Quelle étrange sensation quand on va bientôt se marier !! Et ça fait un bout de temps que cela dure. Six mois exactement. Je me voyais vêtue d’une magnifique robe blanche, un bouquet de fleur entre les mains. Devant l’hôtel, mon prince charmant m’attendait avec son plus beau sourire.
J’ai toujours fait le vœu d’arriver vierge au mariage. De rencontrer l’homme qui me comprendrait et m’aiderait à réaliser ce souhait qui m’était si cher. J’ai toujours prié pour y arriver. J’imaginais la fierté de mes parents.Je voyais le visage luisant de bonheur de ma mère quand le lendemain de mes noces ma belle-famille viendrait la féliciter pour leur avoir ‘’livré’’ une femme à l’état pur.
Ma vie a changé le jour où Christian y a fait son irruption. C’était un matin aux environs de 10h. Je me rendais à l’université où j’avais rendez-vous avec quelques amis pour bosser. Arrivée aux feux tricolores, j’ai remarqué un type qui me dévisageait. Il n’était pas mal dans son look branché sur sa moto de marque Dream. Mon petit doigt me dit qu’il allait me suivre. Alors j’ai ajusté mon rétroviseur pour bien voir derrière. Effectivement il me suivait jusqu’au campus.
– Euh… pardon mademoiselle. Savez-vous que vous êtes jolie dans cette tenue ? Elle vous va comme un gant et votre moto vous va à merveille elle aussi.
– Mais rassurez-moi. Vous ne m’avez suivi jusqu’ici pour me faire des compliments ?
– En fait… non. Je vous ai remarquée tout à l’heure aux feux et je n’ai pas pu m’empêcher de vous suivre pour de plus amples connaissances. Moi on m’appelle Christian.
– Moi c’est Josette. Ecoutez, je n’ai pas assez de temps maintenant si vous voulez bien m’excuser, il faut que j’y aille.
– Laissez-moi au moins votre contact. Je pourrais vous appeler plus tard si vous le permettez bien-sûr.
– J’ai une bien meilleure idée. Je prends le vôtre de contact et dès que je finis je vous passe un coup de fil.
Ce que je n’ai pas fait.
Mais même après deux bonnes semaines écoulées, je l’avais encore dans la tête. Je pensais à lui tout le temps. Ma seule prière à chaque fois que je sortais était de tomber sur lui une fois encore en circulation. Bien que je brûle d’une envie insupportable de revoir Christian, je ne voulais pas faire le premier pas de peur qu’il me prenne pour une fille de mœurs légères. Mon égo en serait blessé. J’ai alors serré les fesses et croisé les doigts.
Un dimanche, à la messe du soir, en allant recevoir le corps sacré de Jésus-Christ, par hasard j’ai repéré une tête qui ne m’était pas étrangère. Une tête que pendant près d’un mois j’ai invoqué tous les saints pour revoir. Et dans la maison de Dieu, ma prière fut exaucée. Christian était là. C’était bien lui, l’homme dont je n’ai pas arrêté de rêver depuis plusieurs jours, celui qui m’a pratiquement hantée, qui a fleuri chacune de mes nuits dès notre rencontre. A la fin de la messe, c’est lui qui vint vers moi.
– Josette…, vous avez pourtant promis m’appeler. Je me suis accroché à mon téléphone mais rien.
– Je sais, mais j’ai vraiment été coincée dernièrement (mensonge de femme). Je suis vraiment désolée, toutes mes excuses. Alors comme ça vous fréquentez cette paroisse ?
– Oui. D’habitude je viens à la messe du matin, mais aujourd’hui j’ai dû remplacer maman à la boutique parce qu’elle ne se sentait pas bien. Ainsi je me rattrape en venant à celle de 18 h. Et vous, vous venez toujours ici ?
– Oui, toujours.
– Alors maintenant vous me le donnez ce numéro ou quoi ? S’il vous plait, allez.
Et c’était parti pour une histoire d’amour qui changera le cours de ma vie remplie de rêves. Le premier baiser de Christian m’a fait fondre comme du beurre au soleil. A chaque fois qu’on se voyait tous les deux, il jurait par tous les dieux qu’on serait toujours ensemble, qu’il me voulait pour épouse, la mère des deux enfants qu’il souhaitait avoir. Dès qu’il me touchait, dès que je sentais sa main sur ma peau, j’avais l’impression qu’on allumait un feu en moi, un feu qu’il fallait que lui, l’homme que j’aime éteigne. Je n’en pouvais plus. Je n’arrivais plus à lui résister. Il disait qu’il m’aime. Ses attentions envers moi avaient tendance à le confirmer. Pourquoi souffrir alors que moi aussi je le désirais au plus profond de mon âme ? Je me suis donc donnée à Christian sans réserve, cœur et âme, et j’ai adoré cette sensation que je venais de découvrir pour la toute première fois de ma vie en lui disant : « Je t’aime« .
