Cher journal,
Toi à qui je raconte tout, je viens aujourd’hui te livrer mon malheur. Toi qui sais tout de mon passé, je viens te confier mon présent et avec toi, pleurer mon avenir. Laisse-moi donc te dire ce qui s’est passé aujourd’hui.
Elle était là, juste à côté de moi, le papier rosâtre entre les mains. Le sol était de temps à autre arrosé des gouttelettes d’eau salée qui tombaient de son visage. Que faisais-je, moi ? Où étais-je en réalité ? Je crois que je ne savais plus trop. Mon support fessier me semblait soudain irréel. Je ne sentais plus rien d’autre que le poids de cette feuille qui me semblait pareil à celui de tout l’univers.
Il y a à peine trente minutes qu’elle était là. Á son arrivée, après que nous ayons échangé un baiser que je sentis bien morose par rapport à la dernière fois, je demandai à Rosa de prendre siège sur le lit, meuble le plus confortable de mon local. Un guéridon accompagné de quatre canapés. Un petit poste radio. J’aimais bizarrement ce royaume, mon univers sobre qui définissait toute ma condition sociale. Comme d’habitude, je me suis laissé aller à des rêveries.
Je te disais donc, mon ami, que nous étions là dans un silence méditatif ou soucieux, dans tous les cas, effrayant. J’osai pendre la parole et lui demandai :
– « Pourquoi, Rosa ?
-…
-Pour l’amour du ciel réponds-moi, continuai-je. »
Je n’obtenais pour réponse que ce silence qui ne faisait qu’assombrir le ciel de mon toit. Elle daigna alors prendre la parole. Levant lentement la tête, elle me fixa de ses yeux ronds que j’adorais tant, fit semblant ensuite d’essuyer une larme rebelle et me dit d’une voix brumée :
-Pardonne-moi, Carlos.
Je n’étais plus là. J’étais loin, très loin…
Je m’étais retrouvé, en l’intervalle d’une tierce, dans cette buvette, en cette belle nuit de février où tout me poussait à aller prendre un pot. C’est à Excalibur que je rencontrai Rosa. Assise toute seule à une table, elle semblait savourer son petit verre de Rhum. Je m’intéressai dès mon entrée à cette jolie forme qui sentait la rêverie. Démarche galante, cheveux redressés, chemises rangée, je mis tout au point pour ne pas rater ma chance.
Quand je m’assis à sa table, Rosa scruta d’un regard (je me disais intéressé) celui qui venait de rompre sa solitude. Le verre de liqueur que je venais de prendre me donna de la force et je me mis à l’assaut. De blagues en blagues j’approchais du but. Elle me donna bientôt son nom et son prénom, ce qu’elle faisait dans la vie. Enfin…… Oui enfin parce que nous étions en train de finir la bouteille de liqueur que j’avais commandée, elle se résigna à me donner son numéro de téléphone. Je décidai alors de me retirer pour laisser un peu de temps, disons, de répit à ma proie. Mais elle voulait aussi s’en aller. Je décidai de faire avec elle un peu de footing en la raccompagnant. Les choses étaient encore meilleures. Elle habitait mon quartier.
Nous en étions là, marchant et riant quand soudain, un coup de tonnerre. Quelle est cette pluie qui peut bien tomber en plein temps de chaleur. Nous allâmes nous réfugier sous un hangar, bêtement heureux d’être trempés. C’est alors que se produit ce qui n’aurait dû jamais arriver. Comme ma maison ne se trouvait pas loin, je proposai à Rosa de faire une pause chez moi le temps que cette pluie diluvienne s’arrête.
Sans trop de polémique elle accepta. Une fois dans mon royaume je me plus à observer les premières réactions de mon hôte. Je pouvais lire sur son visage un mélange d’étonnement, de curiosité et de trouble. Se retournant alors vers moi elle me lança :
-« N’aurais-tu pas un tee-shirt à me prêter, le temps que sèchent un peu mes vêtement ? »
Sans trop chercher à comprendre je lui lancer un de mes « tee-sh ». Alors d’une adresse que je ne pourrais encore aujourd’hui expliquer, elle changea sa belle robe moulante et se trouvait désormais dans un simple tee-shirt. J’avais devant moi ce que je pouvais appeler l’un des rares spécimens de la création. Un corps parfait, des contours qui agressaient les yeux. Tout se mélangea d’un coup dans ma tête.
Mon hôte apparemment peu troublée, s’assit d’un rituel de culte sur mon lit et se mit à me fixer. Que pouvait-elle bien penser… ? Je me raclai la gorge, titubai dans ma démarche et me laissai choir sans savoir trop comment à côté d’elle. Elle me fit remarquer que mes habits étaient encore humides et que je risquais de mouiller mon matelas. Elle n’avait pas fini sa phrase quand d’un bond je me levai comme stupéfait pour aller changer mes habits.
J’y étais quand soudain je sentis une présence derrière moi. Rosa s’approchait, un peu trop près peut-être. Elle se colla à moi me murmurant quelques mots que je reçus à peine. Comme Judas Iscariote, j’étais possédé. Me retournant, je la saisis par la taille et fus emporté par la folie des ébats. Je ne pensais plus à rien si ce n’était de posséder pleinement cette « sorcière » qui m’avait enchanté. Je m’y étais jeté sans aucune protection. Moment fatidique de ma perte, sensualité indicible de mon malheur. Ohh !!!
-Carlos.
-…
-Carlos, tu m’écoutes ?
Désolé j’y étais encore. Mes rêveries….Oh mes rêveries…. Rosa n’était pas dans mes bras dans quelque ébat mais elle me fixait, cherchant à me ramener de mon petit voyage temporel.
-« Oui je t’écoute, lui dis-je ». C’est alors que je revins à la triste réalité. Un test de dépistage du VIH positif. Un test de grossesse positif. Qu’allais-je faire ? Qu’allais-je devenir ? Désormais père et probablement séro-positif que pouvais-je envisager comme avenir ? Et Rosa, que faire d’elle ? Je me tournai vers elle, la contemplai d’une colère tendre et ne sus quoi lui dire.
A toi non plus cher journal, je ne sais plus trop quoi dire. Désolé si je te mouille de mes larmes, abîmant ainsi tes feuilles. Mais je suis perdu et n’attends que cette fée de la chance pour trouver une issue pour demain… Demain
Mario VODOUNOU