Prix Plumes dorées 2015 des Éditions Pluriel, ce recueil de nouvelles est d’une truculence merveilleuse, une toile multicolore où chacun, selon son champ de vision pourra voir ce que lui aura permis son acuité visuel. L’œuvre va du clair obscur au chatoyant en passant par zones mi-pâles mi-étincelantes. Voici en effet un coffret de dix nouvelles qui s’accordent  toutes autour de l’absurde, que ce soit par le prisme du lugubre, de mélancolique, ou que ce soit dans un registre plus ou moins satirique ou dénonciateur. Ainsi, dans : « La nuit est tombée sur la nuque », Djamile Mama Gao, use d’un style aux frontières du poétique et du griotique, pour attirer l’attention sur les multiples injustices et méchancetés dont sont victimes les adolescentes dans la société traditionnelle africaine. C’est ce qui se lit dans le récit de la mésaventure de Maïsarath et ses compagnes. Le poétique, dans l’œuvre tend les bras au fantastique, et Eve Fanou dans « La tranchée », transmet l’angoisse de la jeune épouse « de cujus » qui depuis l’au-delà raconte à son mari l’accident responsable de son trépas alors qu’elle portait en son sein le potentiel fruit de leur amour. Ici, à l’angoisse, s’ajoute le regret éternel de tout ce qu’elle aurait voulu ou pu faire mais qui n’est resté qu’un rêve… inaccompli. L’on paie toujours le prix des options faites, et quand la fatalité et l’imprévu s’invitent dans le cours de la vie, tout ne tourne pas comme prévu. Mais il y a toujours de l’espoir pour qui sait s’assumer et assumer son histoire. Mylène Flicka, in « Le prix d’un Homme », raconte l’histoire du jeune Kéni, abandonné par sa génitrice dès sa naissance sur un tas d’ordures, recueilli et élevé par un éboueur. Cet enfant passe le clair de son temps à suivre voire surveiller les femmes enceintes de peur qu’elles fassent comme sa mère que jamais plus il ne connaîtra. N’est-ce pas là sa manière de leur éviter une croix trop lourde à porter? De toute évidence, en épousant le genre fantastique pour dresser « Une croix, sur l’écorce rouge de la terre », Annette Bonou conte la mésaventure fatale de Sessi, une jeune étudiante qui, prise au piège des amourettes, s’est retrouvée abandonnée face à son destin et celui du fœtus, fruit de son erreur. Quel diable s’est joué d’elle? Yves Biaou  signe « Le diable et son train », d’un air plus ou moins triste, où il expose la haine et le désamour dont a été objet Shango, de la part non seulement de son père et son frère, mais aussi de la société des hommes. Son péché était d’être né malformé. Une histoire à la Quasimodo de Victor Hugo dans « Notre-Dame de Paris » qui se vit autrement sous la plume de Juvencio Kpehounsi  qui peint son « Jimmy-Salan » dans un style plus ou moins satirique où le drame et l’absurdité traduisent les multiples folies dont l’amour peut être responsable. Pauvre Jimmy-Salan, attiré par l’amour du lait de vache ou perdu par son attachement à la jeune peuhle? Comme pour élucider la question, Fiacre Kakpo avec « Les ailes de dédale », livre récit de l’aventure de Ayman et son père, le vieux Bila. Ce dernier ayant voulu financer l’émigration du premier a opté pour l’infanticide de Sèna, un innocent albinos de deux ans. Mais c’étant sans compter sur la justice de la nature et celle des hommes. Pour sa part, Sêminvo Hlihè, dans la peau d’un enfant et d’un air indigné, se sert du prétexte «Une descente aux enfants » pour mette en lumière l’histoire de Sessi et Popo, deux enfants victimes d’une maltraitance sans nom et ceci, avec la complicité tacite de tout leur entourage dont le silence est tout aussi coupable que la méchanceté de leurs bourreaux. Sur un autre plan, Mireille Gandebagni, à travers « Le recueil », fait découvrir l’histoire d’une auteure meurtrière et voleuse d’œuvre littéraire. En dénonçant ainsi sans ménagement aucun le plagia et la malhonnêteté intellectuelle, elle rejoint Jordy Hounhoui qui, avec .  « Plume en confession », rend compte du récit commun du jeune Rodrigue et son prêtre confesseur. Une histoire terrifiante d’un stylo magique réalisant tous les souhaits positifs comme négatifs de Rodrigue.

Mon coup de cœur pour cette œuvre est sa richesse inouïe que constitue la diversité de l’imagination des auteurs, de jeunes écrivains dont le talent n’est plus à démontrer. Non seulement l’œuvre est de jeunes auteurs mais aussi parle-t-elle de la réalité des jeunes aux jeunes appelés à être les parents de demain. Et sa lecture fait se sentir protagoniste, passif comme actif, pleinement impliqué dans chacune des histoires. Une sensation particulière que seule la lecture fait vivre ! Je ne vous demande pas de m’imiter, mais prenez simplement le livre et laissez-vous aller!!

 

 

Paterne HOUNKPE

Kpossi Codjo Paterne HOUNKPE, est né le 15 Avril 1996 à Bopa et y a fait ses études primaires. Après les études secondaires au CEG BOPA et dans les séminaires d’ADJATOKPA et de PARAKOU, il poursuit actuellement ses études en Administration Générale à l’ENAM, à l’Université d’Abomey-Calavi. En plus d’être passionné de l’art écrit, il est aussi un amoureux de l’art musical.

  1. Merci à toi Paterne pour la lecture partagée.
    Belle plume.
    Tu nous fait revisiter les plumes dorées de 2015.
    bravo.