Pendant quatre mois j’ai vécu des moments magiques avec Chris. Mon chéri était aux petits soins. Entre ballades interminables, les soirées cinémas en amoureux, les rendez-vous chez ma coiffeuse, pique-nique dans les bois et les séances photos, c’était le parfait amour. Je me souviens de notre soirée la plus folle comme si s’était hier.
Il n’y avait que ma jeune sœur Naomi et moi à la maison. Nous suivions une série américaine dans ma chambre. Quelqu’un avait sonné. Naomi alla ouvrir. Elle revint avec un magnifique bouquet de fleur entre les mains.
– C’est pour toi. Cachotière, tu ne m’avais pas dit que tu as un amoureux, me dit-elle en de remettant les fleurs. Sur une carte agrafée à l’emballage, étaient dessinés les mots suivants : « A la femme dont ces fleurs jalousent la beauté. Ce serait un honneur si ma princesse acceptait partager mon diner avec moi ce soir».
J’ai compté minute après minute en attendant l’heure du rendez-vous. Il vint me prendre et m’emmena dans un endroit très raffiné. Un beau petit restaurant très sympa sur un lac. Le dîner fut délicieux et le désert exquis.
– Alors, tu as aimé ? Me demanda-t-il.
– Comment ne pas aimer ça? J’ignorais qu’il excite un endroit pareil dans cette ville.
– Maintenant que veux-tu faire, où veux-tu aller ? Dis seulement et ton serviteur obéit.
– Christian, tu y vas un peu fort, arrête.
– Non tu le mérites, ma belle. Et bien plus encore. Josette tu es une princesse, ma princesse. Alors dis seulement ce que tu veux faire.
– Aller danser peut-être ?
– Bonne idée chérie ! Juste le temps de régler l’addition et on y va.
En route pour la boîte, on n’a pas arrêté de rigoler sur la moto, Chris et moi, au point de ne pas remarquer la crevaison. Chris est reparti garer la moto à son bureau pendant que je l’attendais au bord de la grande voie. Nous avons ensuite emprunté un taxi. Dans la boîte, c’était du vrai délire. Les couples étaient incomptables. Les uns plus ou moins bien habillés que les autres. Certains bons danseurs que d’autres. Pendant des heures, nous avons dansé l’un contre l’autre, bien enlacés. Chris me murmurait des mots à l’oreille. Il disait que je bougeais avec grâce comme une sirène. Je me sentais au-dessus de toutes les autres femmes au monde. A la fin de la soirée, j’ai eu une idée folle. Celle de faire le chemin du retour à pieds. Plus de cinq kilomètres à parcourir à quatre heures du matin. Ce n’était pas prudent comme entreprise mais on s’en foutait pas mal. Malgré la longueur de la distance, nous n’avons pas senti la fatigue. Au milieu de la nuit, l’homme de cœur et moi, main dans la main, sans peur ni crainte. A cette heure, la voie était presque déserte.Seuls certains musulmans allant à la prière, quelques conducteurs de taxi courageux et quelques noctambules sur qui l’alcool avait pris le dessus, étaient encore en circulation. Chris m’a raccompagnée juste devant chez moi. Il disait ne pas avoir envie de me laisser. Du coup, nous y sommes restés jusqu’à six heures. Il m’a fait découvrir le septième ciel là. Devant mon portail, sur un banc de fortune. Pour une première fois, c’était à la fois dangereux et excitant. Je n’oublierai jamais cette belle soirée que Christian m’a offerte.
Mais tout ceci n’était que pure comédie. C’est ça. Il s’était tout simplement joué de moi. Tout ce qu’il voulait c’était mon entrejambe, avoir le privilège d’être celui qui me ferait goûter le fruit défendu. J’aurais dû m’en rendre compte plus tôt. Depuis le jour où je lui avais confié que j’étais pucelle, Chris se montrait impatient. Il voulait s’en assurer à chaque occasion. Il a finalement atteint son but ce fameux petit matin…
Il y avait quand même une chose qui m’intriguait. Chris n’a jamais voulu venir à la maison en la présence de mes parents. Il disait ne pas voulait les rencontrer de cette façon. Il me donnait comme excuse qu’il lui fallait du temps pour avoir le soutien des vieux sages de sa famille afin de faire une demande en mariage formelle comme le veut la tradition. Comme une idiote, je croyais à tous ses baratins. J’avais tellement confiance en lui. Il était mon monde, mon univers. Il était tout pour moi. Quel salaud !!! Comme je le déteste !!!
