des jours et des nuits à coucher des idées, lire et relire. Mais, il faut payer pour se faire corriger et faire de même pour se faire éditer. L’édition coûte excessivement chère au Sénégal. Il faut vraiment avoir les reins solides. Un bon manuscrit ne suffira pas pour se faire éditer. Ce qui est contraire dans d’autres cieux où c’est la maison d’édition qui paie l’Auteur pour le publier. C’est dire qu’on n’écrit pas pour se faire des sous au Sénégal. Quand bien même, l’Etat a mis en place des mécanismes pour accompagner l’édition et soulager les auteurs à travers la mise en place du fonds d’aide à l’édition logé au niveau de la direction du livre et de la lecture. Ce qu’on constate et regrette, c’est qu’il n’est pas accessible à tout le monde. En plus de cela, d’après certaines sources proches du secteur, les maisons d’éditions auraient une subvention annuelle de 60 000 000  Fcfa. C’est à se demander à quoi sert cet argent si les auteurs en plus de cette subvention continuent à se faire plumer par les maisons d’éditons ? A cela s’ajoute la question de l’encadrement. Le constat est que ceux qui sont censés encouragés, encadrés les jeunes à faire une production de qualité sont les premiers à se mettre sur la place publique pour critiquer le travail d’autrui. Pourtant, la bonne posture aurait été de s’interroger sur leur responsabilité dans cette production souvent qualifiée par certains de « catastrophique ». Les jeunes ont le talent et le mérite d’avoir osé. Tout ce qu’ils demandent c’est d’être encadrés et accompagnés. Un fonds devrait être dédie à la formation des jeunes des jeunes Auteurs.

BL : Quelles ambitions nourrissez-vous pour Périple solaire et Tranches de vie ?

MD : Pour le premier, mon ambition était de rendre hommage à ma mère ; à la femme en générale et le bouquin fait son bonhomme de chemin. Pour un premier ouvrage, c’est satisfaisant. Pour “tranches de vie”, je poursuis la promotion. Je travaille à le traduire en Espagnol pour toucher plus de monde. J’ambitionne également d’adapter certaines nouvelles au cinéma, sous forme de court métrage. Il y’a aussi des expositions en vue.

 BL : Où et comment se les procurer ?

MD : Les livres sont disponibles chez harmattan-Sénégal sur la vdn, pont de mermoz

Tel : 338259858 ou contacter le livreur de harmattan pour se faire livre partout à Dakar au: 773677599/761415066/ ou bien commander avec moi-même au 77 562 28 39.

On peut commander les deux livres via internet sur : Ebook, Amazon,decitre

https://www.amazon.fr/Tranches-Nouvelles-Moussa-Seydou-Diallo/dp/234319016X

https://www.laboutiqueafricavivre.com/livres/100405-tranches-de-vie-nouvelles-9782343190167.html

https://www.decitre.fr/livres/tranches-de-vie-9782343190167.html

BL :  Parlez-nous de vos projets littéraires en cours.

MD : Je suis un rêveur qui se réalise dans ses rêves.

BL : -Votre portrait chinois à présent :

-Un héros ou une héroïne :

Ma maman

-Un personnage historique :

 Bob Marley

-Un auteur :

 Aimé Césaire

-Un plat :

Le yassa

Un animal :

Le chien

-Un passe-temps :

  Lecture, écriture, scrabble, reggae

BL : Merci M. Diallo pour ce bel échange. Votre mot de la fin.

MD : Merci pour votre attention et le travail remarquable que vous faites. Mes prières !