AZO DIENG (AZ) : « En écrivant, je m’écris et je me décris »

AZO DIENG (AZ) : « En écrivant, je m’écris et je me décris »

Votre blog reçoit pour vous aujourd’hui, chers amis, Azo Dieng, poète sénégalais. Il entend conquérir le monde aux moyenx de deux armes: ses vers et son sourire.

BL : Bonjour M. Azo Dieng. Nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Veuillez-vous présenter aux lecteurs, s’il vous plaît.

AZ : Bonjour, Azo Dieng est un poète comptant pour rien en vadrouille, auteur de deux recueils de poèmes : « Premières pluies«  et « Semailles« .

BL : Amant, maître, chantre, habile manieur des mots vous êtes. Et ce n’est pas pour flatter. Nos investigations nous ont permis de découvrir un Azo Dieng passionné de lettres. D’où vous cette passion pour la littérature et depuis quand dure-t-elle?

AZ : (Rire) Cette passion me vient de ma famille certainement. Je suis né et j’ai grandi au milieu des livres et c’est tout naturellement que je me suis mis à écrire et avoir des projets d’écriture. Enfant j’avais des collections de bandes dessinées et puis plus tard je me suis constitué petit à petit ma petite bibliothèque.

BL : Besoin d’écrire, ainsi s’intitule l’un de vos poèmes, poème qui nous donne à croire que l’écriture chez vous n’est pas un passe-temps, un chasse-ennui, un acte anodin, mais une nécessité. Vous êtes tombé dans l’écriture, elle vous a eu. Depuis quand sacrifiez-vous à la muse?

AZ : L’écriture pour moi est une respiration et depuis 2007 j’écris. J’écris de manière sporadique certes, mais je ne m’imagine pas dans une vie sans écriture.

BL : De tous les genres, c’est pour la poésie que bat le plus votre cœur. Vous avez choisi la poésie ou alors c’est elle vous a choisi. Pourquoi la poésie ?

AZ : Je dirais, la poésie et moi nous nous sommes retrouvés. Je suis tombé en 2007 sur Les contemplations de Victor Hugo et depuis ce jour j’ai piqué le virus. Je me suis très vite senti poète et cela s’est confirmé au fil des années. En la poésie je trouve mon refuge, ma quiétude et mes sens. Je crois qu’elle est mon premier amour en ce qu’elle me permet de mieux vivre mes amours.

BL : Au commencement était » Premières pluies », votre premier recueil. Parlez-nous de la genèse et du contexte d’écriture de cet ouvrage.

AZ : Je dois avouer que j’ai écrit « Premières pluies«  dans des circonstances plus ou moins bouleversantes. En mars 2008 j’ai perdu une amie, décédée dans un accident de voiture, et c’est là que tout est parti. Je me suis remis à lire « Les contemplations » et c’est à partir de là que les choses ont commencé à venir.

BL : « Premières pluies », ce sont les premiers vers crachés par votre plume, les premières larmes, les premiers rires transcrits. Pourquoi ce titre qui est tout sauf anodin ?

AZ : D’abord j’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère avec qui j’avais une très forte relation. Il se trouve qu’elle avait une appréhension particulière de la pluie si bien qu’elle disait souvent qu’elle sait qu’elle allait mourir en saison des pluies. Et c’est arrivé ainsi, elle est décédée en juillet 2004 après les premières pluies. Au-delà de cet hommage c’est aussi un clin d’œil aux paysans et agriculteurs qui eux-aussi entretiennent un rapport profond avec la pluie.

BL : Qu’est-ce qui vous a inspiré cet ouvrage ?

AZ : Essentiellement j’ai été inspiré par mon vécu. C’est d’ailleurs ma principale source d’inspiration.

BL : Après les « Premières pluies », logiquement les « Semailles ». C’est le titre de votre second ouvrage, un recueil qui fait suite au précédent. Vous vous muez en paysan, vous semez des mots. Pourquoi avoir utilisé cette sorte d’image qui toute suite saute à l’œil ?

AZ : J’ai voulu utiliser la métaphore paysanne pour rendre hommage à ces braves gens que sont les cultivateurs, les agriculteurs. Non seulement j’ai toujours été fasciné par leur travail mais aussi je les considère comme des poètes. Il y a de la poésie à semer des graines qui demain deviennent des  fleurs, des fruits: la vie !

BL : « Semailles » ce sont vos tristesses, vos révoltes, vos pleurs, un peu d’amour et de déception que vous semez dans le terreau de vos vers. On lit et découvre à chaque mot le poète, on se fait ami à vos amis, on se surprend à compatir à vos peines, à pleurer vos deuils, à souffrir de vos souffrances. Peut-on affirmer que Azo Dieng s’est livré et délivré dans ce recueil ?

AZ : Mais tout à fait !  En écrivant, je m’écris et je me décris. C’est mon vécu et mes histoires que je partage avec mes lecteurs. En parlant de moi, je parle aux autres dès lors qu’ils sont sensibles à ce vécu. N’est-ce pas Hugo qui aimait rappeler : « Ah ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! Insensé qui croit que je ne suis pas toi ! »

BL : Il nous a été donné de comprendre que ce recueil est né d’une envie de s’épancher, de se vider. Le but a-t-il été finalement atteint ?

