« Ceux qui sortent dans la nuit » Mutt-Lon
« Tant de choses, surtout des mauvaises, sont dites sur Ceux qui sortent dans la nuit, selon l’expression consacrée. Ce qui est heureux pour tout le monde c’est que personne n’en sait rien de précis, car ceux qui savent ne parlent pas » p.17. Introduction Dans le monde, mais surtout en Afrique, certaines sociétés disposent de mythes sur de prétendus hommes « sorciers ». De plus en plus, ces mythes sont associés à des faits par analogie, entraînant toute réflexion sur le sujet à une déduction plus ou moins évidente : les sorciers existent vraiment. Se basant sur cette déduction, on pourra se poser la question de savoir qui sont en réalité ces sorciers ? Quelles sont leurs origines et quels rôles jouent-ils ? Peut-on qualifier la sorcellerie de « science » à l’africaine ? Dans son ouvrage Ceux qui sortent dans la nuit, l’écrivain camerounais Mutt-Lon épluche ces questions à travers une histoire aussi édifiante que palpitante. Allons…
« Le sarcophage des mutilés » de Stephens Akplogan: « un nid de désirs inassouvis »
« Le sarcophage des mutilés » de Stephens Akplogan, ce roman que je m’étais empressé de lire, attiré incontestablement par son titre, nous conte l’histoire d’une bande de mutilés. Bande parce qu’ils sont nombreux. Mutilés, par ce que drainés et ballotés par le poids de l’ambition, de la politique, du désir intellectuel, du désir inassouvi d’être, de devenir et de paraître. Cette ambition démesurée enfermé tous dans un piège sans fin. Stephens Akplogan, après avoir dressé un bref mais dense état des lieux de l’ambiance politique de mère Afrique, dépose enfin ses bagages au Bénin. Il nous emmène d’abord en petite virée chez Yamboun, un intellectuel ivre de mérites et de glorioles qui aura très vite appris que la société n’en fait qu’à sa tête et que les sectes ne sont pas seulement d’ordres religieux. « Le sarcophage des mutilés »de Stephens Akplogan nous lance à la suite de cette virée sur les grandes routes…
« Allah n’est pas obligé » Ahmadou Kourouma
Introduction La guerre est l’un des phénomènes les plus marquants et les plus réguliers de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui encore, elle ne manque de faire rage sous certains cieux, de plusieurs manières différentes au vu des causes qui peuvent la faire naître et qui, sont parfois traitées de justes. Cependant, la guerre peut-elle se dire légitime même nourrie par des causes « justes » ? Ahmadou Kourouma, un des plus grands écrivains que l’Afrique ait connu, raconte dans Allah n’est pas obligé, à travers le personnage de Birahima, la guerre et ses réalités sanglantes dans un ton assez comique, tout en s’inspirant de faits réels. Allons à la découverte de ce livre. Bref résumé du livre Birahima est un garçon d’une dizaine ou d’une douzaine d’années, « incorrect comme barbe d’un bouc ». Ayant abandonné les classes en deuxième année du cours élémentaire, il devient un « enfant de la rue ». A la mort de sa…
Black Bazar d’Alain Mabanckou : « quand la flamme des origines reste vive malgré la neige et l’hiver! »
« C’était l’époque où il fallait aider les Angolais qui luttaient contre leur rebelle Jonas Savimbi et ses hommes tapis dans le maquis. Notre gouvernement envoyait alors en masse les jeunes gens à Luanda […] Si nous autres de la plèbe on s’empressait d’aller en Angola c’était juste dans l’espoir de nous barrer en Europe depuis ce pays voisin, véritable niche de passeurs qui travaillaient main dans la main avec leurs complices des compagnies aériennes […] Je suis d’abord arrivé au Portugal avant d’échouer en Belgique, puis en France avec les papiers d’un compatriote mort depuis longtemps et dont les frères avaient vendu la carte de résident aux passeurs angolais. Je porte le nom et prénom de ce disparu,et on comprend que je n’aie pas dévoilé jusqu’à présent mon vrai nom, encore moins à quelle rue précise se situe mon petit studio du XVIIIe. » (pp. 193-194) Alain Mabanckou, « Black Bazar » (Seuil,…
« L’Aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou Kane : un classique intemporel !
