Introduction
Lire, c’est nourrir son intelligence, c’est marcher vers la liberté. Mais comment lire si personne n’écrit? Comment nourrir son intelligence et construire sa vie et son être si les écrivains ne nous en donnent pas l’opportunité? Si pour vivre, il faut lire, selon l’injonction de Gustave Flaubert, vivre véritablement, c’est s’introduire dans l’intimité de Dieu qui inspire l’écrivain et le fait participer à son œuvre de création. Ce processus de création, de pro-création et de re-création culmine dans le désir de tout homme qui aspire à un monde meilleur. C’est ainsi que pour ajouter un plus à l’humanité, pour rendre manifeste cette pensée de Hervé K EZIN OTCHOUMARE, in « Le monde arc-en-ciel« ((P.71) « Quelle que soit la couleur de ta peau, quelle que soit ta religion, quelle que soit ton ethnie, quel que soit ton sexe, tu es une valeur ajoutée à l’humanité. (…) » que le père Armel FAKEYE. Commet un recueil de poèmes qu’il intitule « Confidences d’un prêtre : De roses et d’espérance ». Ce livre, attrayant déjà de par son titre, laisse entrevoir que le prêtre a besoin lui aussi de se confier. Et c’est là la substantifique moelle de cette œuvre! A qui le prêtre peut-il se confier? Comment lui qui est homme d’écoute, peut-il briser la bride de sa continence pour se mettre à étaler sur la place publique ce qu’il appelle « ses confidences »? Ce livre, nous essaieront de le présenter non pas en répondant à ces diverses interrogations – l’auteur l’a déjà fait dans l’interview qu’il a accordée à Biscottes Littéraires[1]– mais en disant un petit mot sur la biobibliographie de l’auteur et sur la couverture de l’œuvre ainsi que les thèmes qui y sont abordés.
I- Biobibliographie de l’auteur
Il s’agira de présenter ici la vie, le parcours scolaire et l’aventure littéraire de l’auteur. Armel FAkeye est un jeune prêtre de Jésus Christ de l’ordre des Frères Mineurs Capucins. Il est ordonné prêtre en 2015. Il est béninois et y réside. Il a étudié au cours de sa formation philosophique et théologique, les grands maîtres de la science, de la rationalité et du franciscanisme. Voici ce qu’il dit de lui-même dans la belle interview accordée au blog Biscottes Littéraire : « Je suis Père Armel FAKEYE, prêtre de l’ordre des frères mineurs capucins. J’ai fait mon cours primaire à Charles Guillot. De la 6ème en 4ème, j’ai fréquenté au Collège les Cheminots et de la 3ème en Terminale, au Collège Catholique Père Aupiais. Je suis actuellement en mission au nord du Bénin, comme vicaire de paroisse. »[2] Amoureux des Belles Lettres, il a rencontré « Dame Poésie » alors qu’il était élève au Collège Père Aupiais: « Cette aventure a commencé par un poème qui a été mi au tableau par notre professeur de Français Monsieur Jean FANDE et qui a suscité le désir en moi de découvrir davantage et ce désir a été accompagné, ce désir a mûri et a porté des fruits. »[3] On comprend alors que le Père Armel FAKEYE a connu l’écriture depuis son jeune âge et a fait du chemin avec la muse qui jamais ne l’a quitté, en témoigne cette confidence : » La poésie est une compagne qui ne s’est jamais séparée de moi. Elle a été présente à tous les instants de ma vie. Quand j’avais besoin de me saisir de ma plume pour dire ma joie, ma douleur, mon allégresse, elle était là. Permettez-moi de la personnifier. Le texte « Folie ancienne Sagesse nouvelle » rend agréable hommage à celle que j’appelle la fille bien aimée de l’Ecriture : Dame poésie. »[4] Cet amour pour l’écriture, il l’a gardé et avec son premier ouvrage « confidences d’un prêtre « : De roses et d’espérances, il entre officiellement dans le monde des écrivains poètes béninois. Que veut-il exprimer à travers cette œuvre à la couverture sombre?
