Il s’agit d’un drame familial mais qui demeure grave : violences domestiques. En arrière-plan à ce drame qui semble prendre toute la place, d’autres sujets sont astucieusement soulevés, sujets d’actualités, propres à l’Afrique ou non…
Après ma deuxième lecture, L’hibiscus Pourpre, je suis sûre de n’en avoir pas encore saisi toute l’essence. Mais je me lance !
Chimamanda Ngozi Adichie a un talent pour conter les histoires, à l’oral comme à l’écrit ! Ce qui n’est plus vraiment à démontrer.
Je me suis laissée entraîner, par le récit, dans cette famille africaine moderne. Une éducation très rigoureuse pour les deux adolescents Kambili et Jaja et même pour leur mère. L’auteur nous montre la rébellion avant le joug, l’affront avant la faute qui l’a déclenchée.
Que pourrait-il arriver de mal derrière les immenses murs de la magnifique villa de l’un des plus riches hommes d’affaires du pays, abonné aux dons paroissiaux et caritatifs ? Une famille parfaite, une épouse bien comme il faut et deux enfants obéissants et brillants (un garçon et une fille). Cet homme qui ne tousse, pardon qui ne jure que par Dieu et son fils, qui observe tous les rites religieux à la perfection et communie tous les dimanches, le plus humble et le plus croyant des fidèles de la paroisse. Vous avez déjà entendu les expressions : « L’enfer est pavé de bonnes intentions. » et « La religion est l’opium du peuple. » ? Combinez les deux et vous aurez une idée du rôle détenu par le père de famille, Eugène Achike.
Je suppose que le fait que l’histoire se déroule en Afrique contribue à mon émotion. Je crois que l’usage détourné qui a été fait de la religion pour justifier les châtiments corporels et la déshumanisation des non-croyants m’a dégoûté étant chrétienne. Mais la rage est venue d’ailleurs. Sûrement dans l’impassibilité de la mère qui se contente de ranger les bibelots cassés, de panser et cacher les plaies de ses enfants, de prier pour que la vie reprenne dans un corps de jeune fille maltraité, dans son incapacité à prendre son destin en main et à protéger les siens. C’est pourquoi lorsque le twist final est apparu, je n’avais plus de mots dans ma bouche comme l’aurait dit Jaja, leur fils. Jaja dont la jeunesse est entachée, marquée à jamais par cette période de sa vie, traumatisée, lui qui découvre la liberté pour ensuite se retrouver en prison.
Le traumatisme, c’est aussi le syndrome de Stockholm. Syndrome ici aggravé par les liens du sang, l’endoctrinement progressif dont a été victime Kambili, tout comme son frère. Quand on est victime, on n’a pas toujours conscience de cela ni de la nécessité de se libérer : les chaînes invisibles ont la particularité d’être plus tenaces et meurtrières que celles que l’on peut voir. Et dans ce cas de figure, seule la victime peut se libérer… mais je m’égare.
Il s’agit d’un drame familial mais qui demeure grave : violences domestiques. En arrière-plan à ce drame qui semble prendre toute la place, d’autres sujets sont astucieusement soulevés, sujets d’actualités, propres à l’Afrique ou non :
- L’opposition entre la religion traditionnelle et celle moderne : quelle place, quelle importance, quelle tolérance, qui est plus humain ?
- L’adoption de la culture du colonisateur en dédaignant la sienne propre.
- L’immigration vers un pays étranger pour fuir les difficultés financières, politiques.
- La place de la femme dans la société : opposition entre une femme autonome et une femme assujettie par son mari.
- L’éducation des enfants et la responsabilité envers les aînés.
- Le mariage pour les prêtres…
Puissiez-vous trouver en ces quelques mots maladroitement agencés, une invitation à lire l’œuvre l’Hibiscus Pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie. Pour ma part, je « donne mes mains » à l’auteur pour son ingéniosité et sa sensibilité. Et à ma prochaine lecture !
Ghislaine Yawa AGUNYO