Cheikh Hamidou Kane, né au Sénégal, le 2 avril 1928, appartient à la génération de la littérature africaine francophone qui va surfer au rythme du mouvement de la négritude. Cette génération est celle qui va véritablement permettre à la littérature négro-africaine de se construire sa propre identité.Les productions littéraires de cette époque se formule essentiellement dans l’expression et la valorisation de la culture noire, et dans une réaction agressive à l’oppression coloniale. Mais,L’Aventure ambiguë – publié pour la première fois aux éditions Julliard en 1961 –est quasiment intemporel en ce sens qu’il a traversé plusieurs générations et continue de susciter des interrogations qui restent d’actualité. Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire[1] en 1962, la pertinence de ce roman se lit à travers de nombreux travaux dont il a fait l’objet depuis sa parution (thèses, mémoires, et articles scientifiques) et à l’aune de sa capacité à conserver sa substance thématique malgré l’usure…
« Prisonnier malgré moi » Flavien Anicet Bilongo
Prisonnier malgré moi… Récit d’un migrant clandestin de Flavien Anicet Bilongo, L’Harmattan, 2015 : quand le rêve et la résilience deviennent des crimes sanctionnés par le Destin ! « Laissés à la frontière en plein midi, les gendarmes algériens nous récupérèrent et nous intimèrent l’ordre de rentrer. Fatigués au plus profond de nos chairs par la marche, le climat, les bastonnades, nous leur fîmes comprendre avec insistance que nous voulions juste aller nous reposer. Ils nous passèrent à la fouille habituelle. Je portais un vieux pantalon jean au-dessus d’un autre pantalon survêtement coupé au niveau des cuisses, un entrejambe ouvert, un blouson de fortune au-dessus d’un tricot dont l’odeur pouvait couper le souffle, faire vomir une personne allergique aux fortes odeurs. De vieilles sandales aux semelles coupées laissaient voir mes talons fendillés par le froid, les orteils presque pourrissants à cause des rivières que nous enjambions durant le parcours, mon état ne leur…
« Tous nos noms » de Dinaw Mengestu
« Tous nos noms » de Dinaw Mengestu : lecture de l’enfumage onomastique comme clé de voûte d’une construction identitaire. Dinaw Mengestu est un écrivain de nationalité américaine, d’origine éthiopienne. Il est né à Addis-Abeba en 1978, pendant la crise politique qui secouait l’Éthiopie à cette époque. Laquelle crise va pousser sa famille et lui à s’exiler aux USA, deux ans après sa naissance. Mengestu va donc grandir dans le manque-absence de sa terre natale à laquelle il a été brusquement arraché, et le désir de s’intégrer dans une Amérique elle-même déchirée par des revendications et des luttes pour les droits civiques. La nostalgie du bercail et l’obligation de s’intégrer dans ce pays qui valse au rythme des inégalités raciales, vont le confiner dans une sorte d’entre-deux-identitaire. Cette vie à cheval entre deux cultures – la culture africaine dans laquelle il vit en imagination et la culture de sa terre d’accueil– va le pousser…
« Comme un chapelet » de Nkul Beti : pour une esthétique du bouleversement.
Le recueil de poèmes Comme un chapelet de Nkul Beti –publié aux Éditions Le Lys bleu en 2019,après Mixture (Edilivre, 2014) et Aux Hommes de tout… (Ladoxa, 2016) –est le terreau d’une écriture du bouleversement qui porte le sceau de l’indignation. Il est à lire comme la manifestation et le dévoilement d’un sentiment d’amertume dont le prétexte est imputable à un événement triste de la vie de l’auteur. Et se pose comme l’expression d’une colère ou encore la conséquence d’une douleur ; on dirait Alphonse de Lamartine s’écriant :« Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, /Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?/Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, /Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. »[1]. Tout semble donc dépeuplé autour de Nkul Beti ; un peu à l’image de Victor Hugo âprement éprouvé par la disparition de sa fille Léopoldine, morte noyée dans la Seine avec son mari,…
« SUZANNE : UNE TRAJECTOIRE DE VIE AN DIDAN – AN DEWO » d’Arlette Pujar : « Réalisme de la littérature, sans fard ni facétie »
Il est des livres qui n’ont rien d’extraordinaire, mais qui vous renversent littéralement. « Suzanne » en fait partie. Ouffff. Quel livre! Je ne peux m’empêcher de partager les émotions qu’il m’a fait vivre. Mais avant, qu’il me soit loisible de remercier profondément et très cordialement Arlete Pujar, l’auteure de ce bijou. Nous nous sommes croisés à la foire du Livre de Cotonou (Septembre 2019). Elle faisait partie de la délégation martiniquaise invitée à ce festival. Nous avons devisé et rigolé comme de vieux copains et au moment de m’en aller, Arlette me dit : « Si cela ne vous dérange pas, je veux bien vous offrir un de mes livres. Je vous donne Suzanne. » Je répondis, émerveillé : « Est-ce que je peux refuser un livre qu’on m’offre si généreusement ? Dieu même sait que je ne sais pas résister à une telle tentation. » Cela dit, elle prit un exemplaire du livre qu’elle dédicaça pour moi.…
« Vivre, être-soi » de Euphrasie Calmont et Colette Lina-Dubail : « Un retour aux sources de la vraie vie »
Deux défis colossaux, deux épreuves monstrueuses se sont donné rendez-vous dans le titre de cet opuscule, « Vivre, être-soi » petit par la forme (juste 104 pages) mais profond quand on se mesure à la densité des thématiques qu’il charrie. Deux énigmes, deux casse-tête qui semblent relever aujourd’hui de la quadrature du cercle s’offrent à voir dans le titre de ce livre à la couverture bleu azur dominée par de géants cocotiers : « Vire, être-soi ». Si vivre, pris au simple sens de respirer, être vivant, se mouvoir, est déjà un combat, être soi relève d’une audace toute aussi folle qu’ambitieuse en ce siècle de dilution collective où des moules de la pensée unique et du mimétisme ouvrent la voie à d’autres dérives plus graves encore : vivre par procuration et vivre à la périphérie de l’être dans un univers digitalisé et réifié à loisir. Vivre et oser être soi, deux défis énormes pour l’homme…