II-Étude de l’ouvrage: De la couverture à l’intérieur de l’œuvre
A-Interprétation de la couverture
Le noir domine la première de couverture, et on pourrait bien penser à la mort ou tout autre chose ayant rapport avec .on trouve aussi un peu de blanc et de rouge. Un prêtre avec l’indexe de la main droite à la bouche, on pourrait bien comprendre un signe de sagesse et de silence. La quatrième de couverture est consacrée à l’auteur, un peu à sa biobibliographie. Mais de l’étude des couleurs, retenons les mots du présentateur de l’ouvrage, Monsieur Jean FANDE, relayés par Manassé AGBOSSAGA : « Jean Fandé évoque très tôt le noir, qui selon lui reste la couleur dominante. Il fait savoir que si dans notre contexte sociologique, le noir fait souvent appel à quelque chose de sombre, il est utilisé ici comme signe d’espoir. le noir utilisé vient signifier que pour faire la confidence, il faut un cadre qui rassure, qui assure la confidence, la sécurité, qui suscite chez le confesseur le désir ardent de vider son sac. En plus du noir, le présentateur a, dans un jeu de mots, dit observer le Rouge, qui selon lui « n’est pas du rouge, mais du rose rougeâtre ou du rouge rosâtre ».Selon lui, ce jeu de couleur vient pour dire qu’après les confidences, les fruits tiendront la promesse des fleurs. Outre le noir et le rouge, le présentateur a évoqué la couleur blanche qui traduirait l’innocence, et la sincérité du Père Armel Fakèyè. Après les couleurs, le présentateur s’est attardé sur les illustrations. Ici, il a fait cas de l’indexe droit de l’auteur, qui dit-il, semble servir de béquille pour soutenir la lèvre inférieure d’un prêtre. A en croire ses explications, il s’agit d’une position de quelqu’un qui s’abstient de parler pour laisser libre cours aux autres sens, pour fermer les autres sens et leur donner libre cours.« [5]
Au demeurant, il faudra saluer le réalisme et l’ingéniosité de l’auteur et de son éditeur pour le choix et l’éloquence des symboles utilisés. Cette couleur noire qui aurait pu évoquer la mort, la voilà qui exprime la vie, la vie nouvelle qui germe et fleurit quand on a fini de se vider. Mariama l’avait déjà prédit : « La confidence noie la douleur ». Quand on se vide et qu’on est sûr d’avoir été écouté, on est soulagé et guéri à moitié. Se confier, c’est thérapeutique et le sous-titre : de roses et d’espérances » est une invite à savourer le nectar de la rose après avoir gémit du sang qu’on fait coulé ses épines. Si les Latins ont pu dire « amo rosam, sed timeo spinas » (J’aime la rose mais je crains ses épines), c’est un fait que la floraison des roses augure d’une bonne récolte de miel. Et c’est ici que le blanc du sous-titre et du dernier mot du titre « prêtre » nous plonge dans cette pureté de l’âme qui régénère après les larmes symbolisées par le rouge des « confidences ». L’espérance qui fleurit quand on a fait ses preuves dans les épreuves et persévéré au temps du malheur et des souffrances, c’est le signe fort que le propre de l’homme est de prendre de la hauteur par rapport aux différents événements de la vie et se convaincre de ce que « quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finit toujours par se lever » et que : » C’est de l’humus sale et nauséabond que jaillit l’heureuse plante verte« [6]
B-De l’intérieur de l’œuvre
1-Structure de l’œuvre
Le recueil de poèmes « Confidences d’un prêtre : de roses et d’espérance« du Père Armel FAKEYE débute par une dédicace à ses lecteurs.
L’ouvrage est préfacé par Cédric Marshall Kissy écrivain, poète, blogueur, doctorant ès lettres. Nous y découvrons aussi une note introductive qui vient ouvrir la porte aux trois parties composant ce recueil de poèmes.
