« On ne badine pas avec l’amour » est une œuvre du genre classique qui met en scène un théâtre un proverbe dramatique structuré en trois actes. Il a pour personnages principaux Camille, Perdican, Rosette, un Baron, Maître Blazius, Maître Bridaine, Dame Pluche et un chœur de villageois. Ce chef d’œuvre on ne peut plus créatif a d’abord été adopté dans plusieurs revues européennes telle la Revue des Deux Mondes (1er juillet 1834), dans certaines séries telles les livraisons de 1834 d’Un spectacle dans un fauteuil et de Comédies et spectacle. A cette fabuleuse célébrité s’ajoutent les nombreuses mises en scène en aval comme en amont à la parution officielle de cette édifiante production de Musset.
Que savoir brièvement d’intéressant de cette pièce classique ?
Perdican, un diplômé d’une université étrangère, revient au château de son enfance. Il se réjouit de la nouvelle que son père, le Baron, mijotait de l’unir en fiançailles à sa cousine Camille. Cette dernière, qui déjà unissait son cœur à la vocation de se sacrifier tout entière à Dieu, est influencée par son éducation religieuse et dédaigne son cousin et l’optique du Baron, son oncle. Dépité de ce fait, Perdican, pour essuyer le ressentiment de la trahison des beaux moments de son enfance avec la nonne, fit la cour à Rosette, une jeune paysanne, sœur de lait de Camille, laquelle devint jalouse. Du badinage à l’engrenage tragique, il n’y a qu’un pas et un triplet d’actes à suivre. Cela est vrai: « On ne badine pas avec l’amour ».
Un pas et un triplet d’actes pour ne plus badiner avec l’amour aux dépens d’une vie chez Alfred de Musset
Le tout premier acte s’ouvre sur la promesse d’une bombance, alors que pointait la vendange. Se faufilait à l’horizon le mariage de Camille à son cousin Perdican ; mariage que le père de ce dernier avait si bien projeté. Tous deux, pour cette cause, ont été pris en charge, l’une par Dame Pluche et l’autre par Maître Blazius, pour s’assurer une éducation de classe noble et enviable. Et comme si le sang appellera toujours le sang, alors que Perdican semble s’accorder avec enthousiasme au projet de son père, Camille lui oppose une froideur rigide. Au lieu de s’embrasser lors de leurs retrouvailles au terme de leur entraînement à convoler en noces, les deux jeunes promis se tournent dos ; l’une pour contempler le portrait d’une aïeule vouée à la religion, l’autre pour admirer une petite fleur tournée vers le soleil. Figure nettement empreinte de l’avenir qui les guettait respectivement au deuxième épisode de la scène. C’est alors que cet acte se soldera par le strident cri de désespoir du Baron suite à l’ultime échec qu’il essuie devant Bridaine, le curé prévu pour sa manigance : « Tout est perdu ! s’exclame-t-il, – perdu sans ressource- je suis perdu : Bridaine va de travers, Blazius sent le vin à faire horreur, et mon fils séduit toutes les filles du village en faisant du ricochet ! » (Scène 5, Acte 1, 48).
Suivra le deuxième acte, dont l’intrigue ne se laisse pas deviner. L’on pourrait s’attendre, et à raison, que l’acte II désamorce ou au contraire exacerbe le conflit entre les deux cousins. Ici, le Baron s’éclipsera pour que Perdican et Camille prennent les rênes de l’action, entre scènes qui multiplient rebondissements et explications. Camille surprend surtout par ses volte-face théâtralisées par une lettre de consolation qu’elle envoie à Perdican avant de se rendre au couvent, par des éclats de colère contre sa gouvernante, et par des manœuvres coquettes envers son cousin, peu conformes à son image de « colombe sans tache » entretenue par Dame Pluche. De son côté, Perdican tente de compenser son dépit en badinant avec Rosette, sœur de lait de Camille. Du reste, les fantoches feront écho bouffon des conflits qui affectent leurs relations. Il s’agit notamment de la guerre déclarée entre Blazius et Bridaine que le gouverneur remportera sur le curé, le battement en brèche de l’autorité de Dame Pluche par Perdican que le Baron retournera encore contre elle pour empirer sa situation. Au demeurant, malgré le terrain d’entente qui s’offrit aux protagonistes sur la question de la vocation religieuse de l’une et l’option opposée de l’autre, les rideaux se fermeront sur un adieu des vrais duels et de faux duos, tel au premier acte. « On ne badine pas avec l’amour ».