Peu à peu, Chris commença par se faire rare. Et même quand j’allais chez lui, il trouvait le moyen de s’absenter ou de me faire partir. Ses appels devenaient de moins en moins fréquents. Les miens, difficilement, il les prenait. Mon cauchemar ne faisait que commencer. Pour tout arrêter, il a changé ses contacts téléphoniques, interrompu nos rencontres et même changé de maison. J’ai trouvé les portes de là où il habitait fermées. Le propriétaire m’a notifié qu’il n’y vit plus et ses anciens voisins n’avaient aucune idée de sa nouvelle adresse. Je me suis mise à sa recherche parcourant toute la ville. Passant chez tous les amis à qui il m’avait présentée comme étant sa future épouse. Mais aucun d’eux n’a voulu répondre à mes questions.
Six mois que Christian et moi sortions ensemble. On s’était promis ciel et terre, amour, mariage et appartement. J’en étais si heureuse. Et voilà que tout commence par s’écrouler comme un château de cartes parce qu’il m’était impossible de retrouver mon Chris à moi. Toutes mes recherches n’ont rien donné.
Un jour en parcourant les pages d’un journal à la recherche d’avis de recrutement, je tombe plutôt sur une publication de banc. Sur une photo Chris et une autre femme. Ils allaient se marier le lendemain même. Cette fille serait sa fiancée revenue du Canada après ses études. Et moi alorsk quelle rôle ai-je joué dans cette histoire ? Je comprenais enfin que je n’ai été pour Christian qu’une parenthèse. J’avais juste servi à combler le vide de l’absence de l’autre. Sans me fournir d’explications, il me quitte. Impossible !!! Je ne voulais pas y croire. Chris, après toutes les promesses qu’il m’a faites, tout ce qu’il m’a dit, se marierait-il avec une autre ? Il fallait que je voie ça pour en être convaincue. Chris, pourquoi m’a-t-il fait ça à moi qui étais capable du pire pour le voir sourire ? Moi qui aurais donné ma vie pour sauver la sienne?
Le grand jour, je me suis rendue au lieu de la cérémonie. Je me suis installée comme les dizaines autres invitées conviés à la fête. J’étais là quand Christian fit son entrée dans son costume de prince charmant. J’étais également là quand l’heureuse élue fit son entrée elle aussi. Les applaudissements ne se sont pas fait prier. Il lui sourit à elle et pas à moi qu’il disait aimer. J’étais toujours là quand ils se sont dit ‘’Oui’’ tous les deux, quand ils se sont fait des promesses d’amour, de respect et de fidélité. Sous mes yeux, Chris promettait amour, respect, fidélité et amour à une autre. Alors qu’à moi aussi il avait promis tout cela. Seulement qu’à moi c’était devant chez moi en pleine nuit sur un trop d’arbre qui avait servi de lit et deux ou trois fois dans sa chambre, dans son lit et sous ses draps. A elle devant Dieu et devant les hommes. J’avais mal, très mal. J’avais envie de pleurer mais je manquais de larme. J’avais envie de hurler mais aucun son ne sortait. Je ne pouvais le supporter. Je sentais mes forces me quitter. C’était trop dur d’assister au mariage de mon fiancé.
Au moment des félicitations, je me suis également levée comme tout le monde pour aller leur souhaiter tout le bonheur. La jeune mariée ne s’est doutée de rien. Normal, c’était le plus beau jour de sa vie. Chris au contraire était subitement devenu nerveux malgré la climatisation mise à fond. Il m’a suivie des yeux jusqu’à ma place et je n’ai pas arrêté de le fixer non plus. Rage et colère se mélangeaient dans mon cœur. Je n’avais qu’une envie. C’était de tout casser, de faire un scandale. Mais à quoi cela aurait-il servi ? J’avais définitivement perdu l’homme que je j’aimais. J’étais folle de lui mais il était destiné à une autre. En plus la mariée n’aurait pas mérité que ce jour lui soit gâché. Elle était innocente et victime à la fois, tout comme moi. Le seul coupable c’était Chris. Je souffrais certes beaucoup, mon cœur saignait de partout. Mais rien ne me l’aurait rendu. C’est le genre de blessure que l’on garde toute la vie. Une seule chose me donnait la force. L’espoir. Christian ne me reviendrait peut-être plus, mais j’avais espoir qu’un jour, l’homme de ma vie viendrait et serait prêt à tout pour moi.et pour mon bonheur. A ce moment toutes les blessures, toutes les plaies cicatriseront et se fermeront pour de bon.
Pendant que les nouveaux époux marchaient vers la sortie de la chapelle, et que la foule criait la traditionnelle « Vive les mariés » en jetant sur eux des pétales de fleurs de différentes couleurs, nos regards, Chris et moi, se croisent. Par la même occasion, nos chemins et nos vies se séparaient à jamais…
Josiane Bio Dafia habite à Parakou au Bénin. Elle est journaliste, passionnée d’écriture et Directrice du concours littéraire « Plumes Scolaire ».
L’art d’ouvrir la parenthèse et de la fermer….après le rêve le cauchemar….comme dans un conte de fées qui tourne au tragique…….l’amour est mort, vive l’amour…..