Ces trois parties dans leur ensemble contiennent en effet 32 poèmes, dont douze pour la première et dix respectivement dans les deux autres parties. La première partie: « Confidences » renferme douze poèmes que sont : *Ma vocation *Pas un superhomme *Un rendez-vous imprévu *Il était une nuit *sois un juste *s’il y avait un refrain plus exaltant, je l’aurais fredonné * Géranium * folie ancienne, sagesse nouvelle * Aimer autrement *je croyais le connaître * silencieux compagnon * Douce présence. La deuxième partie » Au delà des épreuves « est constituée de dix poèmes * la paix * le miracle au cœur * mon premier poignard * tragique destinée * le Dard de la souffrance * reviens * partir * l’itinéraire de ta vie * Que la joie soit le vade- Mecum de toute notre existence * Femme. La troisième partie » Au royaume de l’Amour » est constituée également de dix poèmes, * mon cantique poétique * l’amour, sourire d’une vie * Au coeur de l’amour * l’allégresse humaine * le souffle de l’amour * A la croisée des chemins * Une vie se construit * le rêve de naître chaque jour * si tu savais le don de Dieu * Notre Dame. Un beau poème en guise de postface vient précéder la table des matières.
2- Style de l’auteur
Au-delà de la simplicité, de la pureté et de la beauté du style de l’auteur, ce qui frappe dans le livre du Père Armel KAKEYE, c’est sa liberté vis-à-vis de la ponctuation. Le texte démarre et vous emportes dans ses flux et reflux sans vous étouffer et quand l’auteur a fini de se vider, de faire sa confidence, il vous ramène sur terre en scellant sa pensée, soit par un point d’interrogation lourdes de toutes les questions existentielles et essentielles qu’il se pose et qu’il pose au monde sans attendre de réponse nécessairement, soit par un point d’exclamation qui signifie le « ouf de soulagement, la joie de s’être libéré mais aussi ses extases, l’expression de ses émerveillements, douleurs, déceptions et joies. En témoigne le poème ; » le miracle du cœur« .
3-Les thèmes dominants
L’auteur, à travers ses 32 poèmes, a brassé à merveille plusieurs thèmes dont l’amour, la femme, de l’espérance.
* L’amour
De l’amour, point n’est besoin qu’on nous parle longuement. Nous en faisons l’expérience tous les jours. Nous en venons et nous y retournons. Nous en recevons et nous en donnons. Nous en sommes le fruit. Et l’amour est pour nous, beaucoup plus que ce qu’est l’oxygène pour nos poumons, ou l’eau pour notre vie. C’est à juste titre que Euphrasie CALMONT écrit : » Celui qui n’aime pas, ne vit pas. Il est aride. Il ne peut pas s’épanouir. Il se renferme. Il ne sait pas aller vers l’autre. Alors, il a ainsi vite fait le tour du monde, puisque son monde n’est que lui-même. Il s’ennuie et peut même se détruire ou se retirer de ce monde à la fin. Quelle misère il endosse, quand on imagine la grandeur du monde et les possibilités offertes. » [7] Et comme une réplique à Rodolphe HOUNKPE qui scandait : « Me voici pour chanter au monde// Ton amour qui est si grand. »[8], l’auteur des « Confidences d’un prêtre » nous livre ceci : « Quand l’amour nous tient Dieu nous porte et nous soutient » p24. « S’il y avait un chemin plus beau que l’amour, les hommes l’auraient emprunté « p28. Ce livre est une ode à l’amour dans tout son sens, c’est-à-dire présence à l’autre, présence à Dieu. C’est alors que l’amour se fait poème, création, et que le poème se fait prière, la prière étant dialogue, discussion et aussi parfois dispute avec Dieu dont on dit qu’il a un cœur de femme.
* La femme
Le livre est une célébration de la femme. On le voit aisément à la page 70 de l’œuvre ou de l’allitération à la litanie, l’auteur exalte la femme à travers ces vers soyeux et joyeux.
« Femme de la témérité et de la ténacité
Femme de l’ardeur et du courage
Femme de l’amour vrai
Femme de la vraie séduction
Femme de séduction irréprochable
Femme de l’irrésistible splendeur »
Loin de réduire la femme au sexe comme semble en être la tendance de nos jours, l’auteur cristallise son regard sur ce qu’il y a de plus noble, de plus profond, de plus profondément humain et divin en elle : sa dignité de donneuse de vie, sa sacralité d' »engendreuse » d’espoir et d’allumeuse d’espérance, sa qualité de sel dans la sauce familiale et sociale. La femme, c’est infiniment plus que le nombril lubrique qui se trémousse, des fessiers callipyges qui se remuent en attente du prochain flatteur qui vivra à ses dépens, la femme, c’est beau plus que les paire de seins qui dansent.
