Que fait-on ou que ne fait-on pas quand on aime vraiment ? Donner ? Se donner ? Se pardonner ? Pardonner ? S’abandonner ? Abandonner ? Se suicider ? Tuer ? Voilà tant de questions que l’on se pose et qui constituent d’ailleurs des probables résolutions que l’on prend au nom de l’Amour. L’Amour quand il nous tient! À lui seul, il peut aider à soulever le monde. De la jalousie à l’amour passant par la haine, il n’y a qu’un petit pas.
Dominique Titus nous emmène aisément à travers les méandres de ce sentiment. Qui ne connait pas cet auteur au Bénin ? Lorsqu’on parle du polar, c’est d’abord lui, il n’y a aucun doute à se faire là-dessus. En témoignent ces livres Où est passée Fatimata Yèkê Yèkê et La fille vierge. Ce présent recueil de nouvelles, Quand on aime, … n’est pas en marge de ce que nous savons de l’auteur : mener des enquêtes.
Quand on aime, … regroupe cinq différentes enquêtes d’El Hadj Mamadou Sèssè. Rien que des nouvelles policières présentées par Roger Koudoadinou. Ce qui retient l’attention, est que ces nouvelles sont parues dans Daxo-Express d’avril à décembre 1970, le journal officiel du Dahomey d’alors. C’est donc une résurrection des écrits de Dominique Titus.
Toutes les nouvelles de ce recueil de nouvelles ont un seul point commun : l’enquête avec l’unique, l’ineffable meneur d’enquêtes El Hadj Mamadou Sèssè. Et comme le dit l’auteur à travers le personnage du commissaire Tonnerre : « … une enquête est un peu comme un puzzle dont il faut rassembler tous les éléments pour avoir une forme intelligible de l’ensemble ». À l’image des grands enquêteurs de séries policières comme l’inspecteur Derrick et son adjoint Harry Klein, Starsky et Hutch, Dana Sccully et Fox Mulder dans « X-Files », Sherlock Holmes et le docteur Watson dans la série « Sherlock », en passant par Lucifer Morningstar et son acolyte l’inspecteur Chloe Decker dans « Lucifer » , El Hadj Mamadou Sèssè et son équipe composée de l’Inspecteur Ildevert Lebras, de l’Inspecteur stagiaire Hubert Gari puis des autres policiers nous entraînent sur des chemins d’enquêtes de crime à la recherche de coupables.
En effet, dans la première nouvelle « Quand on aime, … » (Pp 19-38), Marouf est incapable de payer à Cokou Ibrahim, un usurier impitoyable, ce qu’il lui devait. Ce dernier, pour faire volte-face, exige d’avoir des relations sexuelles avec Fati, la femme de Marouf, comme il l’avait déjà confié à Richard et à Golou plus tôt à faire avec leur femme. Une proposition qui n’est pas du goût ni de Marouf, ni de sa femme Fati, ni de la femme de Cokou Ibrahim qui pensent tous deux que c’est une humiliation. Le lendemain, on retrouve Cokou Ibrahim mort, assassiné. C’est alors qu’entrent en scène El Hadj Mamadou Sèssè et son équipe pour trouver le coupable : « Le commissaire Mamadou Sèssè prit l’enquête en main, en compagnie de ses adjoints, l’inspecteur principal Ildevert Lebras et l’inspecteur adjoint Hubert Gari dit Chien méchant. Les agents Boa et Azizabitou complétaient l’équipe. Et elle était troublée, cette équipe, devant la veuve de Cokou Ibrahim. » p.25.
Dans la deuxième nouvelle, « Une fille volage » (pp39-63), il s’agit d’un homme prospère, amoureux de Simone (une belle jeune fille, avide d’argent, qui a mille amants et qui ensorcelle tous les hommes p.57). Il est un vieil ami du Commissaire Tonnerre qu’il sollicite d’ailleurs dans une sombre affaire occulte. Il a en effet, subi une tentative d’empoisonnement de la part de Simone en complicité avec Laurant Monto, un herboriste et qui est en même temps un des ses rivaux. Après les enquêtes, le commissaire conclut : « Méfiez-vous des boys trop zélés et des filles trop belles. Les premiers sont généralement sournois, les dernières, inaccessibles ou dangereuses », p.63-64.
Troisième nouvelle, Dominique Titus l’intitule « Légèreté coupable » (pp.65-82), le commissaire doit enquêter sur un meurtre d’une jeune fille lycéenne de dix-huit ans, enceinte de 4 mois et qui cohabitait avec trois hommes (ses deux frères et un jeune paysan analphabète qui est pousseur de pousse-pousse que les jeunes ont recueilli chez eux. « Le coupable est l’un de vous trois », p.72.
Dans la quatrième nouvelle « Le dossier de la marâtre » (pp83-113), comme on peut l’imaginer soit dans les contes ou parfois dans la vie active, ce n’est jamais tranquille dans une famille polygame avec les coépouses qui s’en veulent à mort ou rivalisant d’ardeur pour se faire aimer par le mari. Ici, dans cette nouvelle, c’est le meurtre de la jeune fille Madinatou Holoto par une tueuse en série que le commissaire est censé résoudre avec toute son équipe. Dans cette enquête, ils vont découvrir que le coupable avait déjà tué aussi une autre personne : « Les policiers comprirent que ce ménage battait de l’aile et ne cherchait pas à sauver les apparences. Et comme toujours, dans ce cas de figure, c’étaient les enfants qui trinquaient. Ils avaient payé le prix fort dans cette famille puisqu’ils étaient morts, tous les deux. L’aîné, le Zacharie, était-il livré à lui-même comme la défunte, comme Madinatou ? », p.104.
La cinquième et dernière nouvelle de ce recueil « Une affaire de famille » (115-139), contrairement aux autres décès dus à quelqu’un, l’enquête ici va aboutir à une mort naturelle. Et pourtant, quand il s’agit d’une affaire de famille, il faut éviter d’exposer les faits aux yeux du monde. L’adage conseille même que « le linge sale se lave en famille ». Mais lorsque les tensions sont au paroxysme, les accusations fusent de toute part et le coupable est vite désigné à cause de tel ou tel propos prononcé précédemment : « A la précédente réunion de famille, il s’en était fallu d’un rien pour que des participants en viennent aux mains, comme des chiffonniers », p.118. Et le commissaire, après avoir mené l’enquête de main de maître, conclut : « Je ne peux rien pour vous malheureusement, déplora Mamadou Sèssè, en écartant les mains largement devant lui en signe d’impuissance. Votre problème est une affaire de famille, vous comprenez ! Et, dans ce cas, la loi m’oblige à croiser les bras et à laisser chacun faire ce qui lui plaît… » p.139.
Dans ce recueil de nouvelles Quand on aime, … , on peut (re)découvrir tout le talent de l’auteur à créer les différentes scènes de crime, à poser les trames, les motifs et alibis de chaque décès suspect. Tout ceci dans un style linguistique digeste et alerte. Les thèmes développés sont entre autres l’amour, la jalousie, le viol, la haine gratuite, l’ignorance, l’ambition démesurée, l’empoisonnement. Si cette œuvre était portée à l’écran, elle serait l’une des séries télévisées les plus suivies du moment.
Kouassi Claude OBOE