Un troisième et dernier acte, et le pas sera fait. Cet acte portera le drame à son paroxysme, les péripéties se succèdent autour de l’intrigue principale. En procédés dramatiques, tout court à la perte d’une vie innocente et du rafistolage de la relation en perte. En effet, Camille surprendra le coup dur que lui prépare Perdican avec Rosette, sa sœur de lait. Sans accepter consommer une amère humiliation, il se résoudra très tôt à interrompre cette idiote entreprise qui a également déboussolé le Baron qui a versé tant d’écus pour une rationalité plus digne. Pour faire ramer dans les vagues de l’échec cette entreprise, Camille fera écouter et prouver à sa sœur tout le contraire du discours que lui aura tenu Perdican pour prendre sa main. Il invita alors Perdican pour lui prouver son amour et lui faire désavouer la véracité du coup qu’il tendit à sa sœur de lait ; en prenant le soin de dissimuler la présence meurtrière de Rosette derrière un rideau, près du lieu des aveux. Perdican ouvrit l’intelligence des témoins à son amour pour Camille, et Rosette s’évanouit puis tira sa révérence sous le coup d’une trahison confirmée. Une vie innocente sera ainsi sacrifiée au prix de l’amour, et la vérité aura triomphé de la raison.
Pour une question d’humani opus (œuvre humaine)
Pour une question d’œuvre humaine, on ne nous l’apprend plus, l’imperfection est intrinsèque au cadre du génie de nos chefs d’œuvre. C’est alors qu’au-delà de toute la magnanimité dont luit « On ne badine pas avec l’amour », d’Alfred de Musset, nous voudrions nous permettre de dire ce qui a retenu moins positivement notre attention. C’est tout simple, et cela peut paraître banal, de lire dans le style d’une œuvre de pareille envergure un mélange de tons et d’allures de procédés stylistiques antinomiques. En effet, comme l’étude dont l’œuvre elle-même est accompagnée a su bien le signifier, nous notons une surcharge de tonalités dans les différents actes qui constituent l’illustre œuvre. A juste titre, le drame est mêlé à la fois au lyrisme, au didactique, et la mesure à la démesure, à l’emportement. « On ne badine pas avec l’amour ».
Cette antinomie n’a pas manqué de jouer dans le personnage qu’incarnent les différents acteurs. A titre d’illustration, nous voyons en Camille, d’une part l’innocente, rationnelle et judicieuse nonne du premier acte, et d’autre part la criminelle manipulatrice qui assassine l’amour et la confiance en sa sœur de lait, Rosette. Aussi, lirons-nous dans le curé qui devrait unir un mariage le promoteur de la désunion qui se réjouit de la défaite du gouverneur déchu dans sa fonction auprès du Barron, après avoir pris sur lui le soin de dénoncer l’ivresse du Maître Blazius.
Conclusion
Partout sur terre, il est une interminable joute de l’amour qui déploie ses versants dans toutes les générations en perte d’éthique à cette heure de la mondialisation. Le frère se veut pour épouse sa sœur ; la fille se veut pour époux son cousin ; la mère désire un gendre riche pour sa fille ; l’oncle désire une meilleure belle-sœur pour son neveu. Et c’est ce dernier qui emballe l’inédit trame qu’illustre Alfred Musset en trois actes dans son ouvrage « On ne badine pas avec l’amour ». Même si la position de l’auteur ne fait pas nettement surface sur la question, il est obvie que pour les bonnes consciences ces décisions drastiques et tristes sont essentiellement contre nature. Par conséquent, la nature prend ses dispositions pour que cela se solde par les pires achoppements que ceux des amours ordinaires.: jalousie, vengeance, dépression, et surtout la mort qui, dans ces cas incestueux, est le prix à payer quand on contrevient à l’ordre naturel. « On ne badine pas avec l’amour ». Il ne faut jamais le faire.
Etudiant en 1ère année de Philosophie au Grand Séminaire Saint Paul de Djimé (Bénin).