C’est d’abord cet être intérieur, sacré, pro-créatrice, et non ce sein meurtrier qui tue avant éclosion la qu’il fait germer. Mariama BA y insiste : « La femme ne doit plus être l’accessoire qui orne. L’objet que l’on déplace, la compagne qu’on flatte ou calme avec des promesses. La femme est la racine première et fondamentale de la nation où se greffe tout apport, d’où part toute floraison. »[9]
*L’espérance
Gaston BACHELARD a écrit ceci : « L’amertume de la vie, c’est le regret de ne pouvoir espérer, de ne plus entendre les rythme qui nous sollicitent à jouer notre partie dans la symphonie du devenir. C’est alors que le « regret souriant » nous conseille d’inviter la Mort et d’accepter, comme une chanson qui berce, les rythmes monotones de la Matière« [10]. La mort, ce n’est donc pas seulement la fin biologique, la cessation définitive de la respiration, c’est aussi la perte de tout espoir. Ne plus espérer que le jour se lèvera, que le désert refleurira et que la plaie se cicatrisera, c’est finalement vivre comme un cadavre ambulant. Il vrai que, au cœur des épreuves, « sonne comme un cri de déception. Un poignard, une blessure, signe de désespoir. » Mais il est aussi une évidence que vivre sans espoir, c’est se condamner volontairement au joug du défaitisme et du pessimisme. En définitive : » Vivre, pour un être doué d’intelligence, c’est espérer. »[1]
Conclusion
« La poésie a l’avantage de parler au cœur et aux sens« , peut-on lire à la quatrième de couverture. Avec cette étude du recueil, on a justement compris que « la poésie est une prière » comme le dit l’auteur. La richesse des thèmes abordés par l’auteur, l’originalité de son approche ainsi que la suavité de ses vers témoignent de sa proximité avec l’Homme. En parlant de l’amour, la femme et l’espérance, il fait comprendre que la vie de l’homme ne saurait se passer de ces trois réalités qui renvoient aussi à leur manière à la trilogie autour de laquelle il a bâti son œuvre : la passion, la présence et la prière. Après avoir parcouru ce recueil, j’ai envie de dire que : « Gémir, pleurer, prier » , n’est pas du tout lâche, contrairement à ce qu’a pensé Alfred de Vigny. L’homme, c’est aussi les émotions, les convictions, les faiblesses et les aptitudes à remonter la pente, la résilience. Si je puis vous adresser un vœu, il sera celui-ci : « Nourrissez donc votre cerveau et votre âme par « confidences d’un prêtre « : De roses et d’espérances du père Armel FAKEYE. Merci
© Camelle ADONON, pour Biscottes Littéraires
Camelle ADONON est étudiante en première année de droit à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques d’Abomey-Calavi . Elle aime la lecture et l’écriture.
[1] http://biscotteslitteraires.com/2021/interview-pere-armel-fakeye-paf/
[3] ibid
[4] ibid
[5] https://kpakpatomedias.wordpress.com/2018/06/04/lancement-de-louvrage-confidences-dun-pretre-du-pere-armel-fakeye-presentation-magistrale-du-pere-jean-fande/
[6] Mariama Ba : Une Si longue lettre
[7] http://biscotteslitteraires.com/2021/interview-euphrasie-calmont-ec/
[8] Rodolphe HOUNKPE, Seul l’amour suffit, Ruisseau d’Afrique, Cotonou, 2009, Quatrième de Couverture.
[9] Mariama BA, Une si longue lettre, p.75
[10] Gaston GABCHELARD, L’intuition de l’instant, 1932;P. 127.
[1] Maurice Zundel, Itinéraire, La Colombe (Editions du Vieux Colombier), Paris 1947, P. 22.