AZ : Oui. Le but a été atteint. J’ai dit plus haut que la poésie, pour moi, était une respiration, un exutoire aussi.

BL : Mélancolie, Solitude, tristesse, extrême sensibilité, ce sont là les plus grosses vagues de cet océan de vers qu’on eût pu dire de larmes. Vos mots respirent un spleen déconcertant. Azo Dieng serait-il un hypersensible incorrigible ou simplement un romantique pur et dur?

AZ : (Rire) Azo Dieng est juste un romantique mais surtout un grand amoureux. Voyez-vous, il faut aimer et en assumer toutes les conséquences, c’est-à-dire accepter de vivre avec la joie et la tristesse. Je confirme également que je suis quelqu’un de très mélancolique et très souvent le spleen m’habite et c’est là que je trouve en la poésie un refuge, un sentiment de sérénité.

BL : «Je composerai des vers dévastateurs, …des vers résurrecteurs », des titres et des vers qui choquent et intriguent par leur confrontation et leur contenu antithétique. Pour vous, est-ce cela le poète, un homme de contradictions ?

AZ : Ah ça ! Ce n’est pas pour les poètes seulement. L’homme lui-même est fait de contradictions et c’est ce qui fait tout son charme. Il est vrai que les poètes ont des contradictions plus flagrantes du fait de l’activité que nous exerçons mais pour moi il faut de la contradiction en toutes choses sinon la vie devient fade.

BL : «Le poète de Semailles plus que se frapper le cœur, il l’a saigné pour rendre sincères les émotions qui l’habitent et fixer à jamais celles et ceux à qui il doit le bonheur d’aimer et d’être aimé. » Ainsi résume « Semailles » M.Joseph Correa. Que pensez-vous de cette analyse ?

AZ : Je pense que mon ami Joseph Correa a bien cerné l’esprit du texte, peut-être parce que nos longues discussions lui permis de mieux connaitre ma personnalité ou juste par le flair du lecteur avisé qu’il est. C’est vrai, je me suis saigné le cœur, je suis allé au plus profond de mes entrailles pour sortir les vers qui composent ce recueil. Vous savez il n’est pas si facile de se dévoiler, se mettre à nu… cela requiert du cœur.

BL : « Semailles«  nous fait découvrir Louga, une ville qui doit être cher à votre cœur. Vous y avez écrit le clair de vos poèmes. Louga, votre antre, votre ville-muse, votre Rome, votre Paris, votre ville-fétiche ?

AZ : Je ne dirais pas ma ville fétiche mais ma ville de cœur. Louga, pour moi, est une lumière. J’ai grandi dans cette ville, j’y ai vécu les dix-huit premières années de ma vie donc c’est une ville fondatrice. C’est tout naturellement que j’ai composé beaucoup de mes poèmes à Louga mais je reste fortement attaché aux trois autres villes qui m’ont fait : Dakar, Thies et Saint-Louis.

BL : Votre poésie, loin de se limiter à panser les plaies du poète et à exposer ses épanchements, rend hommage, célèbre la beauté, l’amour, l’art poétique lui-même, tout ceci dans un style qui semble se réclamer tant du senghorien, de l’hugolien que du baudelairien. Comment qualifieriez-vous vous-même votre poésie ?

AZ : Je n’ai pas envie, pour le moment, de catégoriser ma poésie. J’en laisse le soin à la critique et aux lecteurs. Ce que je retiens pour l’heure, c’est ma quête de poésie ne fait que commencer et pour l’heure je ne suis qu’un poète en vadrouille, comptant pour rien.

BL : Comment Azo Dieng apprécie-t-il la littérature sénégalaise d’aujourd’hui ? Comment la poésie s’y porte-t-elle?

AZ : La littérature sénégalaise se porte bien dans l’ensemble. Il y a des choses à revoir certes, mais il faut reconnaître qu’il y a pas mal d’initiative et surtout de jeunes auteurs sont en train d’émerger. La situation de la poésie, par contre, est moins reluisante. C’est un genre que les lecteurs, très souvent, redoutent mais nous essayons de nous battre pour que chaque jour il y ait de la poésie dans la vie des gens.

BL : Après les « Premières pluies » et les « Semailles », à quand la moisson ? Parlez-nous de vos projets en cours ?

AZ : « La moisson » (rire) très bientôt in cha Allah. Je suis en train de travailler sur la réalisation du prochain recueil qui va clore la trilogie entamée en 2013. Je suis en train mettre en place les éléments nécessaires à la réussite du projet et somme toute très bientôt les lecteurs et amoureux de la poésie verront les fruits de ce travail.

BL : Votre portrait chinois :

Un héros ou une héroïne : Mon grand-père, Ibra Sow

-Un personnage historique : Martin Luther King

Un auteur : Victor Hugo

Un livre : La reine des sorciers de Seydi Sow

Un plat : le ceebujen

Un animal : le tigre

Un passe-temps : la lecture

BL : Merci M. Dieng de vous être prêté à nos questions. Votre mot de la fin.

AZ : Un grand plaisir pour moi d’avoir été votre invité. Je suis tout aussi heureux qu’honoré. J’ai apprécié l’entretien et je vous souhaite du succès et vous encourage à continuer dans cette lancée. Vous faites du très bon travail, la littérature a besoin de plateformes comme la vôtre. Merci !

 

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